Le roi demeura ferme dans son dessein & don- An: '1162. na ordre de le declarer aux moines de Cantorberi & au clergé d'Angleterre. Thomas resista quelque tems , mais il ceda aux conseils de ses amis & aux instances pressantes du cardinal Henri de Pise legat du pape. Quand il fut arrivé en Angleterre les moines de l'église métropolitaine s'affemblerent suivant la volonté du roi avec quelques évêques pour procéder à l'élection. Les avis furent partagez : les uns disoient qu'un prelat cheri du roi procureroit la paix entre le roïaume & le sacerdoce : les autres solltenoient que cette faveur nuiroit à l'église ; & que sous un archevêque tiré de la cour, les officiers du roi la pilleroient plus librement. Ils ajoûtoient , qu'il étoit absurde & contre les regles de donner pour chef à ce venerablc monastere , à toute l'église Anglicane homme plus laïque qu'ecclesialtique : un chasseur & un courtisan plein de falte. Il fut élu toutefois suivant l'intention du roi par les évêques de la province , & les moines de Cantorberi afsemblez à Oüestminster près de Londres. Il y avoit cinq ans qu'il étoit chancelier , & il étoit en la quarante quatriéme année de son âge. Aussi-tôt il fut presenté au jeune roi Henri dont il avoit été précepteur , qui étoit present l'assemblée , & qui donna son consentement à l'élection au nom du roi son pere. Thomas fut aussi declaré de la part du roi libre de tous les engagemens de la cour. Il partit ensuite de Londres pour aller à Cantorberi être facré suivant la Àn. 1162. coûtume. Presque toutes les personnes considera bles du.roïaume s'y rendirent : le clergé par de- que le nouvel archevêque étoit le quinziéme. Aussi-tôt il envoïa des députez au pape qui étoit à Montpellier, , pour demander le pallium , qu'ils obrinrent plus facilement & plus promtement qu'à l'ordinaire. Ainsi Thomas l'aïant reçû, d'évêque devint archevêque. Ce sont les paroles d'Hebert en des auteurs de sa vie. En memoire de son sacre Thomas institua de celebrer au jour de l'octave de la Pentecôte la fête de la sainte Trinité, qui n'étoit pas encore établie par toute l'église. Thomas Bequet fut le premier Anglois qui mens de s. Tho-occupa le fiége de Cantorberi depuis la conquête des Normans. Il nâquit à Londres l'an 1117, le Vita, quadri- vingt-uniéme de Decembre jour de l'apôtre S. Thomas dont on lui donna le nom. Son pere Dieu , & lui recommanda la devotion à la fainte Vierge : Il étudia premierement à Oxford puis à Gervasop: LIX. Commence mas de Cantorbcri. part. l. 1.6.1. ep. 108. Vitace: s'en ren Vita. 6.3. couronne Paris, où il apprit avec les sciences la langue An. 1162. Françoise , qui étoit alors celle de la cour d'Ăngleterre. Comme il étoit bien fait, de belle taille , & d'un esprit excellent , ses amis le firent connoître à l'archevêque Thibaud, qui le retint auprès de lui, le mit dans son conseil , & l'envoïa plusieurs fois à Rome pour les affaires de l'églile, qu'il y conduisit avec succès ; & pour dre plus capable, il étudia quelque tems le droit civil à Boulogne. Roger archidiacre de Cantorberi aïant été élevé à l'archevêché d'Yorc en 1154. l'archevêque Thibaud donna son archidiaconé à Thomas Bequet qui le posseda avec la prevôté de Beverlei , plusieurs cures & quelques prebendes. En- 1. ep.108. suite le roi Henri II. étant venu à la l'archevêque Thibaud pour rețenir ce jeune roi peu affectionné aux interêts de l'église , & reprimer les entreprises de ses officiers, fir en sorte qu'il prit pour son chancelier l'archidiacre Thomas. En cette place il s'appliquá à gagner les bonnes graces du roi par-toutes sortes de complaisances : il chafsoit avec lui , il fe conformoit à ses heures pour les repas & pour le sommeil , fa table étoit magnifique, les meubles somptueux, il étoit entouré d'une grosse cour , & cherchoit à se faire estimer des gens du.monde. Toutefois au milieu des de lices & de la vanité il se conserva toûjours pur à l'égard des femmes. Il cut beaucoup à souffrir de la part des courtisans : en forte qu'il disoit souvent avec larmes à l'archevêque & à ses amis , qu'il ne souhaittoit rien plus que de pouvoir for tir de la cour sans se deshonorer. Cependant il gama An. 1162. gnoir de plus en plus la confiance du roi par ses grands services : entres autres par la négociation du mariage entre les enfans des deux rois, de France & d'Angleterre : qui fit revenir au dernier Gisors & quatre autres places importantes. Enfin ce prince lui confia l'éducation du jeune Henri son fils & son heritier présomptif. Tel étoit Thomas Bequer quand il fut élevé sur le siége de Cantorberi. Mais si-tôt qu'il fut élu, il fit de serieuses reflexions sur la sainteté de l'état où il alloit s'engager : il resolut de changer de vie ; & allant de Londres à Cantorberi pour son sacre , il dit à Hebert un de ses clercs homme de grand mérite : Je veux que vous me disiez desormais ce que l'on dira de moi. Çar il m'arrivera comme aux autres , principale, iment jaux grands , dont on dit bien des choses qui ne viennent jamais à leur connoissance. Avertisez moi aussi des fautes que vous me verrez faire , puisque quatre yeux voïent plus que deux. Quand il cut reçù l'onction facrée il devint un autre hom mc, il se convertit entierement, & commença 'pat se revêtir de l'habit monastique , avec un rude cilice par mais par deslus il portoit un habit propre & convenable à fa dignité. A la fin du mois de Juin 1162: le papé Alexan dre partit de Montpellier & passant par Ålais, MenAda ap. Bar. de & le Pui, il arriva à Clermont en Auvergne le quatorziéme d'Août veille de l'Assomption de la fainte Vierge. Mais fi-côt que l'empereur Fri deric C.9. dessous, LX Conference à s. Jean de Laune. Duchesne. to. A deric aprit qu'Alexandre venoit en France, il écri. AN. 1162 vit à Hugues de Champ-fleuri évêque de Soiffons & chancelier de France en ces termes : Nous avons P: 579. ep. 47. apris certainement que Roland ci-devane chancelicr , à qui nos ferviteurs ne laissent pas de retraite autour de Rome , s'est exposé à la mer avec ses feca tacteurs , pour entrer en France , l'infecter de for schisme & la dépoüiller. Car étant accablé de dettes il lui faut plus de vingt millc livres pour satisfaire ses créanciers. Nous vous prions donc de con: seiller au roi de ne recevoir en aucune manierc ce schismatique , nôtre ennemi mortel & de l'empire, ni aucun de fes cardinaux & de fes nonces. Car il en pourroit naître entre le roi & nous une inimitié que nous n'apaiserions pas facilement. Cependant Henri comte de Champagne & gen- til vizolias, dre du roi Louis, reçûr la lettre que ce prince lui p. 424 avoit fait écrire par Manassés évêque d'Orleans, ou il témoignoit se repentir d'avoir reconnu le pape Alexandre. Le comte embrassant avec joïe cette occasion de faire la cour à l'empereur, fui conseilla de proposer au roi une conference , où fe trouveroient les seigneurs & les prélats de France & d'Allemagne , ajoûtant avec ferment : Je vous promets que le roi s'en tiendra à ce que je lui confeillerai , quand on aura examiné devant lui l'élection des deux papes. Le lieu de la conference fue marqué à S. Jean de Laune petite ville de Bourgogne sur la Saone & alors la frontiere de la France ; & le jour, la Decolation de S. Jean vinge-neuviéme d Août. Le roi, homme simple & qui fc Tome XV. S |