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AN. 1166.

Faites donc, s'il vous plait, reflexion à quelle fin vous tendez & fi vous prenez les moïens pour y parvenir. Pour nous, nous vous confeillons comme à nôtre pere de ne pas ajoûter de nouvelles difficultez, de laiffer les menaces & vous conduire avec patience & humilité, & de remettre vos interêts à la mifericorde de Dieu & à la clemence du roi. Il valoit mieux faire loüer vôtre pauvreté volontaire que de vous exposer à être univerfellement blâmé d'ingratitude. Car tout le monde fe fouvient à quelle gloire le roi vous a élevé d'une fortune mediocre : en quelle faveur & quelle familiarité vous avez été auprès de lui, comme il vous a foûmis tous les païs de fon obéïssance, qui s'étendent depuis l'Ocean jufques aux Pyrenées, enforte que l'on n'eftimoit heureux que ceux qui pouvoient vous plaire. Pour vous affurer une gloire plus folide, il vous a mis au rang que vous tenez dans l'église ; & cela contre l'avis de fa mcre, quoique le roïaume en murmurât & que l'églife en gemit. Epargnez donc vôtre reputation & vôtre gloire, & ne fongez à vaincre le roi que par l'humilité & la charité.

Si vous n'avez pas égard à nos confeils, faitesle du moins pour l'interêt du pape & de l'église Romaine. Car que fera-ce ce fi le roi, à qui tant de peuples obéïffent, aigri par vos duretez, se retire de l'obéiffance du pape : qui lui refufera peut-être fon fecours contre vous ? Par combien de prieres, de promeffes & de prefens follicite-t-on le roi à prendre ce parti? Îl a refifté jusques à present,

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mais nous craignons que l'indignation ne lui arra AN. 1166. che ce que la confideration de ce qu'il y a de plus grand dans le monde n'a pû obtenir de lui. Et fi vous en êtes cause, vous aurez de quoi fondre en larmes. Quittez donc, s'il vous plaît, une refo lution fi nuifible au pape, à l'églife Romaine & à vous-même, fi vous voulez faire attention. Mais peut-être que ceux qui font auprès de vous vous exhortent à faire fentir vôtre puiffance áu roi & à fes états. Cette puiffance eft veritablement à craindre, pour celui qui peche; & qui ne veut fatisfaire: mais quant au roi nôtre maître, quoi que nous ne difions pas qu'il n'a jamais peché, nous difons hardiment qu'il eft toûjours prêt à satisfaire à Dieu qui l'aïant établi pour maintenir la paix entre fes fujets, veut à cette fin qu'on lui rende la même déference qu'on a rendue aux rois fes predeceffeurs. S'il eft ému fur ce fujet quelque different entre vous & lui, il a promis au pape de fe foûmettre au jugement de l'églife de fon -roïaume. Il cft prêt d'executer cette promeffe, de fatisfaire & d'en donner des fûretez s'il eft befoin. Après cela de quel droit & en vertu de quel canon le frapez-vous d'interdit ou d'excommunica tion? Il ne faut pas agir par emportement, mais par raifon. Les évêques fe plaignent enfuite, comme dans la lettre au pape, de la fufpenfe prononcée contre l'évêque de Sarifberi, & concluent en fignifiant leur appel.

:

XXIX. Réponse de

Le S. archevêque répondit par une longue lettre, où il marque d'abord qu'il ne croit pas que cet écrit Thomas.

F fiij

I. ep. 127.

AN. 1166.

p.195.

foit de tous les évêques dont il porte le nom, & qu'il le regarde comme un effet de l'autorité du roi. Il leur reproche leur peu de zele pour la liberté de F'églife & pour leurs veritables interêts ; & la foibleffe avec laquelle ils l'abandonnent lui-même, dans la perfecution qu'il fouffre pour la caufe commune. Êntrant en matiere il juftifie sa fortie d'Angleterre, qu'il foûtient avoir été ncceffaire, après l'injustice & la violence qu'il a foufferte à Northampton, pour mettre sa vie en fûreté & pourfuivre fon appel au pape, puis il ajoûte : Si ma fortie a produit du trouble, c'eft à celui qui en a été cause à fe l'imputer. Au refte je me fuis prefenté à la cour du pape, j'y ai expofé le tort que j'ai fouffert avec mon églife & les caufes de mon appel, perfonne n'a paru pour me répondre, pour rien proposer contre moi. Pendant que j'attendois en cette cour, on eft venu de la part du roi défendre à mes officiers de m'obéïr en rien pour le temporel, & de rien fournir à moi ni aux miens à l'infçû du roi. Sans jugement prononcé, fans raison, au préjudice de de mon appel, on m'a dépouillé & mon église, on profcrit les clercs, les laïques, les femmes & les enfans au berceau. On a confisqué les biens de l'églife, une partie de l'argent a tourné au profit du roi, une partie à vôtre profit, mon frere l'évêque de Londres & de vôtre églife, fi ce que j'en ai oui dire eft veritable. Auquel cas je vous ordonne en vertu de l'obéïffance de le reftituer dans quarante jours après la reception de cette lettre. De quel droit peut-on foûtenir de telles ufurpations ? Eft-ce par

le pretexte d'un appel? voïez à quoi vous vous AN. 1166. expofez vous & vos églifes, fi ceux qui les auront pillées fe mettent à couvert par ce moïen.

Et enfuite: Vous dites que ma promotion s'eft p. 197. fait malgré les murmures du roïaume & les gemissemens de l'église : confultez vôtre conscience. Voïez la forme de l'élection, le confentement de tous ceux qui y avoient droit, l'agrément du roi donné par fon fils & fes commiffaires. Si quelqu'un s'y eft oppofé que celui qui en a connoiffance le dife. Voiez auffi les lettres du roi & les vôtres pour demander mon pallium. Que fi quelqu'un a été affligé de ma promotion par envie & par ambition, Dieu lui pardonne, comme je fais, ce peché qu'il n'a pas honte de rendre public. C'est l'évêque de Londres dont il veut parler. Il continuë: Vous dites que le roi m'a élevé d'une fortune mediocre : je ne fuis pas né de fang roïal, mais j'aime micux ne pas dégenerer de ma nobleffe. Je: fuis peut-être né dans une pauvre cabane, mais dans ma mediocrité avant que je vinffe au fervice du roi, je ne laiffois pas de vivre, comme vous favez, honorablement. S. Pierre a été tiré de la pêche: nous fommes Les fucceffeurs & non pas d'Augufte. Vous m'ac cufez d'ingratitude: mais c'eft l'intention qui fait le peché, & je prétend rendre fervice au roi, quoi. que malgré dui, en le détournant de pecher, par la feverité des cenfures, puifqu'il n'a pas écouté nos avertiffemens paternels. Enfin je crains encore plus d'être ingrat envers mon veritable maître J. C. qui me menace de fon indignation si je n'em2 Mog

L

AN. 1166. ploïe le pouvoir qu'il m'a donné pour corriger leš pecheurs.

p. 199.

8.202.

Vous me proposez le péril de l'église Romaine & la menace que le roi ne s'en fépare. A Dicu ne plaise qu'il renonce à l'unité pour un interêt temporel, lui dont le crime feroit dautant plus grand qu'il entraîneroit plus de monde après lui. A Dieu ne plaife que cette penfée vienne à aucun de fes ferviteurs, pour ne pas dire à un évêque. Prenez garde même que ce que vous en dites ne foit un poifon mortel pour plufieurs ames, & que vos pen fées les plus fecrettes ne fe découvrent. Quant à l'églife elle s'affermit pour les perfecutions, il n'y a rien à craindre pour elle, mais pour vous qui travaillez à fa ruine. A l'égard de la fufpenfe de l'évê que de Sarifberi & l'excommunication de Jean d'Oxford, vous ne devez pas ignorer que felon les canons l'ordre judiciaire n'eft pas requis dans les crimes notoires: Or l'évêque a conferé le doïenné de fon église à Jean d'Oxford, après la défense du pape & la nôtre.

Il montre enfuite la nullité de leur appel, en ce qu'ils n'ont rien à craindre pour eux, & n'ont aucun interêr d'appeller au nom du roi contre la liberté de l'églife. Enfin il déclare qu'il ne peut les reconnoître pour juges entre le roi & lui. Prep.205. micrement, dit-il, parce que vous devez être fes parties auffi-bien que moi, puifqu'il s'agit de l'interêt commun de l'église ensuite parce que nous ne trouvons point qu'un fuperieur puiffe être jugé par ses inferieurs: principalement un métropolitain

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