fe plaignoit, que les chevaliers avoient élevé pour lui infulter des bâtimens plus magnifiques que ceux de cette églife; & que toutes les fois qu'il vouloit prêcher ils fonnoient leurs cloches; enforte qu'il ne pouvoit fe faire entendre. Que fur les plaintes qu'il en avoit faites aux citoïens, plufieurs en ayant averti les Hofpitaliers, loin de fe corriger, ils avoient menacé de faire encore pis ; & en effet étoient venus en armes attaquer la maifon du patriarche, & avoient tiré dans l'églife du faint Sepulcre plufieurs fleches; qui furent depuis ramaffées en un faisseau & fufpendues devant le Calvaire, pour memoire de cet at tentat. AN. 1155 Le patriarche & les autres évèques voyant donc qu'ils ne pouvoient avoir raison des Hospitaliers, réfolurent de s'adreffer au pape, & le patriarche entreprit lui-même le voyage, quoi qu'âgé de près de cent ans. Il prit avec lui deux archevêques, Pierre de Tyr & Baudoüin de Cesarée, & cinq évêques Frideric d'Acre, Amauri de Sidon, Conftantin de Lidde, Renier de Sebafte, & Hebert de Tiberiade. Ils s'embarquerent au printems de l'année 1155. & arriverent heureusement à Otrante en Poüille; mais ils trouverent tout le païs en armes, tant par la révolte des feigneurs contre Guillau– me roi de Sicile, que par l'entrée des Grecs que le pape y avoit attirez: ce qui obligea les prélats de Palestine à s'embarquer pour aller par mer jufques à Ancone. De là ils envoyerent des évêques à l'empereur Frideric qui étoit encore dans le païs, AN. 1155. cile. C. 8. XIV. Tyr. XVIII. c. 8. & obtinrent de lui des lettres de recommandation pour le pape. Le patriarche & ceux de fa fuite allerent cependant chercher le pape qui paffoit de ville en ville; & quelques-uns leur difoient qu'il le faifoit exprés pour les fatiguer & leur caufer de la dépenfe; & que les Hofpitaliers arrivez long-tems auparavant, l'avoient gagné par la grandeur de leurs prefens. Le patriarche fuivit le pape jufques à Ferentine où s'étant prefenté devant lui suivant la coûtume, il fut reçu froidement & vit bien qu'il étoit mal difpofé à fon égard. Il diffimula toutefois, & ne laiffoit pas d'accompagner le pape aux ceremonies les jours de fête avec les évêques de fa fuite. Enfin les parties curent audiance, où la caufe fut plaidée pendant plufieurs jours fans être jugée ; & le patriarche voyant par lui-même, & par les avis qu'il recevoit de fes amis qu'il n'avançoit rien, prit congé & fe retira chargé de confufion. De tous les cardinaux il n'en trouva que deux qui lui fussent favorables Octavien & Jean de S. Martin, qui avoit été fon archidiacre du tems qu'il étoit archevêque de Tyr. Cependant le pape Adrien se trouvant affiegé Accord du pape à Benevent avec les cardinaux par Guillaume roi de Sicile, & n'étant pas en état de lui refifter: fut obligé de faire la paix à des conditions defavantageufes, au lieu de celles qu'il avoit refufécs l'année ap. Bar. precedente. Les députez pour ce traité, furent de la part du pape trois cardinaux prêtres, favoir Hubud du titre de fainte Praxede, Jules de S. Marcel, A&a. an. 1156. Roland Roland de S. Marc, chancelier de l'églife Romainc: de la part du roi, Maïon grand amiral des amiraux, deux archevêques, Hugues de Palerme & Romuald de Salerne: Guillaume évêque de Cales ou Calui, & Marin abbé de Cave. Les conditions du traité furent differentes pour les terres d'Italie & pour la Sicile. Quant à la Poüille, la Calabre & les autres païs voifins, il fut dit : Si un clerc a un differend avec un autre clerc en matiere ecclefiaftique, & qu'il ne puiffe être terminé par le chapitre, l'évêque ou une autre perfone ecclefiaftique dans la province, alors il pourra appeller au pape. Dans ces mêmes provinces on pourra faire des translations d'une église à l'autre en cas de neceffité ou d'utilité, par la permiffion du pape. Il pourra confacrer les églifes de ces provinces & les vifiter, excepté celles où le roi fe trouvera en perfone. Il pourra auffi y envoyer des legats, à condition qu'ils ne pilleront point les terres ecclefiaftiques. Quant à la Sicile, l'églife Romaine y aura droit de confacrer & de vifiter les églifes, & fi le pape appelle quelques perfones ecclefiaftiques, le roi pourra retenir ceux qu'il jugera à propos, foit pour le service de l'église, foit pour le couronner luimême. L'église Romaine aura en Sicile les mêmes droits que dans le refte du royaume, excepté l'appellation & la legation, qui n'y aura lieu qu'à la priere du roi. Pour les élections, le clergé les tiendra fecrettes, jusques à ce qu'il les ait déclarées au roi, qui y donnera fon confentement, s'il n'a quel AN. 1156. que puiflante raifon d'exclusion contre la perfone AN. 1156. luë. epift. 2. A ces conditions le roi promit de faire homage au pape du royaume de Sicile, du duché de Poüille, de la principauté de Capouë & de toutes leurs dépendances; & de payer le tribut annuel comme fes prcdeceffeurs, & en donna fa bulle d'or dattée devant Benevent au mois de Juin 1156. indiction quatriéme. Le pape Adrien donna fa bulle de la même date, par laquelle il déclare qu'il a fait ce traité étant à Benevent en fûreté & en liberté, & y donne fon consentement. Enfuite le roi vint à l'église de S. Marcien prés de Benevent, où il fe profterna aux pieds du pape & lui fit hommage lige en presence de plufieurs évêques, cardinaux, comtes, barons & autres. Ce fut Otton Frangipane qui fit le ferment pour le roi, que le pape reçût au baifer de paix ; & ce prince fit de grands prefens au pape, aux cardinaux & à toute la cour Romaine, en or, en argent, & en draps de foye. Le pape & le roi fe feparerent Epift. ap. Rad. 11. contens: mais les cardinaux attachez à l'empereur Frideric furent mal fatisfaits de ce traité, comme lui étant préjudiciable & honteux à l'église Romaine. c. 52. XV. Jean de Sarisberi près du pape. Pendant que le pape étoit en Poüille il fut visité par Jean de Sarisberi fon compatriote & son ami particulier, alors chapelain de Thibaud archevêde Cantorberi. Jean de Sarifberi demeura avec pape à Benevent environ trois mois ; & le pape lui ouvrant fon cœur, lui avoüa qu'il avoit trouvé tant de miferes dans le S. fiége, que toutes les peines qu'il avoit souffertes auparavant lui fem que Policrat v111.C. le 3. p. 68. bloient en comparaison une douceur & une felicité. AN. IISG. Qu'il auroit micux aimé n'être jamais forti d'Angleterre, ou être demeuré perpetuellement caché dans le cloître de S. Ruf, que de s'être jetté dans de tels embarras : mais qu'il n'avoit osé resister à la providence. Pour montrer qu'en s'élevant par degrés il n'étoit pas devenu plus heureux, il difoit: Le feigneur m'a toûjours fait croître entre l'enclume & le marteau; & maintenant il mettra, s'il lui plaît, fa main fous le fardeau dont il m'a chargé, car il m'eft infuportable. .p. 386. 1. Petr. V. 3. Il demanda un jour à Jean de Sarisberi ce que Ibid. vI. c. 24i l'on difoit de lui & de l'église Romaine. Jean lui répondit avec liberté : On dit que l'églife Romaine ne fe montre pas tant la mere de toutes églife que Matth. xx111. 4. la marâtre. On y void des scribes & des pharifiens, qui mettent fur les épaules des autres des fardeaux exceffifs, où ils ne touchent pas du bout du doigt. Ils dominent fur le clergé fans fe rendre l'exemple du troupeau : ils amaffent des meubles précieux & chargent leurs tables d'or & d'argent, & toutefois ils font avares pour eux-mêmes. Ils ne donnent point d'accès aux pauvres, fi-non quelquefois par vanité. Ils font des concuffions fur les églifes, ils excitent des procès & commettent enfemble le clergé & le peuple, & croïent que toute la religion confifte à s'enrichir. Tout y eft venal, la justice même ; & ils imitent les démons, en ce qu'ils femblent faire du bien quand ils ceffent de nuire. J'en excepte quelque peu qui font leur devoir. Le pape même eft à charge à tout le monde & presque |