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AN. 1170.

nature du Verbe incarné. Theorien dit: S. Cyrille n'a pas dit : Une nature en Jefus-Christ, ni une nature de Jesus-Christ; mais une nature du Verbe, & a ajoûté, incarnéc: & vôtre fainteté dit une nature en Jesus-Chrift. C'eft la même chofe, dit Norfefis: Non pas, reprit Theorien : le nom de Chrift fignifie proprement l'un & l'autre, Dieu & homme tout enfemble, c'eft pourquoi nous difons: Le Verbe s'eft fait chair & non pas : Le Chrift s'eft fait chair. Auffi aucun des peres n'a dit : une nature du Chrift, mais S. Athanafe a dit avant saint Cyrille, une nature du Verbe, c'est-à-dire la nature divine du Fils; & en ajoûtant, incarnée, comSup. liv. xxv1. n. me S. Cyrille dans la feconde lettre à Succeffus, Cyrill. epift. p. on exprime tout le miftere de l'Incarnation. Norfefis: Et qui d'entre les peres en a ainfi parlé expreffément après l'union? Theorien : Tous ceux que vous avez nommez. Norfefis : Un feul me fufit; car ce que dit un des peres tous le difent : comme étant tous inspirez par l'esprit de Dieu qui est le même.

29.

24. to. S.

Mais avant que de raporter les paffages des peres, Theorien jugea neccffaire de définir les quatre termes de fubftance, nature, hypoftafe & perfonne : ce qu'il fit tant felon les philofophes païens que felon les theologiens Chrétiens, dont il montra la difference, quant à l'ufage de ces termes. Or dans la philofophie il fuivoit les principes d'Arif444. tote. Il établit les définitions theologiques de ces quatre termes, par l'autorité des peres, favoir de S. Bafile qu'il qualifie très-philofophe, & de faint

22.

Gregoire de Nazianze. Enfuite il vient aux peres AN. 1170. qui ont reconnu deux natures en Jesus-Chrift après l'union ; & commence par S. Athanafe, dont il raporte un passage de la lettre à Epictete : contre sup. liv. xvi. n. ceux qui difoient que le corps de Jefus-Chrift étoit than. to. 2. p. confubftantiel au Verbe. Sur quoi Theorien rai-904. A ed. 1698. fonne ainfi Subftance & nature font le même chez les Theologiens. Or felon S. Athanafe le corps de Jesus-Christ n'eft pas de même fubftance que le Verbe: donc il n'eft pas de même nature: donc il y a deux natures en Jefus-Chrift. Theorien cite enfuite S. Cyrille même, fur lequel les Armeniens s'appuïoient le plus, S. Gregoire de Nazianze, faint Gregoire de Nyffe, S. Bafile, S. Ambroife le feul des peres Latins qu'il cite, & enfin S. Chryfoftomc; & montre que l'églife tient le milieu entre l'erreur de Neftorius & celle d'Eutychés. Alors un p. 453évêque Armenien nommé Gregoire, qui étoit présent à la dispute, s'écria: Je fuis Romain : anathême à qui ne reconnoît pas deux natures en Je-! fus-Chrift.

Le lendemain arriva Pierre évêque de Sappirion, à qui le catholique communiqua ce que Theorien lui avoit dit, & lui montra combien il avoit de paffages des peres, qui reconnoissoient deux natures en Jefus-Chrift. Mais l'évêque, qui étoit inftruit, les détournoit à fon fens. Le catholique voïant donc qu'il réfiftoit vivement fit venir Theorien, & lui dit : Cet évêque defire de conferer avec nous fur nôtre queftion. Mais Theorien, lui ferma bien-tôt la bouche; & l'évêque Gregoire

déclara une feconde fois qu'il étoit du sentiment

AN. 1170. des Romains.

XX.
Autre conference.

Deux jours après le catholique Norfefis eut encore une conference avec Theorien, où il lui dit : Il n'y a point de difficulté d'admettre deux natures en Jesus-Chrift, pourvû qu'on les reconnoiffe infeparablement unies en une feule hypoftafe, & ce ne feroit pas agir en Chrétien de combattre une verité manifefte. Mais qui empêche de reconnoître en Jefus-Chrift une nature composée de deux, comme la nature de l'homme eft compofée de l'ame & du corps qui font deux natures differentes? & c'eft la comparaifon qu'aporte S. Cyrille. Pour répondre à cette objection, Theorien cita premierement un paffage de S. Gregoire de Nazianze : mais Norfefis dit, qu'il ne fe trouvoit point dans la traduction Armenienne. Elle cft donc fautive, dit Theorien, & il lui donna le même paffage en Syriaque. Norfefis appella un de ceux qui favoient lire en cette langue, & il trouva le paffage tel que l'avoit cité Theorien. Il y avoit long-tems que les peres Grecs étoient traduits en Syriaque & en Ar

menien.

Theorien continua: Saint Cyrille n'emploïe l'exemple de la composition qui eft en nous, que pour montrer qu'il eft poffible que de deux natures differentes il fe faffe un fuppôt, comme Pierre ♦. 456. ou Paul d'une ame & d'un corps; car c'est ce que nioit Neftorius: mais il y auroit contradiction à dire en même tems qu'en Jefus-Chrift il y a deux natures & une fcule nature: ce qu'il démontra geometriquement,

AN. 1170.

mêtriquement. Et comme Norfefis en revenoit
toûjours à cette expreffion de S. Cyrille : Une natu-
re du Verbe incarnée, Theorien dit qu'elle eft de
S. Athanafe même contre l'erreur d'Arius, qui ad-
mettoit deux Verbes de natures differentes: l'une
incréée qui avoit toûjours été en Dieu, l'autre créée
dans le tems qu'il s'étoit incarné. C'est donc de là,
dit-il, que S. Cyrille a tiré cette expreffion. Or
encore qu'elle foit vraïe, nous ne devons pas nous
en servir, à cause du mauvais fens qu'on lui donne:
comme nous n'apellons pas Marie mere de Chrift;
quoi qu'elle le foit en effet, parce que Neftorius
abufoit de cette expreffion. A la fin de cette con-
ference Norfefis demanda à Theorien la définition
de foi du concile de Calcedoine, qu'il lui donna.
Le lendemain arriva Jean Syrien évêque de p. 462
Ceffounion : & il aprit que le Catholique des Arme-
niens avoit cu plusieurs conferences avec des Grecs,
& étoit entré dans leurs fentimens. Car, difoit le
Catholique, ils prouvent tout ce qu'ils difent par
l'écriture, & par les peres que nous honorons com→
me eux. L'évêque Jean alla donc le trouver & lui
dit? Qu'est-ce que j'aprens feigneur ? on dit que
vous suivez le sentiment des Romains, qui font
Neftoriens. Norfefis répondit: Je ne me ferois ren-
du ni à l'autorité du patriarche de Conftantinople,ni
à celle de l'empereur, fi je n'avois reconnu la ve-
rité par moi-même : mais je ne puis la défavoüer
ni refifter aux peres. L'évêque Jean reprit : J'ai
oui dire que vous avez confeffé deux natures en
Jefus-Christ. Or vous favez que fi nous confeffons
Tome XV.
S s

AN. 1170.

deux natures nous ferons Neftoriens, & nous admettons une quaternité au lieu de la Trinité. Norfefis répondit: Hier & avant hier & presque toute la semaine nous avons beaucoup travaillé en conferant tous les jours; & nous voulons nous repofer aujourd'hui & demain. Après demain fi vous voulez, vous affifterez à nôtre conference, où vous direz ce qu'il vous plaira, & nous vous écouterons volontiers.

Le foir un docteur nommé Bartan vint trouver Theorien à l'infçu du Catholique & lui dit : L'évêque Syrien & nôtre Catholique ont conferé tout aujourd'hui fur l'une & les deux natures. Je voudrois favoir, dit Theorien, quelles preuves l'évêque aporte de fon opinion. Bartan répondit: Il n'emploïc ni passages ni raisonnemens, & ne fait que crier fans ordre & fans rien écouter, pour faire paroître à ses prêtres qu'il dit quelque chofe. Quelques jours aprés Theorien étant appellé, monta à la chambre où ils avoient déja conferé. Il y trouva l'évêque Syrien affis à la droite du Catholique, & à la gauche les évêques Armeniens, au dessus defquels il fit mettre Theorien, car ils lui cedoient la place la plus honorable. Après que l'on cut gardé long-tems le filence, Theorien dit : J'ai apris qu'il y en a qui difent, que fi nous confeffons deux natures en Jesus-Chrift, nous ferons Neftoriens & nous admettrons une quaternité, & je m'étonne qu'ils n'aïent pas compris, que Neftorius n'a point été condamné, parce qu'il foûtenoit deux natures, puifque les peres l'enseignent nettement : mais

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