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couronner vôtre fils par l'archevêque d'Yorc. Le AN. 1170. roi résista un peu à cette propofition, & protef tant qu'il ne diroit rien par efprit de difpute, il ajoûta: Qui a couronné Guillaume le conqueranc & les rois fuivans ? n'eft-ce pas l'archevêque d'Yorc, ou tel autre évêque qu'il a plû au roi qui devoit être couronné? L'archevêque répondit pertinemment à cette objection par la déduction historique de ce qui s'étoit paffé en Angleterre depuis la conquête des Normans, & montra que hors certains cas extraordinaires, les archevêques de Cantorberi avoient toûjours facré les rois, fans que ce droit leur fut difputé par les archevêques d'Yorc.

Après que Thomas eut long-tems parlé fur ce fujet, le roi lui dit : Je ne doute point que l'église de Cantorberi ne foit la plus noble de toutes celles d'Occident; & loin de la vouloir priver de son droit, je fuivrai vôtre confeil & ferai en forte que fur ce point & en tout autre elle recouvre fon ancienne dignité. Mais pour ceux qui jusques ici vous ont trahi vous & moi, je les traiterai, Dieu aidant, comme ils méritent. A ces mots, Thomas defcendit de cheval pour fe jetter aux pieds du roi, mais le roi prenant l'étrier, l'obligea de remonter. Il parut même répandre des larmes, & lui dit : Enfin, feigneur archevêque, rendons-nous de part & d'autre nôtre ancienne amitié, faifons-nous tour le bien que nous pourrons & oublions entierement le paffé: mais, je vous prie, faites-moi honneur devant ceux qui nous regardent de loin. Et comme

AN. 1170. il voroit entre fes fpectateurs quelques-uns de ceux qui fomentoient la divifion, il s'aprocha d'eux & dit, pour leur fermer la bouche: Comme je trouve l'archevêque parfaitement bien difpofe, fi de mon côté je n'en ufe pas bien avec lui je ferai le plus méchant de tous les hommes, & je montrerai la verité de tout le mal qu'on dit de moi. Mais je ne vois point de parti plus honnête ni plus utile que de m'étudier à le furpaffer en amitié & en bons offices. Tous les affiftans donnerent de grands applaudissemens à ce difcours du roi.

Alors il envoïa à l'archevêque des évêques de fa fuite, lui dire de propofer publiquement fa demande; & quelques-uns lui confeilloient de remettre tout à la difcretion du roi, mais Thomas ne jugea pas à propos de compromettre la cause de l'églife. Aïant donc tenu confeil avec l'archevêque de Sens & les compagnons de fon exil, réfolut de ne point remettre à la difcretion du roi lá question des coûtumes, les dommages que fon église avoit souffert, ni la plainte touchant le facre du jeune prince. Ainfi fe raprochant du roi, il le pria humblement par la bouche de l'archevêque de Sens, de lui rendre fes bonnes graces, de lui donner la paix & fûreté à lui & aux fiens, de lui reftituer l'églife de Cantorberi & les terres de fa dépendance dont il avoit lû l'état dans un papier; & de réparer l'entreprise du facre de fon fils. A ces conditions Thomas promettoit l'amour, l'honneur & tout le fervice qu'un archevêque peut rendre à fon roi, felon Dieu. Le roi accepta la propoIT

fition & reçût à fes bonnes graces Thomas & ceux AN. 1170. de fa fuite qui étoient presens, mais la restitution

dès biens fut differée,

le parce que pape ne l'avoit pas ordonnée expreffément. Le roi s'entretint encore long-tems avec l'archevêque, fuivant leur ancienne familiarité, ensorte que leur conference dura presque jusques au foir. Le roi vouloit l'emmener avec lui, difant qu'il lui étoit avantageux que leur paix fut connuë de tout le monde, mais le prélat répondit, qu'il pafferoit pour un ingrat s'il ne prenoit congé du roi de France & de fes autres bienfacteurs : & le roi d'Angleterre en con

yint.

Comme Thomas étoit prêt à fe retirer, Arnoul v.p. 45. p. 80s. évêque de Lifieux le preffa vivement en presence du roi, des évêques & des seigneurs d'absoudre les excommuniez, difant : Comme le roi a reçû en grace tous ceux qui vous ont fuivi, vous devez auffi recevoir en grace tous ceux qui ont été attachez au roi. Thomas lui répondit : Il faut neceffairement faire diftinction. Entre ceux pour qui vous parlez, les uns font plus coupables que les autres, les uns font excommunicz directement les autres par communication, les uns par nous ou par leurs évêques, les autres par le pape; & ceuxlà ne peuvent être abfous que par fon autorité. Quant à nous, comme nous avons de la charité pour eux tous, quand nous aurons oüi le conseil du roi, nous efperons travailler de telle forte à leur reconciliation, que fi quelqu'un n'y eft pas compris il ne devra l'imputer qu'à foi-même. Geofroi Ridel ar

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AN. 1170.

XXIV. Thomas donne

paix.

p.806.

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chidiacre de Cantorberi un des excommuniez répondit à ce difcours avec hauteur ; & le roi craignant que l'on ne s'échaufât de part & d'autre, tira à part l'archevêque & le pria de ne pas s'arrêter aux difcours de telles gens. Ainfi on fe fepara doucemenx après que Thomas eut donné sa benediction au roi.

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Ce récit cft tiré de la lettre que Thomas écripart au pape de fa vit au pape pour lui donner part de fa réconciliation avec le roi ; où il ajoûte: J'ai apris depuis que l'archevêque de Rouen & l'évêque de Nevers ont chargé l'évêque de Sées qui paffe en Angle terre, d'abfoudre ceux que j'ai excommuniez, mais je ne fai s'ils lui ont preferit la formule que vous leur avez donnée, où s'il la fuivra. S'ils font abfous autrement, il fera neceffaire que vous y mettiez remede, car rien n'affoiblit tant l'église que l'impunité de tels attentats par la tolerance du S. fiége. Il avoit dit auparavant : J'attendrai en France jufques au retour de ceux que j'ai envoïez pour recevoir la reftitution de nos domaines, n'étant pas d'avis de retourner auprès du roi tant qu'il aura un pied de terre à l'églife. Car c'est par cette reftitution que je verrai s'il agit fincerement avec moi. Je ne crains pas toutefois qu'il manque à tenir fa parole, s'il n'en eft empêché par les confeils de ceux à qui leur confcience ne permet pas de fe tenir en repos. Il paroît en effet que le roi étoit bien intentionné pour l'execution de cette paix, par l'ordre qu'il envoïa au jeune roi fon fils, V. p. 48. 49. En écrivant au pape, Thomas écrivit auffi à

7. ep.43%

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quatre

AN. 1170.

V. Baron. an

1170. n

quatre cardinaux de fes amis, pour leur faire part
de cette heureuse nouvelle : mais fur tout au foû-
diacre Gratien, qui s'étoit fi-bien conduit dans fa P. 47.
nonciature; & à qui il dit en confidence ces paro-
les remarquables: Parce que l'églife Romaine a
mis fa fûreté dans la crainte, elle a égard aux per-
fonnes & ne s'opose point aux injuftices: c'eft pour
ce fujet que les fleaux de Dieu les plus rudes & les
plus infuportables viennent für elle: enforte qu'elle
eft errante, qu'elle fuit devant les perfecuteurs, &
fubfifte à peine dans les maux qui l'accablent. Et
enfuite Aïez foin que les lettres les plus pref
fantes & les plus efficaces, que le pape a écrites au
roi d'Angleterre pour la caufe de l'églife, foient
inferées dans le registre, afin de fervir d'exemple à
la pofterité.

XXV. Frideric feint de

fchifme.

Ada Alex. ap.

Bar.

Avant que le pape eut reçû la nouvelle de la paix entre le roi & l'archevêque de Cantorberi, il vouloir finir le étoit parti de Benevent pour fe raprocher de Rome, & s'étoit avancé jufques à Veroli en Campanie, où il étoit dés le dixiéme de Septembre. Or voici ce qui l'engagea à ce voïage. L'empereur Frideric voïant fon parti diminuer de jour en jour, principalement depuis la mort du fecond antipape Gui de Crême, feignit de vouloir travailler à la réunion de l'église ; & envoïa pour cet effet au pape Alexandre l'évêque de Bamberg qui avoit toûjours été catholique : mais avec ordre de ne communiquer qu'au pape feul les propofitions dont il étoit porteur. L'évêque l'aïant mandé au pape, le pape foupçonna que c'étoit un artifice pour le fe

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