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'de fa belle vûë; & le monaftere des filles qui fut depuis bâti tout proche en dépendoit. En l'année AN. 1156. 1152. Elifabeth étant âgée de vingt-trois ans commença à avoir des extafes & des vifions : ce qui lui arrivoit ordinairement les dimanches & les fêtes aux heures de l'office divin. Comme plufieurs personnes defiroient favoir ce que Dieu lui reveloit, elle le découvrit par ordre de l'abbé Hildelin à un frere qu'elle avoit nommé Ecbert chanoine de l'églife de Bonne : mais elle eut bien de la peine à s'y réfoudre, craignant que les uns la priffent pour une fainte, les autres pour une hypocrite qui voulût impofer, ou pour une folle. Enfin de peur de réfifter à la volonté de Dieu, elle racontoit à fon frere ce qu'elle voïoit & entendoit de jour en jour; & il l'écrivoit d'un ftile fimple, où il ne paroît rien ajoûter du fien.

Il en compofa quatre livres, dont le troifiéme II. c.6.& intitulé des voïes du Seigneur, contient plufieurs exhortations utiles pour les differens états des Chrêtiens: la vie contemplative, la vie active, le mariage, la continence parfaite. Elifabeth y fait c. 14. de terribles reproches aux prélats de fon tems, qui vivoient la plupart dans le fafte & la pompe feculiere, dans les richeffes & les delices : oubliant leurs devoirs effentiels, & ne fongeant plus qu'ils étoient les fucceffeurs de J. C. & des apôtres. Jufques ici il n'y a point lieu de foupçonner la fidelité d'Ecbert: mais les vifions contenues dans le quatrième livre forment de grandes difficultez ; car prefque tout regarde fainte Ursule & fes com-xv. c. 2.

pagnes, entr'autre fainte Verenne, dont Gerlac AN: 1156. abbé de Duits avoit envoyé le corps à Hildelin abbé de Schonauge.

V. Papcbr.

Conat. Differt. 5.

Boll. p. 39.

Ecclef. Britan. p. 619.

En ce livre Elifabeth raconte fort au long comme l'ayant aprise de fainte Verenne, d'un ange & d'autres faints, l'hiftoire de fainte Urfule, de fes compagnes & de fes compagnons, si fabulcuse qu'elle eft manifeftement infoûtenable. On y voit entr'autres un prétendu pape Cyriaque inconnu à Paralip to 18. toute l'antiquité, que l'on place entre Pontien & Vr antiq. Anteros, c'eft-à dire l'an 235. & dans le même tems on met un roi de C. P. nommé Dorothée & un roi particulier en Sicile; quoi qu'Elifabeth prétende redreffer les fautes de l'hiftoire que l'on avoit déja écrite des onze mille vierges. Or je ne vois que deux manieres d'expliquer ces difficultez. On peut dire qu'Elifabeth ayant lû attentivement ou entendu raconter ces hiftoires, s'en étoit tellerempli l'imagination, qu'elle a cru aprendre en revelation ce que fa mémoire lui fournissoit; & qu'Ecbert n'a pas fçû diftinguer ce que l'imagination échaufée de sa fœur produifoit naturellement Bar. an. 604. d'avec les revelations furnaturelles. Ou bien il faut

an. 58.59. &c.

ment

dire comme dit le cardinal Baronius fur un femblable fujet ; que cette partie des revelations eft fuppofée; & qu'Ecbert, ou quelque autre, voulant autorifer cette hiftoire de fainte Urfule, l'a attribuée à Elifabeth,la faifant parler comme il a voulu.Mais il faut avouer que l'une & l'autre explication donne grande atteinte à toutes ces revelations : car qui nous affurera que les autres foient plus fidelles? En

général il faut convenir avec le picux & savant P

Papebroc, qu'on ne peut faire aucun fonds fur ces AN. 1156. revelations de faintes, pour établir des dogmes Boll. 10. 17. p theologiques ou des faits hiftoriques, puifque l'on 247. 10. 2. p. 695. trouve des revelations contradictoires; & qu'il ne

faut chercher les faits que dans les hiftoires autentiques, fuivant les regles de la critique la plus judicieuse.

Outre les vifions, on a quinze lettres d'Elifabeth dont la plus confiderable est à sainte Hildegarde, qu'elle vifitoit quelquefois. Elle l'écrivit vers l'an 1160.étant déja fuperieure, ou, comme elle se nom

mc, maîtreffe des religieufes de Schonauge. Elle s'y ap. Trithem, chri plaint des mauvais difcours que tenoient d'elle les Hirfang. 1162. religieux mêmes, & de quelques fauffes lettres que l'on faifoit courir fous fon nom; & affure qu'elle n'a découvert les graces que Dieu lui avoit faites, que par l'ordre exprès d'un ange plufieurs fois réïteré. Après avoir reçû de ces graces furnaturelles pendant treize ans, elle mourut le vendredi dixhuitiéme de Juin 1165. étant dans fa trente-fixiéme année; & quoiqu'elle n'ait point été canonifée,elle a été mise dans le martyrologe Romain en 1584. & depuis ce tems elle eft honorée comme fainte au monaftere d'hommes de Schonauge, car celui de filles a été ruiné par les Suedois. Ecbert frere d'Elifabeth s'y rendit moine à fa perfuafion, & en fut abbé après Hildelin en 1167.Il a écrit contre les Ca- 111. ferm. c.12. thares ou Manichéens d'Allemagne dont elle fait auffi mention dans fes exhortations.

Pierre le venerable abbé de Clugni mourut le

Mart. R. 18.

fun. Trithem. Chr. Hirfang.an.1163.

XVIII.
Fin de Pierre

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Je venerable..

pit. bibl.Clun.p. 601.

Sigeb. an. 1156.

jour de Noël de l'année 1156. que felon l'ufage du AN. 1156. païs on comptoit pour le premier jour de l'année fuivante. Il avoit gouverné ce monaftere & tout l'ordre avec une grande fageffe pendant trente-cinq ans, & fut enterré au chevet de la grande églife,par Henri évêque de Vincheftre. Ce prélat avoit été moiIbid. p.593.Supl. ne de Clugni ; & après la mort du roi Etienne son frere, il fe retira fecrettement d'Angleterre,& vint à Clugny, où il avoit envoyé devant fon tréfor, & où p. 600. il donna de grandes fommes, & fut compté entre les bienfaicteurs du monaftere. Du tems de l'abbé Pierre il y avoit à Clugny environ quatre cens moines : l'observance de l'ordre étoit établi en plus de trois cens maisons, & en avoit environ deux mille en fa dépendance. Il en avoit dans les païs les plus éloignez, comme prés de Jerufalem l'abbaïe de la vallée de Jofaphat, où l'on croïoit qu'étoit le fepulcre de la fainte Vierge; & un autre monastere au mont Thabor.

L'abbé Pierre fut un des plus grands docteurs de fon temps, comme il paroît par fes écrits contre les Juifs, & contre les fectateurs de Pierre de Bruis. Il écrivit deux livres des miracles de fa con

noiffance, où il rapporte plufieurs hiftoires remarquables. On a confervé fes lettres au nombre de cent quatre-vingt-quinze, diftribuées en fix livres, où l'on voit principalement reluire fa prudence & fa difcretion. Outre celles dont j'ai parlé,j'en trouve encore trois de remarquables. Une à l'empereur lib. xx. ep. 39. Jean Comnene, où il le prie de favorifer & de proteger le roi de Jerufalem, le prince d'Antioche &

les autres François établis én Orient : puis il ajoûte, que l'empereur Alexis fon pere, a donné au prieuré AN. 1156. de la Charité le monaftere de Civitot près de C. P. qui depuis trois ans a été ufurpé par des étrangers: c'est pourquoi il en demande la restitution : offrant en récompense à l'empereur la confraternité de l'ordre, comme elle a été accordée aux rois de France, d'Angleterre, d'Espagne, d'Allemagne & de Hongrie. Il écrivit auffi pour le même sujet au patriarche de C. P.

Les deux autres lettres font adreffées à Roger roi 111. ep. 3. de Sicile : dans l'une il le felicite de la paix qu'il a fait avec le pape, & lui recommande l'unique monaftere que l'ordre de Clugni avoit en Sicile: l'exhortant à y en ajoûter d'autres pour l'avantage de fon royaume. Dans l'autre lettre il donne de gran- Iv. ep. 37. des loüanges au roi Roger, & fouhaite qu'il fe rende maître de la Tofcane pour le bien de cette province; & conclut en le priant d'étendre ses liberalitez fur le monaftere de Clugni, à qui les autres rois ne donnent plus comme autrefois des marques fenfibles de leur amitié, & qui fe trouve engagé à des dépenfes immenfes. Pierre le venerable eft le dernier homme celebre entre les abbez de Clugni, & cet ordre tomba depuis dans une grande obfcurité. Après fa mort les moines de la maifon suppl.Sigeb. an. élurent tumultuairement Robert le Gros parent

du

comte de Flandres, homme demi-laïque:mais il fut dépofé & mourut, & on élut en 1158. Hugues troi- chr. Clunia fiéme du nom prieur clauftral, qui fut le dixiéme abbé de Clugni.

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