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devant plufieurs perfonnes que je ne joüirai pas long-temps de vôtre paix, & que je ne mangerai pas un pain entier en Angleterre avant qu'il m'ôte

vie, mais je lui presenterai ma tête à lui & à fes complices, plûtôt que de laiffer perir l'églife de Cantorberi. J'avois réfolu, feigneur, de retourner vers vous ; mais la neceffité de cette pauvre églife me presse de m'y rendre: peut-être pour y périr, si vous ne me donnez promptement une autre confolation. Mais foit que je vive ou que je meure, je fuis toûjours à vous; & je prie Dieu, qu'il repande fes benedictions fur vous, & fur vos enfans. C'est la derniere lettre que nous aïons de ce S. prelat au roi fon maître.

Il envoïa devant Jean de Sarisberi qui arriva le quinziéme de Novembre. Il trouva que trois jours auparavant on avoit faifi les biens de l'archevêque, en aïant ôté la regie à fes agens; & que l'on avoit publié dans les ports une défense de paffer aucun des fiens pour fortir d'Angleterre. D'ailleurs les officiers du roi avoient donné ordre, que l'archevêque & les fiens ne trouvaffent à leur retour que les maifons vuides & en décadence, & les granges ruinées; & avoient pris au nom du roi tous les revenus jusques à la S. Martin, quoi que la paix eut été faite à la Madeleine. Cependant l'archevêque d'Yorc, l'évêque de Londres & les autres ennemis de Thomas avoient envoïé au roi, pour le prier de ne le pas laiffer revenir en Angleterre, qu'il n'eut renoncé à la legation, qu'il n'eut rendu au roi toutes les lettres qu'il avoit obtenuës du

An. 1170.

V. ep. 64.73.

pape, & promis d'observer inviolablement les AN. 1170. droits du roïaume : voulant ainfi l'engager à l'observation des coûtumes conteftées. Ils difoient que fans ces précautions fon retour feroit préjudiciable au roi. Ils avoient auffi fait apeller de chacune des églises vacantes six perfonnes, aïant pouvoir d'élire un évêque au nom de la communauté : afin de faire les élections au gré du roi ; & que fi Thomas s'y opposoit, il encourût fa disgrace.

Vita 111. c. 3.

Thomas étoit venu à Roücn par ordre du roi, efperant, comme on lui avoit promis, y aquiter fes dettes, & être renvoïé en Angleterre avec honcur. Mais Jean d'Oxford lui aporta une lettre du roi, par laquelle il le prioit de retourner incessamment en Angleterre, & lui donnoit le même Jean pour l'accompagner. Thomas obéit, & aprit en chemin les mauvais deffeins de fes ennemis, qui étoient déja venus à la mer, & attendoient le vent favorable, comme il l'attendoit de fon côté. Ces ennemis étoient l'archevêque d'Yorc, & les évêques de Londres & de Sarifberi ; & pour leur prêter mainforte, Gervais vicomte de Cant, Raoul de Broc & Renauld de Varennes, qui menaçoient hautement de lui couper la tête,s'il ofoit paffer. Quelques amis confeilloient à Thomas de ne point s'exposer à ce paffage, que la paix ne fut mieux affermie : mais il répondit: Je voi l'Angleterre & j'y entrerai, Dicu aidant, quoi que je fache certainement, que j'y vas souffrir le martyre. La veille de son embarquement il envoïa les lettres du pape portant fufpenfe contre l'archevêque d'Yorc & l'évêque de

Durham,

Durham; & d'autres lettres qui remettoient dans A N. 1170. L'excommunication l'évêque de Londres & celui de Salisburi, & portoient fufpenfe contre tous les évêques qui avoient affifté au facre du jeune roi. Ces lettres furent renduës aux prelats dans le port de Douvres, où ils croyoient que Thomas dût 2border.

XXVIII. Thomas arrive

Vita 111.c.4.

Le vent étant devenu favorable, il s'embarqua à Guiffand la nuit du fecond jour de l'Avent, c'eft- en Angleterre. à-dire, du lundi jour de faint André dernier de No- Gervas Doreb.! vembre 170. la feptiéme année de fon exil ; & il arriva heureusement au port de Sanduic, de Sanduic, pour éviter ceux qui l'attendoient à Douvres. Le vaiffeau qui le portoit étoit remarquable par la croix archiepifcopale qui y étoit dreffée, & quand on l'apperçut une multitude de pauvres qui étoient venus au-devant du faint prelat, fe mit à crier : Beni foit celui qui vient au nom du Seigneur, le pere des arfelins & le juge des veuves. Ils pleuroient, les uns de compaffion, les autres de joye; les uns fe profternoient à terre, des autres ayant leurs habits retrous. fez s'avançoient pour le prendre au fortir du vaiffeau, & recevoir les premiers fa benediction. Mais les gentils-hommes qui avoient crû qu'il aborderoit à Douvres, apprenant fon arrivée accoururent promptement à Sanduic.

Ils s'approcherent armez dù bâtiment où étoit l'archevêque, comme pour lui faire violence. Ce que voyant Jean d'Oxford, il craignit que la honte n'en retombât fur le roi & qu'on ne l'accufat de trahison; c'est pourquoi il s'avança, & leur

défendit de la part du roi de faire aucune infulte AN. 1170. à l'archevêque ou aux fiens, & leur perfuada de pofer les armes. Ils demanderent toutefois que les étrangers qui étoient venus avec l'archevêque, fiffent ferment de fidelité au roi & au royaume. Il ne paroiffoit d'autre étranger que Simon archidiacre de Sens, qui auroit facilement confenti à prêter le ferment; mais Thomas ne le permit pas, craignant les confequences de ce ferment pour le clergé d'Angleterre ; & dit qu'il étoit contre les bonnes mœurs & le droit des gens, d'exiger des étrangers de tels fermens. Or il voyoit bien que les officiers du roi étoient en trop petit nombre pour faire violence, parce que le peuple qui étoit ravi de fon retour avoit pris les armes & auroit été le plus fort.

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Ces officiers ayant à peine falué l'archevêque, lui demanderent en colere, pourquoi à son entrée dans le pays, qui devoit être pacifique, il avoit excommunié & fufpendu les évêques du roi ajoûtant que quand le roi l'apprendroit il en feroit fort irrité. Le prelat répondit doucement, qu'il ne l'avoit fait que par la permiffion du roi, pour ne pas laisser impunie l'injure faite à lui & à son églife au facre du jeune roi, & empêcher que cette entreprise ne fut tirée à confequence. Le nom du roi retint les officiers; ils commencerent à parler plus modeftement demandant, toutefois avec inftance l'abfolution des évêques. L'archevêque remit à en déliberer à Cantorberi, où il feroit le lendemain, & les officiers fe retirerent.

Le lendemain mardi premier jour de Decembre, AN. 1170. Thomas partit de Sanduic pour aller à Cantorberi qui n'en eft qu'environ à fix mille. A peine pût il faire le jour même ce peu de chemin, tant le peuple & principalement les pauvres s'empreffoient au tour de lui; les curez venoient au-devant en proceffion avec les paroiffes entieres. Etant arrivé à Cantorberi, il y fut reçû par les moines avec l'honneur convenable, au fon des cloches & des orgues, & avec les chants de joye; il leur donna à tous le baifer de paix, ayant pris la précaution de faire auparavant abfoudre ceux qui avoient communiqué avec les excommuniez.

XXIX. Thomas refufe

Vito c.

Les officiers du roi vinrent le jour ́fuivant favoir fa réponse, & avec eux les clercs des trois prélats d'abfoudre les excommuniez, demandant l'abfolution de leurs excommuniez. maîtres. Thomas repondit, qu'il n'avoit pas le pou- p. 64. 73. voir de lever les cenfures impofées par le pape; & toutefois comme ils le preffoient & le menaçoient de l'indignation du roi, il répondit que fi les évêques de Londre & de Salisburi juroient felon la forme de l'églife, d'obeïr au mandement du pape ; il feroit pour la paix de l'église, par le respect du roi & par le confeil des autres évêques, tout ce qui dépendroit de lui, & traiteroit les trois prelats avec toute forte de douceur & de charité, fe confiant en la clemence du pape. Les deux évêques étoient prêts à accepter la condition & à venir fe faire abfoudre: mais l'archevêque d'Yorc les en détourna, & leur dit : J'ai encore huit mille livres d'argent vita.c.7. Comptant que j'employerai s'il eft befoin pour repri

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