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AN..

1170. mer l'arrogance & l'opiniâtreté de Thomas: ne vous laissez pas seduire, allons plûtôt trouver le roi, qui nous a fi fidelement protegez jufques ici. Si vous le quittez pour vous attacher à fon adversaire, car il n'y aura jamais entre eux de reconciliation parfaite il vous regardera comme des transfuges & vous chaffera de vos terres. Que deviendrez vous alors? en quel pays irez-vous mandier vôtre pain? Au contraire fi vous demeurez avec le roi que peut faire contre vous Thomas plus que ce qu'il a fait ?

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Les deux évêques furent touchez de cette remon trance, & ils partirent tous trois aufsi-tôt pour aller trouver le roi en Normandie : en même tems: ils envoïerent au roi fon fils qui étoit à Londres Geofroi Ride! & quelques autres, pour lui perfuader 73 que Thomas vouloit le dépofer. Mais rien n'étoit plus éloigné de fa pensée, comme il l'affure luimême dans la lettre qu'il écrivit alors au pape, contenant la relation de fon retour en Angleterre, & qui eft fa derniere au pape Alexandre...

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Peu de jours aprés fon arrivée à Cantorberi, il envoya à Londres Richard prieur de S. Martin de Douvres, qui fut depuis fon fucceffeur, donner part au jeune roi de fon arrivée, & lui fit faire fes excufes touchant la fufpenfe des prelats. Ce deputé: fut mal reçû par le jeune prince, dont les minif-tres ne regardoient que la volonté du roi fon pere. Thomas ne laiffa pas de fe mettre en chemin peu. de jours aprés, voulant voir le jeune roi, qui avoit été fon disciple, & enfuite vifiter fa province

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abandonnée depuis fi long-tems. Comme il appro- AN. 1170. choit de Londres, tous les bourgeois vinrent audevant de lui & le reçurent avec grande joye; mais il vint deux chevaliers de la part du roi lui défendre de paffer outre, & lui ordonner de retourner à fon églife. Ses ennemis en devinrent plus fiers, & Robert de Broc frere de Renoul, pour infulter au prelat, coupa la queue d'un cheval qui portoit quelques uftanciles de fa cuifine le jour de Noël. 6. 10. L'archevêque monta en chaire & fit un fermon à la fin duquel il predit fa mort prochaine, fondant en larmes & attirant celles de tout l'auditoire. Mais il prit un ton d'indignation & parla avec vehemence contre les ennemis de l'églife, & en particulier contre plufieurs courtifan du roi pere. Il les excommunia & nommément les deux freres Raoul & Robert de Broc. Aprés la meffe il tint table comme il avoit accoûtumé les grandes fêtes avec gaïté, & quoique le jour de Noël fut cette année là le vendredi, il mangea de la viande comme les autres. On voit ici l'antiquité de cette difpenfe de l'abstinence aut jour de Noël.

XXX. Conjuration

Thomas.

Cependant l'archevêque d'Yorc, & les deux évêques étant arrivez en Normandie peu de jours conte la vie de avant la fête, fe jetterent aux pieds du roi ; implo rant la justice & fe plaignant amerement que Thomas abufoit de la paix qu'il lui avoit accordée ; & que dés qu'il étoit arrivé il avoit troublé le roïaume par les cenfures qu'il avoit publiées contre eux. Le roi dit : Si tous ceux qui ont confenti! au facre de mon fils font excommunicz, par les

1. ep. 44.

1. ep. 45. Pet. ep. 66.75.

Vita 111. c. II.

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A N. 1170. yeux de Dieu je le fuis aussi ; & il entra dans une auffi; furieufe colere. Or il étoit fujet à s'y laiffer emporter. Un jour irrité contre un feigneur qui lui fembloit prendre l'interêt du roi d'Ecoffe, il l'appella traitre, & lui dit plufieurs autres injures; puis il jetta fon bonnet, ôta fon ceinturon, jetta loin de lui fon manteau & fes habits, découvrit fon lit, & s'étant affis deffus, se mit à en mâcher la paille: une autre fois il voulut arracher les yeux à un garçon qui lui avoit apporté une lettre desagreable, & lui mit le vifage en fang. Pierre de Blois d'ailleurs fon admirateur dit que dans fa colere, il étoit plus furieux qu'un lion. Etant donc excité par les trois prélats, il commença à maudire tous ceux qu'il avoit nourris & comblez de bienfaits, dont aucun ne le vangeoit d'un prêtre qui troubloit fon royaume, & le vouloit dépouiller lui-même de fa dignité: ajoûtant plufieurs reproches contre Thomas. Alors quatre chevaliers de fa chambre croyant ne pouvoir rien faire qui lui fut plus agreable que de tuer l'archevêque, en formerent enfemble la refolution: ces quatre étoient Renaud fils de l'Ours, Hugues de Moreville, Guillaume de Traci & Richard le Breton. Ils firent leur conjuration la nuit de Noël, s'engeant par ferment à ce meurtre, & le jour même de la fête ils fe retirerent fecretement de la cour. Ils firent telle diligence, & eurent le tems fi favorable, qu'ils arriverent en Angletterre le lundi jour des Innocens ; & logerent au château de Saltoude qui étoit à la garde de Raoul de Broc à fix mille de Can

Gervas anno

1170.

Vita c. 12.

torberi. Ils passerent la nuit à concerter l'execution AN. 1170. de leur entreprise, & le lendemain mardi vingtneuviéme de Decembre ayant affemblé une troupe de gens du pays, ils vinrent à Cantorberi, entrerent au monaftere de S. Auguftin, & confererent avec Clairembaud qui en étoit élu abbé, ennemi declaré de l'archevêque.

XXXI.

Arrivée des meurtriers.

Ils allerent enfuite à l'archevêché où ils trouverent le prelat qui avoit déja dîné, & s'entretenoit de quelques affaires avec fes moines & fes clercs. .13. Les quatre chevaliers entrerent dans fa chambre & fans le faluer s'affirent à terre à fes piés. Aprés un peu de filence Renaud dit au nom de tous: Nous venons de la part du roi vous aporter fes ordres. Voulez-vous les entendre en fecret ou en public? Comme il vous plaira, dit l'archevêque ; & Renaud reprit: Nous les dirons donc en fecret. L'archevêque fit retirer ceux qui étoient avec lui; mais l'huiffier laissa la porte ouverte, afin que ceux qui étoient dehors pûffentvoir ce qui fe paffoit. Aprés que les chevaliers eurent dit ce qu'ils voulurent, le prelat dit qu'il vouloit que plufieurs perfonnes l'entendiffent & fit rapeller les moines & les clercs, mais non les laïques. Alors Renaud dit : Nous vous ordonnons de la c. 14. part du roi d'aller trouver le roi fon fils & lui rendre ce que vous lui devez. Je crois l'avoir fait, dit l'archevêque. Non, dit Renaud, puifque vous avez fufpendu ses évêques : ce qui fait croire que vous lui voudriez ôter la couronne de deffus la tête. L'archevêque dit: Au contraire je voudrois lui pouvoir encore donner d'autres couronnes; & quant aux ·

AN. 1170.

XXXII

Thomas de

Cantorberi.

6.15.

que

evêques ce n'eft pas moi qui les ai suspendus, c'est
le pape. C'eft bien vous, dit Renaud, puifque
c'est à vôtre poursuite. Thomas reprit : J'avouë
je ne fuis pas fâché fi le pape vange, les injures fai-
tes à mon églife. Enfuite il fe plaignit des torts
& des infultes qu'il avoit reçûës depuis la conclu-
sion de la paix ; & dit à Renaud: Vous étiez pre-
fent vous, & plus de deux cens chevaliers, quand
le roi m'accorda de contraindre par les cenfures
ceux qui avoient troublé l'églife à lui faire fatis-
faction; & je ne me puis difpenfer de remplir mon
devoir de pafteur. A ces mots les chevaliers fe le-
verent en criant: Voilà des menaces; & dirent
aux moines: Nous vous commandons de la part
du roi de le garder; s'il s'échappe on s'en prendra à
yous. Ils fortirent auffi-tôt, & Thomas les fuivit
jufques à la porte de fon antichambre, en difant:
Sachez que je ne fuis pas venu pour m'enfuïr, &
que je fais peu de cas de vos menaces. Ils repon-
dirent: Il y aura autre chofes que des menaces.

Etant fortis du palais ils ôterent leurs chapes & Martyre de faint leurs robes; & on vit les cottes de mailles dont ils étoient revêtus. Ceux de leur fuite s'armerent auffi, & outre leurs épées, ils portoient des arcs, des fleches, des haches & d'autres inftrumens pour rompre les portes. Thomas demeuroit tranquille dans fa chambre, & loin de s'enfuïr, à peine fe laiffa-t-il perfuader d'aller à l'église entendre 1.61.17. vêpres; mais il ne venoit que d'y entrer quand les quatre chevaliers y entrerent aussi y entrerent auffi par le cloître l'épée à la main. Le premier s'écria: Qù eft ce

traîɩre?

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