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AN. 1176.

Son

conference. Mais comme l'affaire étoit difficile, à
cause de la quantité de personnes puiffantes qui
étoient entrées dans le fchifme, la negociation du-
ra plus de quinze jours. On allegua les autoritez
des peres,les privileges des empereurs,les anciennes
coûtumes, on difputa long-tems & fubtilement.En-
fin on convint de tous les articles entre l'églife &
l'empire laiffant les Lombards en l'état où ils
étoient, jusques à ce que l'empereur en personne
eut une conference avec eux, & il fut refolu que le
pape iroit lui-même en Lombardie. Cependant les
envoyez de l'empereur donnerent de fa part une
pleine fûreté à tous les membres de l'église Romai-
ne, pour leurs perfonnes & leurs biens. Ils promirent
que l'empereur rendroit au pape la prefecture de Intrum ap
Rome & les terres de la comteffe Mathilde, & qu'il Pagi ann. 1176.
donneroit fûreté au pape, aux cardinaux, & à leur
fuite pour aller à Venife, à Ravenne & aux autres
lieux où ils avoient deffein d'aller, avec une tréve
de trois mois en cas que la paix fût rompuë. Les cho-
fes ainfi reglées, les envoyez retournerent contens
vers l'empereur.

Avant que
de partir d'Anagni, le pape Alexan- Acta item. Ro
dre envoya Humbaud évêque d'Oftie & Rainier muald. Saler.
cardinal diacre de faint George, pour faire ratifier à
l'empereur par le confeil des Lombards la fûreté
qu'il avoit promife au pape par fes envoyez. Les
deux cardinaux trouverent l'empereur prés de Mo-
dene, & en leur prefence il fit jurer pour lui le fils
du marquis de Montferrat ; & pour mieux témoi-
gner fes bonnes intentions il fit faire le même fer-

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ment par tous les feigneurs Allemans qui étoient AN. 1176. prefens. On convint de part & d'autre que la conference du pape avec l'empereur fe feroit à Boulogne. D'un autre côté le pape fit prier Guillaume roi de Sicile de lui envoyer quelques-uns des grands de fa cour, pour affifter à cette conference ; & le roi chargea de cette commiffion Romuald archevêque de Salerne & Roger comte d'Andri grand coneftable & grand justicier de la Poüille & de la terre de Labour.

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à Ve

Le pape partit d'Anagni le fixiéme de Decembre & vint à Benevent, où il demeura depuis Noël jufques à l'Epiphanie. Il attendit un mois le vent favorable au port de Guaft fur la mer Adriatique avec les galeres du roi de Sicile. Enfin le mercredi des cendres neuviéme de Mars 1177. aprés la meffe & la diftribution des cendres, il s'embarqua avec cinq cardinaux & les envoyez du roi de Sicile fur onze galeres de ce prince; & le dimanche fuivant ils arriverent à Zara en Dalmatie, où ils furent reçus avec d'autant plus de joye que jamais pape n'y étoit entré. On lui prepara un cheval blanc fur lequel il monta fuivant l'ufage de Rome, & on le mena ainfi en proceffion par le milieu de la ville jufques à la grande église dediée à fainte Anaftafie vierge & martyre dont le corps y repofe, cependant on chantoit les louanges de Dieu en Sclavon qui eft la langue du pays. Quatre jours aprés le pape partit de Zara & arriva à Venise le vingt troifiéme de Mars. Il alla defcendre au monaftere de faint Nicolas au Lido ; & le lendemain le duc

&

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duc de Venise vint le recevoir avec le patriarche AN. 1177.

d'Aquilée & tous fes fuffragans,& un grand peuple en quantité de barques. Aprés s'être mis humblement aux pieds du pape, ils le menérent en proceffion à l'églife de S. Marc, ou ayant fait fa priere il donna la benediction au peuple; puis le duc le conduifit dans la barque an palais du patriarche où il logea. Le jour de l'Annonciation à la priere du duc & des grands, il celebra la meffe folemnellement avec les cardinaux dans l'église de S. Marc.

L'empereur Frideric étoit cependant à Cesene, où ayant appris que le pape étoit à Venise, il lui envoya l'archevêque de Magdebourg, l'évêque élu de Vormes & fon protonotaire, pour le prier de changer le lieu de la conference; parce que Chriftien fon chancelier ne croyoit pas pouvoir être en fureté à Boulogne, à caufe des maux qu'il y avoit faits pendant la guerre. Le pape répondit : C'est de l'avis de nos legats & des Lombards, que l'empereur a reglé que le lieu de la conference feroit à Boulogne; nous ne pouvons donc le changer fans le confentement des Lombards & des cardinaux qui font en ces quartiers-là. C'eft qu'une partie des cardinaux étoient allez pat terre en Lombardie avant que le pape s'embarquât avec les autres. Le pape ajoûta: Toute fois pour accelerer la paix, nous irons inceffamment jufques à Ferrare avec nos freres les cardinaux, pour y refoudre avec les recteurs des Lombards ce qui fera le plus convenable; &.il marqua le Dimanche de la paffion dixiéme d'Avril pour le jour du rendez-vous à Ferrare. Cependant Tome XV. Hhh

AN. 1177.

III.
Le pape à Fer-

are.

voulant fatisfaire le peuple qui accouroit de tous cotez avec empressement pour le voir, il celebra solemnellement la Meffe à faint Marc le quatriéme dimanche de carême, prêcha aprés l'évangile, & aprés la meffe donna au duc de Venife la rofe d'or.

Le pape partit de Venife la même semaine fur onze galeres, & remontant le Pô arriva en fa ville de Ferrare le dimanche de la Paffion. Le lendemain y arriverent le patriarche d'Aquilée, les archevêques de Ravenne & de Milan avec les évêques leurs fuffragans, les recteurs des villes de Lombardie, les marquis & les comtes. Ils s'affemblerent le lendemain dans la grande église dediée à faint George avec une multitude innombrable de peuple, le pape leur dit : Vous favez, mes chers enfans, la perfecution que l'église a foufferte de la part de l'empereur qui devoit la proteger; vous favez que l'autorité de l'églife Romaine en a été affoiblie, parce que les pechez demeuroient impunis & les canons fans execution, outre les autres maux ; la deftruction des églifes & des monafteres, les pillages, les incendies, les meurtres & les crimes de toutes fortes. Dieu a permis ces maux pendant dix-huit ans; mais enfin il a appaifé la tempête & tourné le cœur de l'empereur à demander la paix. C'est un miracle de fa puiffance qu'un prêtre vieux & defarmé ait pû resister à la fureur des Allemans & vaincre fans guerre un empereur fi puiffant, mais c'est afin que tout le monde connoiffe qu'il eft impoffible de combattre contre Dieu. Or quoique l'empereur nous ai fait demander la

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paix à Anagni pour l'églife, & pour le roi de Sicile, AN. 1177.
& qu'il ait voulu la faire fans vous, nous n'avons
pas voulu la recevoir: confiderant avec quelle devo-
tion, & quel courage vous avez combattu pour
T'églife, & pour la liberté de l'Italie; & fans avoir
égard ni à nôtre dignité, ni à la foibleffe de nôtre
âge avancé, nous nous fommes exposez à la mer &
aux perils, pour venir deliberer avec vous fi nous
devons accepter la paix qui nous eft offerte.

Aprés que le pape eut parlé, les Lombards qui
n'étoient pas moins éloquens que guerriers lui ré-
pondirent ainfi par la bouche d'un de leurs fages:
Toute l'Italie fe jette à vos pieds pour vous rendre
graces, & vous témoigner fa joie de l'honneur que
vous faites à vos enfans, de venir à eux & de cher-
cher les brebis égarées, pour les remaner. Nous co-
noiffons par notre propre experience la perfecu-
tion que l'empereur a faite à l'églife & à vous: nous,
nons fommes les premiers opposez à sa fureur, &
nous nous fommes mis au devant pour l'empêcher
de détruire l'Italie, & d'oprimer la liberté de l'égli-
fe; & pour une fi bonne cause, nous n'avons évité
ni la dépense, ni les travaux, ni les pertes ni les
perils. C'eft pourquoi, faint pere, il eft convena-
ble que vous n'acceptiez point fans nous la paix qu'il
vous offre, comme nous avons refufé celle qu'il
nous a fouvent offerte fans l'églife. Au refte nous
la ferons volontiers avec l'empereur, & nous ne
lui refufons rien de fes anciens droits fur l'Italie :
mais
pour nôtre liberté que nous avons reçuë de
nos peres, nous ne l'abandonnerons qu'avecla vie.

ich

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