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Quant au roi de Sicile nous fommes trés-aises qu'il AN. 1175, foit compris dans ce traité, parce que c'est un prince qui aime la paix & la justice; nos voyageurs le favent par experience, & il y a plus de fûreté dans les bois de fon royaume que dans les villes des

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autres.

Trois jours aprés arriverent à Ferrare Chriftien chancelier de l'empereur, les archevêques de Co-logne, de Magdebourg & de Treves, l'évêque élû de Vormes, Godefroi autre chancelier & le. protonotaire. Le pape leur donna audiance en con-fiftoire, où étoient les envoyez du roi de Sicile & les deputez des Lombards. ; & ils declarerent que l'empereur leur avoit donné pouvoir à eux fept de conclure la paix avec le pape, le roi de Sicile, & les Lombards comme il avoit promis à Anagni.. Le pape en fut trés-content, & nomma de fon côté fept cardinaux ; les Lombards nommerent aussi fept commiffaires, dont quatre étoient des évêles deux envoyez du & le ques; voulut pape que roi de Sicile afliftaflent aux conferences. On commença par difputer fur le lieu de l'entrevûë entre le pape & l'empereur ; & aprés plufieurs jours de contestation on convint qu'elle fe feroit à Venife, à condition que le pape prendroit fes füretez de part des Venitiens. Le chancelier Chriftien qui ne se croyoit pas en fûreté à Ferrare, en partitle jeudi faint, & fe retira en diligence à Venife: mais le pape celebra folemnellement à Ferrare la fête de Pâques qui cette année 1177. fut le vingt-quatriéme d'Avril

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AN. 1177.

IV. Reconciliation

Il en partit le neuviéme de Mai fur les galeres du roi de Sicile, & fut reçu à Venife avec les mêmes honneurs que la premiere fois. Il ordonna aux com- de l'empereur. miftaires de s'affembler dans la chapelle du palais avec le pape. patriarcal où il logeoit, & de commencer par la paix des Lombards, qui étoit de plus longue difcution. Romuald. On ne pût en convenir; & le pape propofoit une tréve avec les Lombards & le roi de Sicile, qui ne fut pas acceptée par l'empereur. Car il n'alloit point droit en ce traité, il fe défioit de fes propres commiffaires, & s'étant approché jufques à Chiogia, il vouloit entrer à Venife malgré le pape; étant fávorifé par une partie des Venitiens, nonobstant les fermens qu'ils avoient faits au contraire. Le duc da Venife & les fages n'en étoient pas les maîtres; mais les envoyez du roi de Sicile retinrent ce peuple, en le menaçant de la colere du roi leur maître. Ces difficultez firent durer la negociation jufques à la fin de Juillet. Enfin le chancelier Chriftien & les autres commiffaires de l'empereur lui declarerent librement, que fa puiffance ne s'étendoit pas fur leurs ames, & qu'ils ne vouloient pas fauffer les fermens qu'ils avoient faits au pape à Anagni, fur la foi defquels il étoit venu à Venife; qu'ils le reconnoiffoient pour pape & renonçoient à l'antipape qui étoit en Tofcane. Aldrs. l'empereur fe rendit à la paix, felon qu'elle avoit été projettée avec l'églife, le roi de Sicile & les Lombards, & aprés de nouveaux fermens prêtez pour lui & pour les feigneurs Allemans il vint à Venife le famedi 23. de Juillet.

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AN. 1177.

par

Le lendemain dimanche veille de S. Jacques, le pape envoya dés le grand matin six cardinaux, favoir deux évêques, trois prêtres, & un diacre vers l'empereur pour l'abfoudre. Il renonça au fchifme d'Octavien, de Gui de Crême, & de Jean de Strume; & promit obéïssance au pape Alexandre, & à fes fucceffeurs legitimes: & il fut abfous les cardinaux de l'excommunication, & réuni à l'églife catholique. Les prelats, & les feigneurs Allemans en firent autant, & reçûrent aussi l'abfolution. Alors le duc de Venife avec le patriarche de Grade; & une grande multitude de clergé & de pcuple vint à S. Nicolas du Lido cù l'empereur étoit; & le duc l'aiant pris dans fa barqne, le mena à S. Marc: où le pape l'attendoit à la porte de l'églife avec fes évêques, fes cardinaux, le patriarche d'Aquilée, les archevêques, & les évêques de Lombardie, tous affis & revêtus pontificalement, en presence d'un peuple innombrable. L'empereur s'étant approché ôta fon manteau, & fe profterna aux pieds du pape : qui touché jufques aux larmes le releva, & lui donna le baiser de paix. Aufsi-tôt les Allemans entonnerent le Te Deum à haute voix & l'empereur prenant le pape par la main droite le mena jufques dans le choeur de l'églife, puis baissant la têtê il reçût fa benediction, & fe retira au palais du duc.

Le foir il envoya prier le pape de celebrer la meffe à faint Marc le lendemain fête de S. Jacques, parce qu'il defiroit l'entendre, le pape l'accorda, & comme il alloit à l'autel, l'empereur fans man

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Vofienf to 2. bill.

teau & une verge à la main fit la fonction d'huiffier, marchant devant lui pour chaffer les laïques du chœur & lui faire place. Il demeura dans le chœur avec les prélats & le clergé Alleman qui ce jour-là chanta l'office, aprés l'évangile le pape monta au jubé pour prêcher le peuple, & comme il parloit Latin, il chargea le patriarche d'Aquilée d'expliquer fon fermon en Alleman, pour fatisfaire à la devotion de l'empereur. Aprés le Chr Gaufr. fermon & le Credo, l'empereur avec les feigneurs Lab. 34de fa cour, vint baifer les pieds du pape & faire fon offrande, il communia de fa main, & aprés la meffe il le prit par la main & le mena jufques à la porte de l'églife; quand il monta à cheval il lui tint l'étrier & le conduifit par la bride quelque tems, jufques à ce que ce que le pape lui donna fa benediction & lui permit de fe retirer, le difpenfant du refte du chemin jufques à la mer, qui étoit trop long. Le lendemain vers l'heure de none l'empereur rendit au pape une vifite d'amitié, & vint avec peu de fuite jufques à fa chambre, où il s'entretenoit familierement avec les cardinaux. La converfation entre le pape & l'empereur, fut affectueufe & gaye; mêlée de quelques railleries fans préjudice de leur dignité.

V.

Romuald.

Six jours aprés, c'eft à-dire, le lundi premier jour d'Aout, la paix fut jurée folemnellement. Paix jurée. L'empereur accompagné des prélats & des seigneurs de fa cour, vint au palais patriarcal, où logeoit le pape; la feance se tint dans la falle qui étoit longue & fpacieufe, le pape s'affit au fonds dans un

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fauteuil ayant des deux côtez fes évêques & fes cardinaux. Il fit affeoir l'empereur à fa droite au dessus de fes-évêques & des cardinaux prêtres, & Romuald archevêque de Salerne à fa gauche audeffus des cardidaux diacres. Quand on eut fait filence le pape fit un petit difcours, où il témoigna fa joye de la converfion de l'empereur & finit en déclarant qu'il le recevoit à bras ouverts, comme fon cher fils, avec l'imperarrice son épouse & leur fils le roi Henri. Enfuite l'empereur ayant ôté fon manteau fe leva de fon fauteuil & commença à parler en Alleman: fon chancelier Chriftien expliquant en Italien vulgaire ce qu'il difoit. En ce difcours l'empereur reconnut publiquement qu'il s'étoit trompé en fuivant de mauvais confeils, & qu'il avoit attaqué l'église croyant la défendre : il remercia Dieu de l'avoir tiré d'erreur, & declara qu'il quittoit le fchifme, qu'il reconnoiffoit Alexandre pour pape legitime, & rendoit sa paix au roi

de Sicile & aux Lombards.

Ce discours fut fuivi de grandes acclamations à la louange de l'empereur, puis on apporta le évangiles, les reliques & la vraye croix; & par ordre de l'empereur Henri le comte de Dieffe jura fur l'ame de ce prince, qu'il obferveroit fidelement la paix entre l'église & l'empire, la paix avec le roi de Sicile pour quinze ans, & la tréve de fixans avec les Lombards; comme les commiffaires l'avoient accordée & redigée par écrit. Douze princes de l'empire tant ecclesiastiques que seculiers firent le même ferment. Auffi-tôt Romuald archevêque

de

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