AN. 1180. tenant des nouveautez dangereuses; dequoi l'empereur déja chagrin par fa maladie fut extremement irrité. Il reduifit donc fon écrit en abregé & s'étant fait porter à Scutari, pour être en meilleur air & plus en repos, il y fit venir les prélats & les hom mes les plus dinftinguez par leur favoir. Mais ils furent à peine débarquez, qu'un de fes fecretaires les plus affidez nommé Théodore leur vint dire que l'empereur n'étoit pas alors visible à cause sa maladie; & qu'ils devoient entendre la lecture de deux papiers qu'il avoit en main; l'un étoit l'écrit dont j'ai parlé, que l'empereur vouloit faire foufcrire aux prélats; dans l'autre adreffé au patriarche Theodofe & aux évêques, l'empereur fe plaignoit de leur refiftance, & les menaçoit d'affembler un plus grand concile, & même de faire examiner cette question par le pape. Enfin aprés plufieurs conteftations, les prélats convinrent, quoi qu'avec peine, que l'on effaceroit des cathechifmes l'anathême au dieu de Mahomet ; & que l'on mettroit seulement: Anathême à Mahomet, & à toute fa doctrine & fa fecte. Ainfi fut terminée cette affaire au bout de trois mois. Catolog. Jus G.R.p. 303. Le patriarche Théodofe avoit fuccedé à ChariPagi 1179. ton mort en 1177. aprés avoir tenu le fiege de C. P. quatorze mois. Théodose étoit originaire d'Antioche & avoit été long-tems moine au mont faint Auxence; il tint fix ans le fiege de C. P. Nous avons de lui une conftitution fynodale dattée du trentiéme de Juillet indiction douzième, qui est l'année 1179. portant qu'une fille peut époufer le Jus Gr. R.lib. 2.p.231. coufin de celui à qui elle a été fiancée avant l'âge AN. 1180. de puberté, parce que ces fiançailles étoient nulles. XXXII. Mort de Ma nene empereur. Nicet. p. 142. D. Ĉe patriarche voyant l'empereur dangereusement malade, lui confeilloit pendant qu'il étoit nuel Alexis Comencore tems & qu'il avoit l'efprit fain, de donner ordre aux affaires de l'empire; & de chercher un homme capable de conduire fon fils qu'il laiffoit en bas âge. Mais l'empereur lui répondit, qu'il étoit affuré de ne pas mourir de cette maladie, & de vivre encore quatorze ans. C'est qu'il croyoit à des aftrologues, qui lui promettoient une prompte guérifon & de grandes conquêtes. Toutefois la maladie augmentant toûjours, il vit enfin évanouir ces esperances, & par le confeil du patriarche, il figna un petit écrit contre l'aftrologie. Enfuite s'étant lui-même tâté le pouls, il fe frappa la cuiffe en jettant un grand foûpir, & demanda l'habit monaftique. On en prit un tel qu'on le pût trouver dans cette furprife, & on l'en revêtit par deffus fes habits ordinaires, quoi qu'il fe trouvât trop court & indecent. L'empereur Manuel mourut ainfi le vingt-quatriéme de Septembre 1180. felon les Grecs 6689. l'indiction quatorziéme commençant. Il avoit regné trente-fept ans & demi, & fut enterré à C. P. dans le monaftere du Cang. C.P. 17. Pantocrator, c'est-à-dire, du tout-puiffant, fondé par l'imperatrice Irene fa mere, où étoient des moines de l'ordre de faint Antoine jufques au nombre de fept cens. On y tranfporta peu de tems aprés une pierre de marbre rouge de la grandeur d'un homme, que Manuel avoit fait apporter d'EpheTome XV. Qqq 2.3. AN. 1180. fe; & que l'on prétendoit être celle où le corps de J. C. avoit été embaumé à la defcente de la croix. Nieet. 1. n. 3° G.Tyr. xxi. 4. 4. 5. Manuel fonda lui-même à l'entrée du Pont Euxin un monaftere en l'honneur de S. Michel, où il raffembla les moines eftimez les plus parfaits; & pour leur ôter tout fujet de diffipation, il ne leur donna ni terres labourables, ni vignes, ni autres immeubles, affignant tout leur revenu fur le tréfor imperial. Auffi renouvella-t-il une conftitution de Nicephore Phocas, qui défendoit aux monafteres d'augmenter leurs acquifitions ; & il blâmoit les fondations de fon pere & de fon ayeul, qui avoient donné aux monafteres quantité de terres fertiles & de belles prairies: difant, qu'ils n'avoient pas bien fait leurs bonnes œuvres que les moines doivent habiter des cavernes, des deferts & des lieux écartez, puifqu'ils avoient renoncé au monde; & ne fe pas montrer dans les villes & les places publiques. Il fe plaignoit auffi de la décadence de l'état monastique, qui ne consistoit pres que plus que dans l'habit, la grande barbe &lex > terieur. Guillaume archevêque de Tyr revenant du concile de Latran paffa l'hiver à C. P. & n'en partit que le mercredi de Pâques vingt-troifiéme d'Avril de cette année 1180.Il loüe extrêmement la magnificence de l'empereur Manuel, particulierement fes aumônes ; & dit que fon ame eft allée au ciel, & que fa memoire eft en benediction. Ce qui montre que ce prélat, tout latin qu'il étoit, le tenoit pour catholique. Auffi avez-vous vû que A N. 1180. Manuel entretenoit commerce avec le pape Alexandre ; & on ne peut dire que de fon tems le schifme des Grecs fût encore formé.Son fils Alexis Comnene lui fucceda âgé d'environ treize ans, fous la conduite de fa mere Marie fille de Raimond prince d'Antioche; qui étoit gouvernée elle-même par Alexis Comnene protoveftiaire ou grand maître de la garderobe, coufin du défunt empereur. Cruc.par. 6. c. uls. La même année 1180. mourut Amauri patriarche Latin de Jerufalem, qui à caufe de fa fimplicité avoit été peu utile à son église. Son fucceffeur fut Heraclius auparavant archevêque Latin de Ce- Sonut. 111 fidel. farée, homme de fi mauvais exemple, qu'il entretenoit publiquement une femme, que le peuple nommoit la patriarchesse, lorsqu'il la voyoit pasfer dans les ruës magnifiquement parée. A l'élection de ce prélat on difoit tout haut: La croix fera perdue fous le patriarche Heraclius, comme elle a été recouvrée fous l'empereur Heraclius; ce qui fut confirmé par l'évenement. Il tint le siege de Jerufalem onze ans. 6.7. Les affaires de ce royaume deperiffoient à vûë d'œil, par l'accroiffement de la puiffance de Sa- c-Tyr. xxt. ‹£; ladin, qui aprés s'être rendu maître de l'Egypte s'étendoit dans la Syrie, avoit pris Damas & menaçoit tout le refte de la fucceffion de Noradin. Ainfi les forces des infideles étoient réunies, au lieu que quatre-vingt ans auparavant, quand les Francs entrerent dans le pays, elles étoient divifées entre un grand nombre de feigneurs. Les Francs étoient Cang. famil. Byz. p. 186. XXXIII, Eglife Latine d'Orient. AN. 1180. 8. S. d'ailleurs affoiblis en eux-mêmes par l'extrême corruption de leurs moeurs, & leur incapacité dans la guerre & les exercices militaires. C'est ainsi qu'en parloit Guillaume de Tyr; prevoyant avec douleur la ruine prochaine de cet état. On en donna la regence pendant le bas âge du roi Baudoüin IV. à Raimond III. comte de Tripoli, defcendu de Raimond comte de Toulouse & parent du jeune roi; & on refolut de s'opposer avec toutes les forces du 20.23. royaume aux progrés de Saladin. En effet ce prince étant venu attaquer Afcalon en 1177. le roi Baudouin marcha contre lui; & il y eut une grande bataille, où Saladin fut entierement défait. Mais peu de tems aprés le comte de Tripoli, qui affiegeoit Harenc, c'est-à-dire, Harem, château dépendant d'Alep, leva le siege lorsque la place étoit prête à se rendre ; & le fit pour de l'argent, qu'il reçût du jeune fultan Saleh Ifmaël : ce qui confirma l'opinion que l'on avoit que le comte s'entendoit avec les Sarafins, & même avec Saladin. T c. 25. Vie de Salad. L'année fuivante 1178. le roi Baudouin entreprit de bâtir un château fur le bord du Jourdain au lieu nommé le Gué de Jacob; pour s'opposer aux courfes des voleurs Arabes, & des garnisons des places voifines. Ce lieu étoit ainfi nommé parce que l'on croyoit que c'étoit l'endroit où Jacob revenant de Mefopotamie avoit paffé le Jourdain, & on le nommoit auffi la maifon de Jacob. Le château étant bâti, le roi en donna la garde aux Templiers; mais ce prince croyant furprendre les ennemis, ils le fur27. prirent lui-même dans des rochers; le combat fut 2.26. Gen. xxx11 |