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AN. 1184. d'autres personnes capables, les lieux de fon diocese, où le bruit commun fera que des heretiques demeurent ; & il fera jurer trois ou quatre hommes ou plus de bonne reputation, & même s'il le juge à propos tout le voifinage; que s'ils aprennent qu'il y ait là des heretiques, ou des gens qui tiennent des conventicules fecretes, ou qui menent une vie differente du commun des fideles, ils les dénonceront à l'évêque ou à l'archidiacre. L'évêque ou l'archidiacre appellera devant lui les accufez; & s'ils ne fe purgent fuivant la coûtume du pays, ou s'ils retombent, ils feront punis par le jugement des évêques. Que s'ils refufent de jurer, ils feront dés là jugez heretiques.

Nous ordonnons de plus que les comtes, les barons, les recteurs, & les confuls des villes, & des autres lieux, promettent par ferment fuivant la monition des évêques, d'aider efficacement l'église en tout ce que deffus contre les heretiques & leurs complices, quand ils en feront requis ; & qu'ils s'appliqueront de bonne foi à executer felon leur pou voir ce que l'église & l'empire ont ftatué fur cette matiere; finon ils feront dépouillez de leurs charges, & ne feront admis à aucune autre outre qu'ils feront excommuniez & leurs terres mifes en interdit. La ville qui refiftera à ce decret, ou qui étant avertie par l'évêque, negligera de punir les contrevenans, fera privée du commerce des autres villes, & perdra la dignité épifcopale. Tous les fauteurs d'heretiques feront notez d'infamie perpetuelle, & comme tels, exclus d'être avocats & témoins, &

des

des autres fonctions publiques. Ceux qui font AN. 184. exemts de l'évêque & foûmis feulement au faint fiége, ne laifferont pas pour ce que deffus de fubir le jugement des évêques comme déleguez du faint fiege, nonobftant leurs privileges.

On void dans ce decret le concours des deux puiffances pour l'extirpation des herefies; l'église emploïe l'excommunication & les autres cenfures, l'empereur, les feigneurs & les magiftrats employent les peines temporelles. Je croi de plus y voir l'origine de l'Inquifition contre les heretiques : en ce que l'on ordonne aux évêques de s'informer par eux-mêmes ou par commiffaires des perfonnes fufpectes d'herefie, fuivant la commune renommée & les dénonciations particulieres; que l'on distingue les degrez de fufpects, convaincus, penitens & relaps, fuivant lefquels les peines font differentes. Enfin qu'aprés que l'église a employé contre les coupables les peines fpirituelles, elle les abandonne au bras feculier, pour exercer en core contre eux les peines temporelles; ayant reconnu par experience que plufieurs Chrétiens, & particulierement ces nouveaux heretiques, n'étoient plus fenfibles aux peines fpirituelles. On reconnoiffoit donc enfin, qu'outre la peine spirituelle il étoit permis d'employer la temporelle contre la même perfonne pour le même crime; fans craindre de violer la maxime Non bis in idem : dont Sup. liv. LXXI、 la défense fut vingt ans auparavant la principale "3.

cause de la persecution que souffrit saint Thomas

de Cantorberi.

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Quant aux heretiques nommez en decret; les Cathares ou Patérins font les nouveaux Manichéens dont nous avons fi fouvent parlé; les Paffagins ou Pafages vouloient que la loi Mofaïque fût obfervée à la lettre, & nioient la Trinité; ils condamnoient les peres & toute l'églife Romaine. Leur nom femble venir du Grec Pafagios Tout faint. Mais les Humiliez & les Pauvres de Lion meritent une attention particuliere; car leurs commencemens avoient été bons. Les Humiliez parurent premierement en Lombardie : c'étoit des hommes & des femmes qui vivoient en commun dans une grande pauvreté, portoient des habits fort rudes ; & dans leur contenance, leurs difcours & toutes leurs manieres d'agir témoignoient une grande humilité. Ils fubfiftoient principalement du travail de leurs mains, & net poffedoient rien en propre. Il y avoit entre eux des laïques prefque tous lettrez, & ils difoient tout l'office canonial du jour & de la nuit ; plufieurs ne mangeoient point de chair s'ils n'étoient griévement malades, & ne portoient point de linge. Les femmes de cet inftitut étoient tellement éloignées des hommes qu'ils ne les voyoient pas même à l'église, & un mur les féparoit au fermon. Le pape avoit approuvé leur inftitut, & avoit permis aux clercs & aux laïques lettrez, de prêcher, non feulement dans leurs maifons, mais dans les places publiques & dans les églifes du confentement des prélats. Ils avoient fait ainsi grand nombre de converfions, & s'étoient multipliez er

peu de tems; car outre ceux qui vivoient en A N. 1184. commun, plusieurs à leur perfuafion vivoient faintement dans le monde avec leurs femmes & leurs enfans. Ces humiliez étoient formidables aux Manichéens,qu'ils confondoient publiquement & découvroient leurs artifices; & ils en convertiffoient plufieurs. Ce n'eft pas de ces Humiliez qu'il faut entendre le decret du pape Lucius, mais de ceux qui Abb. Ursperg. prenant fauffement ce nom, s'ingeroient à prêcher fans mission, à entendre les confeffions & diriger, entreprenant fur le miniftere ecclefiaftique.

an. 1212. p. 318.

Vald.e. S

Les pauvres de Lion font plus connus fous le nom de Vaudois, & leur fecte commença en 1160. à cette occafion. Plufieurs notables bourgeois Reiner.cons étant assemblez à Lion, un d'eux mourut fubitement en leur presence: Pierre Valdo qui étoit de la compagnie, fut tellement frappé de cet accident, qu'il diftribua auffi-tôt aux pauvres une grande fomme d'argent; ce qui en attira quantité à sa fuite. Il les exhorta à embraffer la pauvreté volontaire à l'imitation de J. C. & des apôtres ; & comme il étoit un peu lettré il leur expliquoit le texte du nouveau teftament en langue vulgaire. Les ecclefiaftiques l'entreprirent, l'accufant de témerité; mais il méprifa leurs réprimandes & continua d'enseigner, difant à fes difciples, que le clergé corrompu dans fes mœurs envioit leur fainte vie & leur doctrine. On les nomma Vaudois du nom de leur maître, ou Leonistes à cause de la ville de Lion, ou Sabatés & Infabatés à caufe de leur chauffure finguliere; foit qu'ils por- Cang Sabaraci.

Ebrard. conc.
Vald.c. 25.

AN. 1184. taffent des fabots, ou des fouliers découpez en croix par deffus. Il ne faut pas confondre ces nouveaux heretiques avec les Cathares ou Albigeois beaucoup plus anciens ; & on ne voit pas que ceux-ci euffent encore d'autre erreur que l'eftime de la pauvreté oifive, le mépris de l'autorité du clergé. J'ay parlé des Arnaudiftes; mais je ne trouve rien des Josepins ou Mefopins, car ils fe trouvent ainfi nommez en differens exemplaires.

LVI.

Suite du concile
de Verone.
Arnold. Lubec.
III. CIO.

Mag. Chr. Belg.. p.201.

A l'occafion de ce concile il vint à Verone des ecclefiaftiques des divers pays, qui avoient été ordonnez par les fchifmatiques du tems du pape Alexandre. L'empereur pria instamment le pape Lucius de leur faire la grace & de les réhabiliter, & le pape y condefcendit d'abord; enforte qu'il leur permit de prefenter leur requêtes, afin d'accorder à chacun la difpenfe felon la difference des cas. Mais le lendemain il changea d'avis & dit, que la fufpenfe contre ces ecclefiaftiques ayant été prononcée à Venife dans le concile general en 1177. ne pouvoit être revoquée que dans un pareil concile, & il promit d'en tenir un à Lyon pour cette affaire. On attribua ce changement à Conrad archevêque de Mayence & à Conrad évêque de Vormes, & les Allemans s'en plaignirent hautement, enforte que les cardinaux. difoient, qu'ils demandoient grace en menaçant.

On traita auffi à Verone d'une autre affaire importante, favoir l'élection de l'archevêque de Treves. Ce grand fiege étant vacant par le decés de l'archevêque Arnold, le chapitre fe trouva partagé entre l'archidiacre Volmar, & le prevoit Ro

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