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chaffer les Chrétiens de toutes les places mariti- AN. 1187, mes, pour leur ôter la communication avec la Grece & le reste de l'Europe. Acre fe rendit au bout de deux jours ; & le Sultan permit aux Chrétiens d'ý demeurer, ou de fe retirer avec leurs femmes & leurs enfans, & ce qu'ils pourroient emporter de leurs biens. Il prit enfuite Jaffa, Naploufe, Sebafte, Nazareth,Sefouriet, Cefarée qui fut prise de force, brûlée & faccagée. Hifa que nos auteurs nomment Caïfa, & Arfouf qu'ils nomment Affur se rendirent: Saïde ou Sidon fe rendit fans resistance, Beryte ou Beruit aprés trois semaines de fiege. Ascalon fut rendue pour fervir de rançon au roi Gui de Lufignan.

X 1. Jerufalem prife

Enfin le dix-neuviéme de Septembre Saladin commença le fiége de Jerufalem, qui étoit le prin- par Saladin. cipal objet de fon entreprise. Elle eût pu tenir longtems; mais les affiegez étoient effrayez par la bataille de Tiberiade & de la prise de leurs chefs & de tant de places; & ce qui acheva de les confterner, c'eft qu'ils découvrirent une conjuration formée dans la ville par un officier de Saladin, Chrétien Melquite avec ceux du même rite qui y étoient en trés-grand nombre & qui haïffoient les Latins les mauvais traitemens qu'ils en avoient reçûs. Le fultan affuré qu'ils lui livreroient une porte, rejetta avec mépris les propofitions des affiegez, à la tête defquels étoit la reine Sibille, le patriarche Heraclius & plufieurs feigneurs. Il dit qu'il étoit obligé en honneur de les traiter comme leurs Sup. liv. Lxiv. predeceffeurs avoient traité les habitans de Jerusa

pour

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M. 66.

lem, & de vanger le fang de foixante & dix mille AN. 1187. Mufulmans maffacrez fans mifericorde. La reine & les feigneurs manderent au fultan que s'il ne leur accordoit une capitulation honorable, ils se défendroient jusqu'à la derniere extremité; on ne lui confeilla pas de les reduire au defefpoir, & il accorda la capitulation aux conditions fuivantes. Qu'ils rendroient la ville en l'état où elle étoit fans rien

démolir; que la nobleffe & les gens de guerre fortiroient en armes, & avec efcorte pour aller à Tyr, ou en telle autre ville qu'ils voudroient'; que le refte du peuple fortiroit en payant par tête une certaine taxe, & emportant leurs meubles, & feroient de même conduits en fûreté.

Ainfi Jerufalem fut rendue à Saladin le vendre di fecond jour d'Octobre 1187. qui n'étoit que le quatorziéme jour du fiege. Le patriarche Heraclius enleva tous les ornemens de fon églife, l'argenterie du faint fepulcre, les l'armes d'or & d'argent dont il étoit couvert; & plus de deux cent mille écus d'or; mais les officiers du fultan s'y oppoferent, difant que la capitulation ne permettoit d'emporter que les biens des particuliers. Sur quoi Saladin répondit: Il eft vrai que nous pourrions contefter fur cet article; mais puisque nous avons permis aux Chrétiens d'emporter leurs biens fans excepter ceux des églifes, il ne faut pas leur donner fujet de se plaindre, ni de décrier notre religion. Les vertus que l'on a le plus louées en ce prince, font la fidelité à garder fa parole & la liberalité. Il paya à ses foldats rançon de tous les foldats Chrétiens, & les ren

voya comblez d'honneurs & de careffes, & les émirs A N. 1187. en uferent de même à fon exemple. Il traita fort civilement la reine & le patriarche. Il déchargea plufieurs milliers de pauvres de la taxe portée par la capitulation, & donna de fon tréfor dequoi fubvenir aux malades pendant quelque tems. Il permit aux chevaliers de l'hôpital de faint Jean d'y laiffer dix d'entre-eux pour garder leurs malades pendant Ep. 4. Rogovi

un an.

Auffi-tôt que les Chrétiens Latins furent fortis de Jerufalem, les Mufulmans jetterent de grands cris, & donnerent toutes les marques d'une extrê me joye. Ils commencerent par abattre les croix élevées par les premiers croifez en plufieurs quartiers de la ville, dont la plus remarquable étoit une grande croix de cuivre doré, pofée fur le dôme de l'églife des Templiers.En la voyant abattre les Chrétiens Orientaux reftez dans la ville ne purent retenir leurs larmes ; & Saladin l'envoya depuis au calife de Bagdad, qui la reçut comme un hommage rendu au fucceffeur du prophéte, la fit traîner par les rues, foûler aux pieds, couvrir de bote; & enfin enterrer au lieu où on portoit les immondices de la ville. Saladin fit brifer les cloches de toutes les églises de Jerufalem; quant à l'église patriarcale qui avoit été la grande mosquée bâtie à la place du temple de Salomon, aprés en avoir ôté toutes les marques du Chriftianifme, il la fit laver d'eau rofe par dedans & par dehors avant que d'y entrer, & y rétablir le fervice de fa religion le vendredi fuivant. Il y fit placer une chaire magnifi

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AN. 1187. que que Nouradin avoit autrefois commencée dans Alep, & à laquelle ce prince travailloit souvent de fes mains, ayant fait vou de la mettre dans l'églife de Jerufalem, quand il en auroit chaffé les Chrétiens comme il efperoit. Saladin executa donc ce vœu de Nouradin. Au frontifpice de cette grande mosquée,.on mit l'infcription suivante : Le ferviteur de Dieu Joseph fils de Job victorieux, le roi Nacer Salah-eldin mit cette inscription lorfque Dieu prit cette ville par fes mains l'an 583.en action de graces, aprés lui avoir demandé le pardon de fes pechez & la continuation de sa misericorde.

Toutes les autres églises furent auffi changées en mosquées, excepté celle du faint fepulcre que les Chétiens Syriens racheterent. Dans les autres on contraignit les efclaves Chrétiens à effacer les images & les peintures dont elles étoient ornées, en laver les murailles & froter le pavé par un penible travail. Saladin retablit à Jerufalem les colleges fondez autrefois par les califes & les fultans fes predeceffeurs ; & y fit recommencer les exercices publics de théologie & de jurisprudence Mufulmane. Quelques zélez Mufulmans lui confeillerent de ruiner l'églife du S. fepulcre & toutes les autres des lieux faints; difant qu'en les laissant on favoriferoit l'idolâtrie des Chrétiens & l'injure qu'ils font au Meffie, en honorant les marques de fa paffion. Car les Mufulmans croyent que ce ne fut pas Jefus qui fut crucifié, mais Judas à sa place. Ils ajoûtoient qu'en ôtant aux Chrétiens cet

objet de leur devotion, on leur ôteroit le pretex- AN. 1187. te de leurs croifades. Mais les plus habiles théologiens Musulmans furent d'avis contraire. Ils dirent à Saladin, qu'il ne devoit pas être plus fcrupuleux que le calife Omar, qui avoit confervé cette églife: que les lieux faints étant ruinez, la ville de Jerufalem fouffriroit un grand préjudice de la ceffation des pelerinages, d'où venoit toute fa riches fe; enfin que cette injure qu'on vouloit faire aux Chrétiens d'Occident ne feroit pas moins fenfible à ceux d'Orient, qu'elle pourroit exciter à la revolte, & à fe joindre aux autres pour l'interêt commun de la religion. Saladin fe rendit à ces raifons; & permit comme auparavant de vifiter les faints lieux, pourvû que l'on y vint fans armes, & que l'on payât certains droits.

C'eft ainfi que Jerufalem retomba fous la puif fance des infideles, aprés avoir été fous celle des Chrétiens Latins pendant quatre-vingt-huit ans. Ils furent les feuls qui en fortirent ; car les Chrétiens Syriens, Georgiens, Armeniens & Grecs y demeurerent. La reine Sibille & le patriarche He- p. p. Rogero raclius fe retirerent à Antioche avec les Templiers, les Hofpitaliers & quantité de peuple. Plufieurs autres fe retirerent à Tripoli, où le comte & fes gens leur ôterent ce que les Sarafins leur avoient laiffé dequoi une femme dépouillée de tout entra en un tel defespoir, que n'ayant plus dequoi nourrir fon enfant elle le jetta dans la mer. Quelques- Jac. Vitr. c.9%. uns de ces Chrétiens chaffez de Jerufalem pafferent à Alexandrie & en Sicile. Il ne refta aux La

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