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A N. 1192.

avoit mis tous fes états fous la protection du pape,
& qu'il n'avoit point laiffé d'ordre d'y recevoir
aucun legat. Les cardinaux reprefenterent qu'ils ve-
noient apporter la paix; mais on n'écouta ni leurs
prieres ni leurs menaces, & on les contraignit à
main armée de retourner fur leurs pas. Le cardinal
Octavien jetta interdit fur la Normandie, & excom-
munia le fenéchal & tous fes complices; mais le
cardinal Jourdain qui aimoit le roi Richard ne
porta aucune cenfure. Ces nouvelles ayant été por-
tées en Angleterre, la reine Alienor, le comte
Jean, l'archevêque de Rouen & les autres justi-
ciers, envoyerent en Normandie Hugues évêque
de Durham, pour faire revoquer les cenfures &
rendre aux cardinaux l'honneur convenable. Ce
prélat paffa en France & vint à Paris, où il trouva
les cardinaux qu'il appaifa; & avec bien de la pei-
ne & de l'induftrie, il les fit convenir que l'évê-
que d'Hoftie revoqueroit fa fentence
fa fentence; à condi-
tion que le fenéchal & fes complices jureroient
de fe foûmettre au jugement de l'églife, pour
l'injure faite aux cardinaux; & qu'il leur permet-
troit d'aller librement jufques à Rouen, non com-
me cardinaux, mais comme étrangers; à condi-
tion encore que le clergé de Normandie leur
fourniroit la dépenfe de dix jours pour cinquante
hommes & quarante chevaux. A ces conditions
ils fe foûmettoient pour faire leur paix, à l'arbi-
trage de l'évêque de Durham & du doyen de
Rouen. Mais le fenéchal ne voulant point accor-
der que les cardinaux vinffent en Normandie fans

la permission du roi ; ils s'en retournerent fans le- AN. 1192, ver leurs cenfures; quoi que l'évêque de Durham les fuivit jusques à Vezelai. Toutefois le pape leur fit lever l'interdit, leur défendant en même tems d'entrer en Normandie.

XXXVIII. Saint Albert évé.

que de Liege. Leod.c.56. 57. 58.

Egid. de Epifc.

Raoul évêque de Liege revenant de la croisade mourut de poison le cinquiéme d'Août 1191. comme il étoit prêt à rentrer chez lui. Il y eut partage pour l'élection du fucceffeur, la plûpart élurent Albert de Louvain premier archidiacre de Liege,frere de Henri duc de Lorraine & de Louvain; quelquesuns par la faction de Baudouin comte de Namur, élurent un autré Albert frere du comte de Retel auffi archidiacre de Liege, homme fans lettres & fans efprit, qui n'avoit autre merite que fa naiffance. Ils s'adrefferent l'un & l'autre à l'empereur Henri pour recevoir l'inveftiture; mais ce prince qui avoir choisi un autre fujet, & haïffoit depuis long-es tems le duc de Lorraine, foûtint que quand il y avoit partage, l'élection étoit caduque & lui appartenoit à lui feul; ainfi il donna l'inveftiture à Lothaire prevôt de Bonne, homme riche & déja pourvû de plufieurs dignitez ecclefiaftiques, frere du comte d'Horftade, qui avoit rendu de grands fervices à l'empereur. Les chanoines appellerent au pape, foûtenant que l'élection d'Albert de Louvain étoit canonique; mais Lothaire vint à Liege & se mit en possession de l'évêché & des forteresses qui .. 6 en dépendoient.

Albert fit le voyage de Rome avec de grandes difficultez, parce que l'empereur lui avoit fermé

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tous les paffages. Il fut obligé de prendre des chemins détournez & de fe déguiser en valet ; & on 1. le prefenta en cet équipage au pape Celestin, qui en fut touché jufques aux larmes. Il l'embraffa & le confola, le connoiffant déja de réputation.Albert arriva à Rome aux fêtes de Pâques, qui cette année 1192. fut le cinquiéme d'Avril, & y demeura jusques aprés l'octave de la Pentecôte. Il produifit les preuves de la regularité de fon élection: mais quelques cardinaux étoient d'avis de ceder à la violence des Allemans & à la haine implacable de l'empereur. Enfin le pape ayant pris jour pour le jugement, il fut rendu publiquement dans le palais de Latran, l'élection d'Albert jugée canonique, & confirmée par le pape; qui même le fit cardinal, l'ordonna diacre le famedi des quatre tems de la Pentecôte, & lui fit chanter l'évangile à la messe. Il 2 lui donna toutes les bulles neceffaires, entre autres une pour fe faire facrer par Guillaume archevêque de Reims, en cas que Brunon archevêque de Cologne fon métropolitain le refusât par la crainte de l'empereur, & il lui fit délivrer toutes ces expeditions gratis.

Albert étant venu à Reims fut parfaitement bien 34. reçû par l'archevêque Guillaume, qui l'ordonna prêtre le famedi des quatre-tems de Septembre; & le dimanche fuivant vingtiéme du même mois il le facra folemnellement évêque de Liege. Le lendemain on apprit que l'empereur étoit à Liege extrémement irrité, & refolu de perdre tous ceux qui adheroient à l'évêque Albert. Le duc d'Ardenne

oncle de ce prélat qui l'avoit amené à Reims, lui AN. 1192 propofoit de fe foûtenir par la force avec le fecours de leurs amis; mais Albert lui declara, qu'il ne vouloit point user de tels moyens, & qu'il efperoit appaifer l'empereur par fon humilité & fa penitence. Peu de tems aprés arriverent à Reims trois che- c.67% valiers Allemans & quatre écuyers, qui fe difoient chaffez de la cour de l'empereur à l'occafion d'une querelle. Ils vinrent faluer l'évêque de Liege & s'infinuerent fi bien dans fon amitié, qu'ils l'accompagnoient ordinairement, & mangeoient fouvent à fa table; plufieurs perfonnes les foupçonnoient de quelque mauvais deffein, mais l'évêque ne s'en déficit point. Enfin l'ayant tiré hors de c. 831 la ville fous pretexte d'une promenade, suivi feulement d'un chanoine & d'un chevalier : quand ils furent à cinq cens pas, les deux qui marchoient à fes côtez lui percerent la tête par les temples, & tous enfemble lui donnerent tant de coups d'épée & de couteau, qu'on lui trouva treize grandes playes. Auffi-tôt ils piquerent leurs chevaux, & quoique sã la nuit fut proche ils firent telle diligence, qu'ilsarriverent à Verdun à neuf heures du matin, puis ils allerent trouver l'empereur, de qui ils furent tresfavorablement reçûs.

L'évêque Albert fut ainfi tué le mardi vingt- 6.86, quatriéme de Novembre 1192. & enterré folemnellement dans l'églife métropolitaine de Reims : on le regarda comme martyr de la liberté ecclefiaftique, & on lui en donna le titre dans fon épitaphe. On rapporte quelque miracles faits à fon

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Malot. 80. 2 8.436

XXXIX.

de Tournai.

Molinet.

tombeau; enfin plus de quatre cens ans aprés, favoir l'an 1612. l'archiduc Albert & l'infante Ifabelle fon épouse, du confentement du roi Louis XIII. obtinrent du cardinal deGuise archevêque de Reims la permission d'enlever fon corps, & le firent transferer folemnellement à l'églife des Carmelites qu'ils venoient de fonder à Bruffelles. Il est marqué dans le martirologe Romain au vingt-uniéme de Novembre.

Everard d'Avenes évêque de Tournai étant Eftienne évêque mort en 1191. on élut pour lui fucceder Pierre Vita per. Cl. du chantre de l'églife de Paris, docteur fameux: mais cette élection ne fut pas agréable à Guillaume archevêque de Reims métropolitain de Tournai, & regent du royaume en l'abfence du roi Philippe Augufte. Eftienne abbé de fainte Geneviève à Paris étoit du confeil de ce prélat, & avoit grande pif. 175. part à sa confiance. Il lui écrivit en faveur de Pierre le chantre; & comme on accufoit le clergé de Tournai d'avoir manqué dans la forme de l'élection, il dit que cette faute ne doit pas nuire à Pierre qui étoit absent & n'en savoit rien. Il ajoûte que le roi avoit declaré expreffement, qu'il vouloit que Pierre fût évêque de Tournai. Ainfi, continue-t-il, il feroit à craindre que s'il étoit rejetté, ce jeune prince à fon retour ne témoignât fon indignation.

Loin d'écouter les raifons de l'abbé Eftienne, l'archevêque de Reims le propofa lui-même pour être évêque de Tournai, ce qui fut reçû avec un grand applaudiffement de tout le monde; mais

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