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AN. 1193.

146.

chevêque de Rouen & fes fuffragans en écrivirent au pape Celeftin: fe plaignant que ce prince eut Petr. Bles. ep. 64. été pris en revenant du pelerinage de Jerufalem, contre le privilege de la croifade, qui mettoit les croifez fous la protection fpeciale du S. Siege ; & exhortant le pape à emploïer en cette occasion le glaive de S. Pierre. La lettre fut compofée par Pierre de Blois, qui écrivit auffi en fon nom à Epift. 143. Conrad archevêque de Maïence, avec lequel il avoit contracté amitié pendant fes études : le priant de travailler de tout fon pouvoir à la delivrance du roi Richard. La reine Alienor mere de ce prince Epift. 144. 145. emploïa le même fecretaire pour écrire au pape en fon nom jusques à trois fois fur le même fujet. Dans ces lettres Pierre de Blois fait dire à la reine: Ce qui contriste l'église & ne nuit pas peu à vôtre reputation, c'est qu'en une occafion si pressante vous n'avez pas même envoïé un nonce à ces princes. Souvent pour des affaires mediocres vos cardinaux vont en legation, même chez les nations barbares; & pour celle-ci vous n'avez pas encore envoyé un foudiacre ou un acolyte. C'est qu'aujourd'hui l'interêt fait les legats, non l'honneur de Ep.145. l'église ou le falut du peuple. Et ailleurs : Qu'elle cxcuse peut couvrir vôtre negligence, puisque vous avez le pouvoir de délivrer mon fils fi vous en aviez la volonté ? Dieu ne vous a-til pas donné en la perfonne de S. Pierre le pouvoir de gouverner tous les roïaumes? Il n'y a ni duc, ni roi, ni empeEp.146. reur exemt de vôtre jurifdiction. Et encore : Vous direz que cette puiffance vous eft donnée sur les

Ep.144.

ames & non fur les corps. Soit: il nous fuffit que AN. 1193. vous liez les ames de ceux qui tiennent mon fils

en prifon il vous eft facile de le délivrer, pour

vû la crainte de Dieu chaffe la crainte des que

hommes.

ri.

XLII.

Cependant le roi Richard fachant que le siege Hubert archevêde Cantorberi étoit toûjours vacant, & n'efperant que de Cantorbeplus y faire transferer l'archevêque de Montreal Gervafp 1582. écrivit ainfi de fa prison à la reine fa mere: Nous vous mandons d'appeller nos jufticiers avec l'évêque de Londres & les autres fuffragans de Cantorberi; de vous rendre au plûtôt en perfonne à Cantorberi prés le prieur & les moines, & faire enforte que Hubert évêque de Sarisberi foit élû archevêque, s'il ne l'eft déja. Car nous fommes perfuadez que fa promotion fera agreable à Dieu & utile à la paix de nôtre roïaume & à nôtre délivrance. En confequence de cette lettre, la reine & l'archevêque de Rouen manderent aux moines de Radul. p. 669. Cantorberi de fe rendre à Londres le dimanche trentiéme de Mai, pour élire un archevêque. Ce qui fut executé: mais les moines, pour conferver leur prétendu droit de faire seuls l'élection, la firent dés le famedi, & les évêques le dimanche : enfin les uns & les autres élurent Hubert fuivant l'intention du roi. Hubert furnommé Vautier avoit été premierement doïen d'Yorc, puis évêque de Gerv. p. 1679. Sarisberi en 1189. à la recommandation principale- Goduin. de prafuli ment de Baudoüin archevêque de Cantorberi, qui l'aimoit uniquement. Dés qu'il fut élu archevêque il envoïa à Rome demander le pallium, & cepen

p. 118.

AN. 1193.

XLIII.

Le ro: Philippe

époule lugeburge

Rigord. p. 29. 36.37.

M. 48.49. So.

Aut. Aquicinct.

an. 1193.

dant pour fe mettre bien avec les moines de Can

torberi, il prit l'habit monaftique.

Le roi de France Philippe Augufte avoit perdu fa premiere femme Ifabelle de Hainaut morte le quinziéme de Mars 1190. dont il avoit un fils nommé Louis. Philippe voulant fe remarier envoïa Gefta. Inn III. Eftienne évêque de Noïon à Canut III. roi de Danemarc, lui demander fa fœur Ingeburge, que ce prince lui accorda volontiers, & la fit conduire en France par Pierre évêque de Rofchild avec une suite convenable. Le roi Philippe la reçût à Amiens où il l'attendoit; & ne pouvant fouffrir un plus long délai, il l'époufa le jour même qui étoit le famedi quatorziéme d'Aoust 1193. & le lendemain jour de l'Affomption de N. Dame il la fit couronner par Guillaume archevêque de Reims & ses suffragans, avec quantité de feigneurs de France. Mais pendant cette ceremonie le roi regardant la princeffe commença à en avoir horreur : il trembla, il pâlit & fut fi troublé qu'à peine put-il attendre la fin de l'action. On parla dés-lors de les féparer, fous pretexte de parenté: mais d'autres confeillerent au roi d'effaier à vaincre fon aversion. Il fit amener la reine à S. Maur prés de Paris, où elle prétendit qu'ils avoient confommé leur mariage : mais le roi n'en convenoit pas, & avoit un tel éloignement d'elle, qu'à peine pouvoit-il fouffrir qu'on en parlât en fa prefence: ce que l'on attribua à quelque malefice: car la princeffe étoit belle & vertueufe, & le roi l'avoit long temps defirée. Deux mois & trois semaines aprés ce mariage, il tint

n. 53.

un parlement à Compiegne avec les évêques & A N. 1193. les feigneurs de fon royaume, où prefidoit l'archevêque de Reims legat du faint fiege. Là se trouverent des témoins, qui affûrerent par ferment, qu'il y avoit parenté entre la défunte reine Ifabelle & Ingeburge; & cette parenté fe prenoit du chef de Charles le Bon comte de Flandres fils de faint Canut Sup. liv. LXVI. roi de Danemarc. Les prélats jugerent cette parenté fuffifante pour empêcher le mariage, & l'archevêque de Reims prononça la fentence, par laquelle il fut declaré nul. La reine ne favoit ce qui fe paffoit, parce qu'elle n'entendoit point le François, & ayant renvoyé les Danois qui l'avoient accompagnée, elle étoit demeurée prefque feule. Mais un interprete lui ayant fait entendre ce que l'on venoit de faire; elle fut extraordinairement furprise, & toute en pleurs s'écria comme elle put en François Male France, male France : & elle ajoûta : Rome, Rome. Voulant dire qu'elle appelloit au S. fiege. Le roi la quitta auffi-tôt, & la vouloit renvoyer en Danemarc; mais elle ne voulut pas y retourner, & demanda à s'enfermer dans un monastere; aimant mieux paffer le refte de fa vie en continence que de contracter un autre mariage; & le roi l'envoya dans une communauté de religieufes hors de fon royaume.

Elle fut gardée quelque tems à Cifoin abbaye de chanoines reguliers au diocese de Tournai, où l'évêque Eftienne ayant été la voir, il écrivit ainfi à Guillaume archevêque de Reims : Je plains le Epif. 1524 fort de cette princeffe, & je laiffe à Dieu l'évene

AN. 1194. ment de fa caufe. Car quel feroit le cœur fi dur qui ne fut touché de l'adverfité d'une jeune perfonne de fang royal, plus recommandable par fa vertu que par fa naiffance? Elle paffe les journées à prier, à lire, ou à travailler dans fes mains, & neconnoît point le jeu. Elle prie avec larmes depuis le matin jufques à midi, moins pour elle que pour le roi. Jamais elle n'eft affife dans fon oratoire, mais toûjours debout ou à genoux. La pauvreté l'oblige à vendre pour fubfifter le peu qu'elle a d'habits & de vaiffelle. Elle demande des alimens, & dit que vous étes fon unique refuge, & que depuis le commencement de fa difgrace vous l'avez nourrie & secouruë liberalement : foyez touché de fes larmes yous qui donnez fi abondamment à tant de pauvres.

XLIV.
Retour du roi
Fichard.
Gerv. p. 158.

Les députez de Hubert archeyêque de Cantorberi revinrent de Rome au mois d'octobre 1193. avec un nonce du pape qui lui apportoit le pallium. Hubert le reçut le feptiéme de Novembre, & fut intronifé le même jour. Quelque tems aprés il fut declaré regent du royaume à la place de l'archevêque de Rouen, qui alloit en Allemagne au devant du roi Richard delivré par l'empereur ; & ce prince étant enfin arrivé en Angleterre le douziéme de Mars 1194. Hubert vint audevant de lui prés de Cantorberi. Le roi defcendit de cheval & fe mit à genoux devant le prélat, qui en fit autant de fon côté, & ils s'embrafferent tendrement. Par le confeil des évêques le roi Richard resolut de se faire couronner folemnellement comme à un renouvellement de fon regne; ce qui fut executé à

Vincheftre

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