Imágenes de páginas
PDF
EPUB

AN. 11 95.

8.16.

une infigne victoire, qu'il remporta peu de tems aprés. La meffe étant finie, Hugues mena le roi derriere l'autel, pour lui parler avec plus de liberté; & s'étant assis auprés de lui, il lui dit : Ditesmoi comment va vôtre confcience, car vous êtes de mon diocese, & je rendrai compte de vous au jugement de Dieu. Le roi répondit: Ma confcience eft en affez bon état, fi ce n'est la jalousie qui me tourmente contre les ennemis de mon royaume, Que dites-vous? reprit Hugues d'un ton de reproche. N'oprimez-vous pas chaque jour les pauvres? n'affligez-vous pas les innocens? ne chargezvous pas votre peuple d'exactions, De plus, le bruit Court que vous avez violé la foi conjugale. Ces pechez vous paroiffent-ils legers? A ces paroles de l'évêque, le roi fut tellement épouvanté, qu'il n'ofa ouvrir la bouche; & le prélat ayant continué de lui faire une forte reprimande, il s'excufa humblement fur quelques articles, demanda pardon des autres & promit de s'en corriger. Enfuite il reprefenta au roi devant toute l'affemblée qu'étant pafteur il n'avoit pû confentir à la vexation de ses ouailles; & le roi reçût fa juftification, se tenant encore heureux, qu'il ne pouffật pas plus loin la correction. Quand il fut parti le roi fe tournant vers les fiens; dit : Si tous les évêques étoient tels les rois ni les feigneurs n'auroient aucun pouvoir

contre eux,

Le faint évêque défendit severement à ses archidiacres, & aux autres fuperieurs d'exiger des pecheurs des amendes pecuniaires ; & comme ils lui

representoient que les méchans craignoient plus la AN. 1195. perte de leur argent, que , que la honte de l'excommunication, il répondit : C'eft vôtre faute; vous negligez de leur faire accomplir leurs penitences, & n'avez foin que de leur faire payer les fommes qu'ils ont promises. Ils lui alleguerent l'exemple de faint Thomas de Cantorberi, qui en avoit ainfi ufé; & il leur répondit: Croyez-moi, ce n'eft pas ce qui l'a rendu faint. Il ôta entierement toutes les exactions, que ces predeceffeurs avoient introduites fous des prétextes fpecieux. Ils étoient convenus Roger. p. 734 avec le roi, de lui donner tous les ans un manteau fourré de martes Zibelines, à condition d'en lever le prix fur le peuple; & s'il y avoit de l'excedant le garder pour eux, comme pour la peine de la collecte, ce qui avoit paffé en coûtume depuis plufieurs années mais Hugues délivra fon diocefe de cette fervitude, moyennant mille marcs d'argent qu'il donna au roi.

:

. En faifant fa vifite dans les maifons religieufes de fon diocese l'an 1191.il vint à l'abbaye des filles Roger. p. 7121 de Godeftove, & étant entré dans l'églife pour faire fa priere, il vit au milieu du choeur devant l'autel un tombeau élevé, couvert de tapis de foye, & entouré de lampes & de cierges. Il demanda de qui c'étoit on lui dit que c'étoit la tombe de Rofemonde maîtreffe du roi Henri II. qui pour l'amour d'elle avoit fait de grands biens à cette églife. Hugues répondit : C'étoit une prostituée, ôtez-la d'ici & l'enterrez hors l'églifé avec les autres, de peur que la religion Chrétienne ne tourne

[ocr errors]

AN. 1195.

XLVIII.

'Auftriche.

7.675.

à mépris, & afin que les autres femmes apprennent par cet exemple à fuir la débanche & l'adultere. Et fon ordre fut executé.

Le pape Celestin avoit excommunié Leopold Punition du duc duc d'Auftriche, pour avoir pris le roi Richard, qui comme croifé, étoit fous la protection du faint Liege ; & en avoir exigé une groffe rançon, & pour fûreté des ôtages. Le duc témoigna vouloir satisfaire, & le pape écrivit ainfi à l'évêque de VeroRad. Dicet. ne fon légat: Nous voulons que vous preniez ferment du duc d'Austriche, qu'il obéïra en tout à nos ordres, puis vous lui commanderez de délivrer tous les ôtages du roi d'Angleterre, de le dér charger des conditions qu'il a exigées de lui, & de reftituer tout ce qu'il a reçû de fa rançon, & de fatisfaire entierement pour l'injure & le dommage qu'il lui a caufé. Alors vous lui donnerez l'abfolution, à lui & aux fiens, & leverez l'interdit jetté fur fes terres. Vous leur ordonnerez de plus, d'aller au plûtôt à la terre fainte & d'y faire le fervice de J. C. au tant de tems que le roi a été en prison. A faute de quoi, vous les remettrez dans l'excommunication. La lettre eft du fixiéme de Juin

Reger. p.748.

I194.

Le duc d'Auftriche aima mieux demeurer excommunié, à quoi on attribua les malheurs qui lui arriverent cette année. Toutes les villes de fon

duché furent brûlées fans qu'on en fçût la cause; le Danube en inonda une partie, ou plus de dix mille perfonnes furent noyées : il y eut pendant l'été une fechereffe extraordinaire ; & des

yers

vers confumerent les herbages; les plus nobles du AN. 1194. pays moururent de la maladie. Tous ces fleaux ne le toucherent point; & il jura qu'il feroit mourir les ôtages du roi d'Angleterre, s'il n'accomplissoit au plûtôt tout ce qu'il lui avoit promis. Mais la même année 1194. le lendemain de Noël jour de faint Eftienne, le duc d'Auftriche étant forti, fon cheval tomba fur lui & lui rompit le pied, en forte qu'il lui fallut couper ; & comme perfonne n'ofoit faire cette operation, il la fit lui-même aidé par un valet de chambre, mais fi mal qu'on defefpera de sa vie. Alors il fit appeller les évêques & les feigneurs qui étoient venus celebrer avec lui la fête, & demanda aux prélats l'absolution des cenfures portées contre lui par le pape. Tout le clergé lui répondit, qu'il ne feroit point abfous, s'il ne promettoit par ferment de fe foûmettre au jugement de l'église pour les faits dont il s'agiffoit, & fi les grands de fon du- 749ché ne faifoient avec lui le même ferment, & ne promettoient de l'accomplir pourlui fi la mort le prévenoit.

Ayant reçû l'absolution à ces conditions, il commanda de délivrer les ôtages du roi d'Angleterre, & lui remit l'argent qu'il lui devoit. Il mourut ainfi; mais le duc fon fucceffeur, s'oppofa avec quelques feigneurs à l'execution de fes ordres ; c'est Fourquoi le clergé ne permit point que fon corps fût enterré, & il demeura huit jours fans fepulture jufques à ce qu'on eût délivré tous les ôtages. On leur offrit même quatre mille marcs d'argent pour reporter en Angleterre, de ce qui avoit été payé de Tome XV,

Mmmm

AN. 1194.

XLVIII.

che de Jerufalem.

Papebr. to. 14.

p. LI.

la rançon : mais ils n'oferent s'en charger à caufe des perils du voyage.

Aprés Heraclius mort au fiege d'Acre en 1191. Monaco patriar on donna le titre de patriarche Latin de Jerufalem à Sulpice, qui ne le porta que trois ans ; & en 1194. on élut à fa place maître Michel doyen de l'églife de Paris. Le titre de Maître, qui fignifie Docteur & qui s'eft avili dans les deniers tems, étoit alors tres honorable, & se donnoit aux évêques mêmes Rigeard. p.37. & aux cardinaux. Michel furnommé de Corbeil

gibi not.

étoit un profeffeur celebre dans Paris, qui fut pre

mierement chanoine & chancelier de la cathedrale, puis doyen de l'église de Meaux, puis de Laon & enfin de Paris ; & comme le chapitre de Laon Ep. 158. al. 175. fe plaignoit qu'on le leur eût ôté, Eftienne abbé de fainte Genevieve & depuis évêque de Tournay leur écrivit pour les confoler, leur reprefentant que les églifes doivent exercer ce commerce charitable de fe donner l'un à l'autre leurs meilleurs fujets. Michel de Corbeil fut donc élû doyen de Paris en 1191. aprés la mort de Mathieu de Montmorenci; & il étoit renommé pour fa vertu & fa capacité, principalement dans la théologie. Il fut élû patriarche de Jerufalem le vingt-quatrième d'Avril 1194. mais quinze jours aprés le clergé de Sens l'élut pour fon archevêque du confentement du roi Philippe & de tout le peuple de la ville. Ce grand fiege étoit vaccant par le decés de Gui de Noyers mort le vingtiéme Decembre 1193. & Michel le tint fix ans.

Gall. Chr. to. i. 2.635.

A fa place on élût patriarche de Jerusalem un

« AnteriorContinuar »