poft. lib. senten. chent à soûtenir leurs propres pensées au préjudice An. 1159. de la verité. Son ouvrage cut le même succès que celui de Gratien. Pendant les siécles suivans ceux qui enseignerent la theologic ne prenoient point d'autre texte pour lire & pour expliquer à leurs écoliers que le livre des sentences ; & l'on compte jusques å deux cens quarante-quatre auteurs , qui y ont fait des commentaires, entre lesquels sont les plus fameux théologiens de chaque siécle. Le maître des sentences n'est pas toutefois regardé comme infaillible & on a marqué jusques à vingt-six articles sur lesquels il n'est pas suivi. On a austi de lui un commentaire sur les pseaumes & un sur les épîtres de S. Paul. Il est enterré à S. Marcel près de Paris , Maurice son successeur étoit né à Sulli sur la Loire, dont il prit le nom ; & d'archidiacre de Paris en fut fait évèque en 1160. Il tint ce siége trente-six ans. On connoît encore l'état des études de ce temslà par les écrits de Jcan de Sarisberi : ainsi nommé du diocése dans lequel il étoit né en Angleterre. Etant encore fort jeune , il vint étudier à Paris la seconde année après la mort de Henri I. roi d'AnSup. 1. LXVIII. . gleterre, gleterre , c'est-à-dire en 1137, il aprit les premiers élemens de la dialectique de Pierre Abailard, qui enseignoit alors sur la montagne de sainte Gene viéve avec grande réputation. Après la retraite Jo. Sarisb. Mer: d'Abailard , Jean s'attacha à Alberic de Reims , le plus fameux dialectitien & le plus opposé à la fecte des nominaux. Il étudioit en même tems sous un Anglois nommé Robert de Melun , à XXXV. Jcan de Sarisberi & ses écrits. 34. II. C. 10. cause qu'il y avoit enseigné ; & depuis évêque . d'Herford. Après avoir suivi deux ans ces deux maîtres , Jean de Sarisberi revint à la grammaire & l'étudia trois ans sous Guillaume de Conques. Il rcprit ensuite toutes ses études sous Richard l'évê que, homme universel dans toutes les sciences & plus folide qu'éloquent ; & il se remit particulierement à la rétorique. Il se fortifia dans ses études en inftruisant les enfans de quelques nobles , pour fournir à sa subsiftance : puis il lia amitié avec Adam Docteur Anglois grand Aristotelicien. Après avoir été détourné trois ans par la necessité d'enseigner , il revint étudier la logique & la theologie sous Gilbert de la Poirée , puis la theologie seule sous Robert Pullus & fous Simon de Poisli. Jean de Sarisberi passa environ douze ans en ces diverses études : c'eît-à-dire jusques en 1149. Dès sa jeunesse il étoit entré dans le clergé de 7o. Sarist. ep. xi Cantorberi ; & dans la suite il fut chapelain & fe- *.3.&c. cretaire de l'archevêque Thibaut, comme il paroît ses premieres lettres écrites au nom de ce prelat. Il composa alors un grand ouvrage qu'il intitula Policratique , ou des amusemens des courtisans & des vestiges des philosophes ; & il l'adressa. en 1159. au principal ministre de Henri II. roi d'An-p. 6. 693. gleterre , qui étoit avec ce prince au siége de Toulouse : c'est-à-dire au chancelier Thomas Bequet. En cet ouvrage , Jean de Sarilberi commence par décrire & blâmer les amusemens des grands : Ta- lib.i.c.4.s.com.co voir la chasse , le jeu, la musique, les bouffons, par ܪ II. C. IS. 19. les magiciens , les devins , les astrologues:où il paAN. 1159. roît qu'il croïoit lui-même un peu trop aux illu sions de ces imposteurs. Il parle fortement contre 111. c. 4.5. c. les Alarcurs ; & à cette occasion il dit qu'il est per mis de fatter les tirans , puisqu'il eft permis de les tuer. Or , ajoûte-t'il , il est non-seulemcut permis, mais juste de tuer un tiran ; parce que celui qui prend le glaive de sa propre autorité, merite de péVII. 6. 20. rir par le glaive ; & que celui qui ne poursuit pas l'ennemi public, péche contre soi-même & contre l'état. Il appure encore à la fin de son ouvrage sur cette dangereuse maxime , & prétend même l'appuïer par les autoritez de l'écriture & les exemples d'Aode,de Jahel & de Judith : toutefois il excepte ceux aufquels on est engagé par ferment, & ne permet en aucun cas d'emploïer le poison. Il dit prince reçoit de la main de l'église le glaive & la puissance coactive, & qu'il est le ministre du sacerdoce , pour exercer cette partie de la puissance , qui est indigne de la main des prêtres. D'où il conclut qu'il leur est inferieur ; & que le prêtre peut ôter au prince la puissance qu'il lui a donnée. On void par là le progrès qu'avoient fait les nouvelles maxi111. 6. 19: mes de Gregoire VII. L'auteur parle fortement contre l'ambition de ceax qui briguoient ouvertement les prélatures & de ceux qui obtenoient des priviléges pour fé foustraire à la jurisdiction de leurs superieurs lcgi times : c'eft-à-dire contre les exemptions ; & sans 7. u. blâmer le pape il dit qu'il n'est pas expedient à l'église d'accorder de ces graces. Il marque qu'en que le p. 477 AN. 1159. tre les moines & les autres religieux, il y avoit pas assez digerée : il y a peu de jultesse dans les raisonnemens & beaucoup d'affectation dans le stile. L'auteur ne paroît pas avoir fait d'attention à la difference des mours & des tems ; il parle de l'art & de la discipline militaire par exemple, & de l'ordre judiciaire comme s'il eût écrit du "1. 6. 2. 3. gr. tems des anciens Romains, ou que le monde n'eut point changé. Peu de tems après , c'est-à-dire la même année 1159. & la guerre de Toulouse durant encore, Jean de Sarisberi adressa au chancelier Thomas ; un autre ouvrage qu'il intitula Métalogique ; & qui est une apologie de la bonne dialectique & de la veritable éloquence contre un mauvais sophiste dont il cache le nom sous celui de Cor- Metal. I.e.s. nificius. Il fait le dénombrement des grands hom· mes que ce sophiste s'éforçoit de décrier : sçavoir Gilbert de la Poirée chancelier de l'église de Chartres & depuis évêque de Poitiers : Thierri, docteur fameux pour les arts : Guillaume de Con V. c. 13. 11. C. 19. III. 6. 2. ques dialecticien , Bernard de Chartres, Abailard, An. 1159. qu'il nomme le péripateticien Palatin à cause du licu de sa naissance , Anselme & Raoul de Laon : Alberic de Reims , Simon de Paris, Guillaume 21.6.4: de Champcaux. Mais il épargnoit Huges de saint Victor & Robert Pullus. L'auteur témoigne que de son tems la logique étoit fort recherchée, mais il se plaint que peu de gens l'étudioient comme m. c. 1. il faut ; & que plusieurs y passoient leur vie sans utilité. Il s'arrêtoient sur l'introduction de Porphyre , & enseignoient toute la logique dans le traité des universaux : d'autres s'arrêtoient sur la premiere categorie & y faisoient entrer toutes les autres. Ils subtilisoient sans fin sur les mots & sur W. c. 38. 18. les négations multipliées : ils vouloient traiter tou tes les questions imaginables , même les plus inutiles , & toûjours rencherir sur les docteurs précédens : se faire admirer de leurs disciples & embarasser leurs adversaires ; ce n'étoit qu'ostentation & vanité. L'auteur releve extrêmement l'usage des Topiques & l'étude des veritez probables : prétendant qu'il y a peu de demonftrations, & peu de veritcz certaines qui nous soient connuës. L'art de démontrer , dit-il, n’est presque plus en usage parmi nous , parce qu'il ne convient guere qu'à la geometrie , à laquelle on s'applique peu , n'est en Espagne & dans le voisinage de l'Afrique. Car ces nations entre les autres étudient la geoC. 27. metrie à cause de l'astronomie : de même l'Egipte & quelques peuples d'Arabie. Quoi qu'il soit grand admirateur fi ce |