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tes, que la religion n'étoit point attachée à la terre fainte, ni au temple : que les Juifs avoient toujours rejetté ceux que Dieu leur avoit envoyés pour les délivrer, & lui avoient toujours réfifté. Ce difcours les mit en fureur : ils le traînérent Sanhedr. c. VII. hors la ville, & le lapidérent. C'étoit le fupplice des blafphémateurs & des féducteurs.

Lev.XXIV.

Cod. Thalm.

n. 4.

Deut. XVII. 7.

Un des plus échauffés contre lui étoit un jeune-homme de Sanhedr. c. v. n. 4. Cilicie, nommé Saul. Il gardoit les manteaux des témoins, qui, fuivant la loi, jettoient les premiéres pierres contre celui qu'on lapidoit. S. Etienne en mourant fe mit à genoux, & cria à haute voix Seigneur, ne leur imputez point ce péché. Ce fut le premier martyr, c'eft-à-dire en grec témoin, parce qu'il fut le premier qui mourut pour le témoignage de la doctrine de Jefus-Chrift. Des hommes pieux l'enfévelirent,& firent un grand deuil pour lui, montrant ainfi qu'ils ne le tenoient pas pour Sanhedr. c. vi.n. condamné. Car ceux qui l'étoient légitimement, étoient privés de la fépulture de leurs ancêtres, & on ne faifoit point de deuil. On dit même que les fidèles gardérent des pierres dont S. Etienne avoit été lapidé.

5.6.

A&t. VIII. 2.

Aug. ferm. 32. de diverf. alias 323.

7.2.

Act. VIII. 1.

Cependant il y eut une grande perfécution contre l'église qui étoit à Jerufalem; & tous les fidèles fe difperférent par la Judée & la Samarie, hors les apôtres. Plufieurs toutefois fuXVI. 10. rent emprisonnés à Jérufalem plufieurs condamnés & exé

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VII.

Converfion de

Samarie.

cutés à mort, contre lefquels Saul dit fon avis comme les autres. Les princes des prêtres lui avoient donné pouvoir, en vertu duquel il en fit punir plufieurs par les fynagogues; les contrai gnant de blafphémer contre Jefus-Chrift. Il entroit dans les maifons, prenoit tout, hommes & femmes, & les mettoit en prifon. Les fidèles, difperfés à cette occafion, ne s'étendirent pas feulement dans la Palestine, mais dans la Phénicie, l'île de Chypre, & jufques à Antioche, & ce fut comme une femence répandue pour fructifier plus loin; car ils prêchoient par-tout l'évangile, ne l'annonçant toutefois encore qu'aux feuls Juifs. Un difciple nommé Ananias alla à Damas & y affembla une églife.

y

S. Philippe, le fecond des diacres, vint à Samarie, & prêcha Jelus-Chrift; car encore que les Samaritains fuffent regardés par les Juifs comme hérétiques, ils n'étoient point conAtt. vIII.5. ptés entre les Gentils. Ils avoient la circoncifion, & faifoient

profeffion d'adorer le vrai Dieu fuivant la loi de Moïfe. Les Samaritains écoutérent Philippe, voyant les grands miracles qu'il faifoit plufieurs furent baptifés, & la ville fut remplie de joie. Il y avoit à Samarie un nommé Simon, natif de Gitthon dans la même province. Il étoit magicien, fe difoit un grand perfonnage, & avoit long tems abufé le peuple de fes presti. Juftin. 2. Apolog. ges, enforte que tous l'écoutoient, & le nommoient la gran- p. 69.C.édit.1615. de vertu de Dieu. Il fe fit alors baptifer comme les autres, étonné des grands miracles qu'il voyoit. Les apôtres qui étoient à Jérufalem, ayant appris que Samarie avoit reçu l'évangile, y envoyérent S. Pierre & S. Jean, qui étant arrivés priérent pour eux & leur impoférent les mains, afin qu'ils reçuffent le faint Efprit; car ils n'étoient encore que baptifés.

Simon le magicien voyant que par l'impofition des mains des apôtres on recevoit le faint Elprit, qui fe rendoit alors fenfible, par le don des langues, des guérifons & des au tres miracles: Simon, voyant ces merveilles, offrit de l'argent aux apôtres, & leur dit: Donnez-moi auffi ce pouvoir, que tous ceux à qui j'imposerai les mains reçoivent le faint Elprit. S. Pierre lui dit : Que ton argent périffe avec toi, puifque tu crois pouvoir acheter le don de Dieu; & l'exhorta à faire pénitence. Mais Simon ne fe convertit point; au contraire, il abufa du nom de Jefus Chrift pour faire une fecte particulière : il fut le plus grand adverfaire des apôtres, & le premier auteur

d'héréfie.

Il difoit qu'il étoit la fouveraine puiffance, qui fouffroit d'être nommée comme les hommes vouloient; qu'il avoit paru entre les Juifs comme Fils, à Samarie comme Pere, chez les autres nations comme faint Efprit. Il menoit avec lui une femme nommée Hélène, ou Sélène, c'est-à dire lune, qu'il avoit achetée à Tyr, où elle étoit efclave proftituée. Il la nommoit la premiére conception de fon efprit, la mere de toutes chofes, par qui il avoit fait les anges & les archanges. Il difoit que cette penfée fortant de lui, & connoiffant fes volontés, étoit defcendue en bas, & avoit engendré les anges & les puiffances, qui avoient fait le monde; qu'ils avoient arrêté leur mere par envie, ne voulant pas que l'on crût qu'ils euflent été produits par un autre. Car pour lui, qui étoit le pere, ils ne le connoiffoient point du tout. La penfée étant ainsi dé

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Orig. contra Celf. lib. v1. p. 282.

tenue par les anges, ils lui avoient fait fouffrir toutes fortes d'affronts, pour l'empêcher de remonter à fon pere: ils l'avoient enfermée dans un corps, enforte que de fiécle en fiécle elle avoit paflé, comme d'un vaiffeau à l'autre, dans le corps de diverfes femmes. Elle étoit la belle Hélène, caufe de la guerre de Troie. Le poëte Stéficore avoit perdu la vue pour avoir médit d'elle : & l'avoit recouvrée quand il s'étoit repenti, chantant à fa louange la fameufe palinodie. Paffant de corps en corps, elle avoit été enfin réduite à cette infamie d'être expofée dans un lieu de débauche. C'étoit la brebis égarée, pour laquelle il difoit qu'il étoit venu, afin de la délivrer la premiére, & enfuite fauver les hommes, fe faifant connoî

tre à eux.

Car, difoit-il, comme j'ai vu que les anges gouvernoient mal le monde, & que chacun d'eux vouloit être le premier, je fuis venu tout corriger, & je fuis defcendu fous la figure des vertus, des puiffances & des anges : j'ai même paru homme entre les hommes, fans être homme : & j'ai paru fouffrir en Judée, fans fouffrir en effet. Les prophètes, ajoûtoit-il, ont été infpirés par les anges auteurs du monde : c'eft pourquoi ceux qui croient en moi & en Sélène, ne doivent plus s'y arrêter. Ils doivent faire ce qu'ils veulent, comme étant libres. Car les hommes font fauvés par ma grace, & non par les bonnes œuvres, puifqu'il n'y a point d'oeuvres qui foient bonnes naturellement, mais feulement par accident, & par l'inftitution des anges qui ont fait le monde, & qui ont donné aux hommes des préceptes, pour les réduire en fervitude. C'est pourquoi je détruirai le monde, & je délivrerai les miens de la fervitude de ceux qui l'ont fait.

Telle fut la doctrine de Simon le magicien. Pour s'attirer plus de fectateurs, en les délivrant du péril de mort, auquel les chrétiens s'expofoient, il leur enfeigna d'être indifférens pour l'idolâtrie. Ils l'adorérent lui-même fous la figure de Jupiter & Sélène fous la figure de Minerve. Leurs prêtres vivoient dans la débauche, s'appliquoient à la magie, aux enchantemens, aux charmes pour donner de l'amour, à l'explication des fonges, & à toutes les vaines curiofités. Cette fecte ne fut point perfécutée, & toutefois elle ne paroiffoit plus en aucun lieu du monde deux cens ans après.

Vers

Apollonius de

Philoft, vita A

Vers ce même tems, fur la fin du règne de Tibére, ou au Thyane. commencement du règne de Caligula, il vint à Antioche un autre fameux impofteur, nommé Appollonius, que les païens poll.lib.1.cap.3.4. n'ont pas eu honte d'oppofer aux apôtres, & à Jefus-Chrift même. Il étoit né à Thyane en Cappadoce, d'une famille ancienne & de parens riches. Il avoit un grand efprit naturel, une excellente mémoire, parloit très-bien grec, & étoit fi beau qu'il attiroit les yeux de tout le monde. A quatorze ans fon pere l'envoya à Tarfe en Cilicie, pour étudier la rhétorique. Mais il s'appliqua à la philofophie, & choifit la secte de Pythagore, dont il commença à faire profeffion à l'âge de feize ans. Il renonça aux viandes animées, comme n'étant pas pures & épaiffiffant l'efprit, & ne fe nourriffoit que d'her. bes & de légumes. Il ne condamnoit pas le vin ; & toutefois il s'en abftenoit,comme capable de troubler la férénité de l'ame. Il marchoit nuds pieds fans fandales, & ne s'habilloit que de lin, pour ne rien porter qui vînt des animaux. Il laiffoit croître fes cheveux, & vivoit dans le temple d'Efculape, faifant croire qu'il étoit fon favori, & que ce dieu guériffoit volontiers les malades en fa préfence. On venoit de tous côtés voir ce jeune homme.

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Il parut défintéreffé en donnant la moitié de fon bien à fon frere aîné, & diftribuant la plus grande partie de l'autre moitié à ceux de fes parens qui en avoient befoin; enforte qu'il en garda peu pour lui. Il renonça au mariage, & fit profeffion de vivre en continence; toutefois il ne put éviter d'être acculé de quelque amour déshonnête. Pendant cinq ans il garda le filence; mais ce n'étoit pas pour fe cacher. Il ne laiffa pas de converfer avec les hommes, & de fe promener dans la Pamphilie & la Cilicie. En cet état il appaifoit des féditions, en fe montrant feulement au peuple : il parloit par fignes, & au befoin il écrivoit quelques mots.

Ce fut après ces cinq ans de filence qu'il vint à Antioche, & commença à parler dans les lieux où il jugeoit les hommes les plus raitonnables, méprifant les autres. Son ftyle n'étoit ni d'une élévation poëtique, ni d'une politeffe trop affectée. Il n'ufoit ni d'ironie, ni de détours pour furprendre les auditeurs, comme Socrate avoit fait. Mais il parloit décifivement en ces termes : Je fçais, il me femble,il faut fçavoir. Ses fentonces qu'il prononçoit comme autant d'oracles, étoient courtes & folides: les mots propres & fignificatifs. Je ne cherche pas com Tome I.

B

X.

Converfion de l'Eunuque Ethiopien.

me les autres philofophes, difoit-il. J'ai cherché étant jeune ; il n'est plus tems de chercher, mais d'enfeigner : le fage doit parler comme un légiflateur, qui ordonne aux autres ce dont il s'eft perfuadé lui-même. C'est ainsi qu'Apollonius fe conduifit à Antioche: & par ces maniéres il attiroit les hommes. même les plus éloignés des fciences. Ayant remarqué combien la vanité des philofophes les avoir rendus méprifables, il le prenoit d'un ton plus haut, & faifoit l'homme infpiré & chéri des dieux, traitant férieufement les religions reçues du peuple idolâtre.

Il fit enfuite un grand voyage pour converfer avec les Brachmanes des Indes, & voir en paffant les Mages des Perfes. A Ninive un nommé Damis s'attacha à lui, & le fuivit partout, écrivant jufques aux moindres particularités de fes actions & de fes paroles. Mais de ces relations il ne nous refte que ce qu'en a recueilli le Sophifte Philofirate, qui vivoit deux cens ans après: & il n'y a qu'à lire, pour voir combien cette hiftoire eft fabuleuse, & éloignée de la gravité de l'évangile. Les apôtres, après avoir inftruit Samarie, retournérent à Jérufalem, annonçant l'évangile dans tout le pays des Samaritains. Mais le diacre S. Philippe reçut un ordre de Dieu, par un ange, d'aller vers le midi au chemin de Gafa, ville autrefois illuftre, & alors déferte, depuis qu'Alexandre le grand l'avoit ruinée. Philippe y trouva un eunuque, tréforier de Candace, reine d'Ethiopie, qui s'en retournoit de Jérufalem, où il étoit venu adorer Dieu, étant apparemment Juif profélyte. Philippe s'approcha de lui, & prenant occafion d'un paffage Iren. lib. 111. du prophète Ifaïe, que l'eunuque lifoit fans l'entendre, il l'inftruifit de la foi de Jefus-Chrift, & l'ayant perfuadé le baptifa. L'eunuque continua fon chemin, plein de joie, & étant arrivé en Ethiopie, il y prêcha l'évangile de Jefus-Chrift comme il l'avoit appris. Cependant l'efprit de Dieu enleva Philippe ; il fe trouva à Azot, & de-là paffa jufques à Cefarée, prêchant l'évangile dans toutes les villes.

Act. VIII. 25. Strabon L. 16.p. 759. C.

e.

12.p.265. D. & lib. av.c.40. p. 379.

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Saul continuoit de perfécuter les difciples de Jefus-Chrift, ne refpirant que les menaces & le fang. Il étoit de la tribu de Benjamin, né à Tharfe ville métropole de Cilicie, où il avoit s'inftruire des sciences des Grecs, qui s'y enfeignoient pu comme à Alexandrie & à Athènes. Il étoit venu à Jérufalem s'inftruire de fa loi & des traditions des Juifs fous le docteur Gamaliel; il fuivoit la fecte des pharifiens, & étoit zèlé pour

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