Imágenes de páginas
PDF
EPUB

101.1 C.

A.

on leur ôta leurs fynagogues: une partie furent a battues ou brûlees; dans les autres on mit des ftatues de l'empereur CaPhil. de leg. p. ligula, qui avoit la folie de fe faire adorer comme un dieu. Flaccus publia enfuite une ordonnance par laquelle il les déclara étrangers, quoiqu'ils fuffent citoyens & avec les mêmes priviléges qu'à Anthioche; & quoiqu'ils fuffent en fi grand nombre , que dans Alexandrie & le refte de l'Egypte ils étoient bien un million. Enfin il permit à tout le monde de traiter les Juifs comme des captifs pris en guerre.

Alexandrie étoit divifée en cinq quartiers, qui portoient le nom des premiéres lettres de l'alphabet. Il y en avoit deux particuliérement attribuées aux Juifs. On les réduifit à une petite partie d'un feul quartier. Enforte que plufieurs, n'y pouvant trouver place, étoient réduits à errer fur le bord de la mer dans les tombeaux & les fumiers, étant dépouillés de tout. Cependant les Gentils pilloient leurs maifons, enfonçoient leurs boutiques, enlevoient les marchandifes, & les In Flacc. p. 973. partageoient en plein marché, & les Juifs ne pouvoient plus exercer leur commerce ni leurs métiers. Les Gentils pafférent plus avant. Ils tuérent & brûlérent grand nombre de Juifs, & traînérent leurs corps par la ville. Flaccus fit fouetter cruellement plufieurs de leurs fénateurs; & fous prétexte de défarmer la nation, il fit fouiller les maifons, & en tira plufieurs femmes qu'il faifoit tourmenter, quand elles refufoient de manger de la chair de porc. C'eft ainfi que la vengeance divine commençoit à éclater contre les Juifs.

Ibid. p. 971. C,

Phil, de leg. P 1016. A.

Ces cruautés fervoient de divertiffement public pour la fête de l'empereur: & les Alexandrins prétendoient lui faire leur cour en traitant ainfi les Juifs, qui ne vouloient pas le reconnoître pour un dieu, quoiqu'ils lui euffent rendu tous les hon. neurs que leur loi permettoit de rendre à un homme. On lui envoyoit des relations de ce qui s'étoit paffé chaque jour à l'occafion des fynagogues, & l'empereur ne lut jamais avec tant de plaifir ni poëme ni hiftoire. Ce qui n'empêcha pas que la même année il ne fit arrêter Flaccus, contre lequel il Phil. in Flae. p, étoit irrité depuis long-tems. Il l'envoya en exil, & le fit mourir peu de tems après.

981.

XVI.
Fin d'Hérode An-

Agrippa, arrivant en Palestine, furprit tout le monde par le tipas, & de Pilate. changement de fortune. Il en étoit parti miférable & acca-. blé de dettes, & revenoit avec le nom de roi & le diadême. Sa fœur Hérodiade en fut la plus touchée, & en conçut

c. 9. bell. 11. c. 8.

çut une jaloufie extrême. Elle reprochoit à fon mari Antipas, Jof. Antiq.xvIII. que s'il eût eu du courage, & s'il eût voulu aller trouver l'empereur, il auroit bien plus facilement obtenu le titre de roi, étant déja tétrarque, que fon neveu, qui n'étoit que fimple particulier. Hérode, après avoir réfifté quelque tems, céda enfin aux importunités de fa femme, & entreprit le voyage: mais Agrippa envoya après lui Fortuna fon affranchi, qui arriva en Italie auffi-tôt qu'Hérode. L'empereur étoit à Baïe. Hérode Antipas le falua le premier. Incontinent après il reçut les lettres d'Agrippa, qui accufoit Antipas d'avoir confpiré contre l'empereur Tibére avec Séjan, & d'être alors d'intelligence avec Artaban roi des Parthes; la preuve étoit, que dans fes magafins il avoit des armes pour 70 mille hommes. L'empereur en fut ému, & lui demanda s'il étoit vrai qu'il eût cette provifion d'armes. Antipas ne le put nier : & l'empereur le tenant pour convaincu de rebellion, donna fa tétrarchie à Agrippa, dont il accrut le royaume. Il lui donna aufsi les biens d'Antipas & d'Hérodiade, & relégua Antipas pour toujours à Lyon en Gaule, où fa femme Herodiade le fuivit. De-là ils s'enfuirent en Espagne, & y périrent. Telle fut la fin d'Hérode Antipas, qui avoit fait mourir S. Jean-Baptiste, & traité Jefus-Chrift avec mépris. Il régna quarante-deux ans entiers depuis la mort du vieil Hérode fon pere, jusques à cette troifiéme année de Caligula, 39 de Jesus-Chrift. Pilate qui avoit été condamné dès le commencement du règne de Caligula, & envoyé en exil à Vienne fur le Rône, y mourut cette même année 39 de J. C. s'étant tué de défespoir. Cependant Saint Pierre étoit toujours à Joppé, logé chez Simon le corroyeur. Un jour il monta au haut de la maifon pour prier à l'heure de fexte, c'est-à-dire à midi, tandis qu'on lui préparoit à manger. Il fut ravi en extafe, & eut une vifion, où il lui fut commandé de manger indifféremment de toutes fortes de viandes, fans diftinguer les animaux immondes marqués par la loi. Comme il fongeoit à ce que fignifioit cette vifion, l'efprit de Dieu lui dit : Voilà trois hommes qui te cherchent, va avec eux fans héfiter. En effet dans le moment arrivérent trois hommes envoyés par un Romain nommé Corneille, centurion d'une cohorte, qui demeuroit à Céfarée. Il craignoit Dieu, faifoit de grandes aumônes, & étoit toujours en prières, Un ange lui apparut, & lui ordonna d'envoyer querir Simon-Pierre à Joppé.

Tome I.

C

7.

Euf. 11. hift. c.

XVII. Converfion du

Centenier Cor

neille.

A& x. 9.

Jof. 111. bel. c. 28. p. 854. C.

A&t. XI.

Act. XI. 16. A&t. 1. 5.

S. Pierre fe mit en chemin avec fix des freres, & fuivit les gens de Corneille, qui de fon côté l'attendoit, avec fes parens & ses amis affemblés. S. Pierre leur dit: Vous fçavez l'horreur qu'ont les Juifs d'entrer chez un étranger; mais Dieu m'a fait connoître qu'il ne faut tenir perfonne pour immonde. Je demande donc pourquoi vous m'avez fait venir. Corneille lui raconta la vifion, & S. Pierre commença à les inftruire du mystére de Jesus-Chrift, rendant témoignage de fa résurrection. Il parloit encore, quand le faint Efprit tomba fur tous ceux qui l'écoutoient; enforte qu'ils parloient diverses langues, & glorifioient Dieu. Les fidèles circoncis qui étoient venus avec S. Pierre, furent furpris de voir la grace du S. Esprit répandue fur les Gentils ; & S. Pierre dit: Peut on refuser l'eau à ces gens, qui ont reçu le faint Efprit comme nous ? & il les fit baptifer. Tel fut le commencement de la converfion des Gentils; & on dit que Corneille fut depuis évêque de Céfarée, qui étoit alors la plus grande ville de Judée, & dont la plupart des habitans étoient Grecs.

S. Pierre étant retourné à Jérufalem, les fidèles circoncis Epiph. har. 2.8. eurent avec lui quelque conteftation fur ce fujet, lui demandant pourquoi il étoit entré chez des incirconcis, & avoit mangé avec eux. On dit que Cérinthe l'héréfiarque étoit le principal auteur de cette difpute. S. Pierre leur raconta tout ce qui s'étoit paffé, & comme le S. Efprit étoit tombé fur Corneille & fa compagnie, tandis qu'il leur parloit. Alors, ditil, je me fuis reffouvenu de cette parole du Seigneur : Jean a baptifé d'eau, mais vous ferez baptifés du S. Efprit. Si donc Dieu leur a fait la même grace qu'à vous, qui étois-je pour l'empêcher? Les fidèles ayant oui ces paroles, se turent & glorifiérent Dieu, difant avec étonnement: Quoi donc, Dieu a auffi accordé aux Gentils la pénitence pour la vie éternelle! Act. x1. 19. Ceux qui avoient été dispersés à la mort de S. Etienne allérent jufques à Antioche. Il y avoit entr'eux des Cypriens & des Cyrénéens, qui parlérent aux Helléniftes, & leur annoncérent Jefus-Chrift, & il s'en convertit un grand nombre.

XVIII.

adoré des Juifs.

A Jamnia ville maritime de Palestine près de Joppé, il y Caligula veut être avoit des étrangers mêlés avec les Juifs: qui ayant appris que l'empereur Caligula avoit la folle paffion de fe faire adorer comme un dieu, drefférent en fon honneur un autel de terre Phil, de leg. p. faire dépit aux Juifs. Les Juifs renverférent auffi-tôt cet autel, comme une profanation de la terre fainte; & leurs ennemis

102.

, pour

s'en plaignirent à Capiton receveur des impôts, qui en écrivit à l'empereur, exagérant la chofe, tant pour prévenir les accufations, qu'il craignoit à caufe de fes concuffions, que pour en prendre occafion de piller les Juifs de nouveau. L'empereur ayant reçu cet avis, le communiqua à fes domeftiques les plus familiers, entr'autres à Hélicon & à Apelles. Celui-ci, natif d'Afcalon en Palestine, avoit été acteur de tragédie, après avoir fait en fa jeuneffe un métier encore plus infame. Hélicon étoit un Egyptien d'Alexandrie, qui, étant efclave, avoit été donné à Tibére: il avoit de l'efprit & de la littérature, étoit bouffon & flatteur: & comme premier valet de chambre de Caligula, il avoit le plus de commodité de lui parler à toutes heures, & s'appliquoit à lui infpirer la haine des Juifs, par des railleries qui fembloient n'avoir pour but que de divertir ce jeune prince. Caligula, pouffé par ces confidens, écrivit qu'au lieu de l'autel de terre abattu à Jamnia, on mît un coloffe doré à Jérufalem dans le temple: & que le gouverneur de Syrie fît venir en Judée la moitié de l'armée qui gardoit les paffages de l'Eufrate contre les irruptions des rois d'Orient, pour ef corter la ftatue & prêter main forte à fa confécration.

& vint

pren

P. 1016. B.

Strab. liv. 17.

c. 11. bel. 11. 9.

Ce gouverneur étoit Pétrone, chevalier Romain, homme de réputation pour la guerre, que Caligula venoit d'envoyer en Syrie à la place de Vitellius. Ayant reçu cette ordre, il fe mit en devoir de l'exécuter. Il affembla le plus qu'il put de Jof. xvIII. Antiq. troupes auxiliaires, avec deux légions Romaines, dre fon quartier d'hyver à Ptolemaïde ville maritime entre Tyr & Céfarée. La plufieurs milliers de Juifs vinrent le trouver, & le fuppliérent de ne les forcer à rien de contraire à leurs loix; ou s'il avoit abfolument réfolu d'ériger la statue, de les faire mourir auparavant. Pétrone en colére leur dit : Si j'étois l'empereur, & fi j'agiffois de mon mouvement, Vous auriez raifon de me parler ainfi; mais j'ai un ordre de Céfar, à qui on ne défobéit pas impunément. Les Juifs répondirent: Comme vous êtes réfolu de ne point manquer aux ordres de l'empereur, nous fommes auffi réfolus de ne point violer notre loi. Nous nous confions en la puiffance de notre Dieu, & nous ne ferons pas fi malheureux, que la crainte de la mort nous faffe tomber dans fa difgrace. Vous voyez bien vousmême qu'il doit être préféré à Caïus.

Pétrone ayant compris par ces difcours qu'il feroit difficile de leur faire clianger de fentimens, & d'ériger la ftatue, fans ré

Jofeph. 11. Bell.

6.17.

pandre bien du fang, prit fes amis & fes domestiques, & alla de Ptolémaide à Tibériade fur le lac de Galilée, pour obferver les Juifs de plus près. Cependant il faifoit travailler à la ftatue à Sidon, où il avoit fait venir les ouvriers les plus excellens. Grand nombre de Juifs vinrent encore le trouver à Tibériade, & le fuppliérent de ne les pas réduire au défefpoir, en profanant leur ville par une ftatue. Pétrone leur dit : Ferez-vous donc la guerre à Céfar, fans confidérer la puiffanni votre foibleffe? Les Juifs répondirent: Non, nous ne lui ferons point la guerre, mais nous mourrons plutôt que violer nos loix; & fe couchant fur le vifage, ils découvroient leur col, comme prêts à fe faire égorger. Cela dura quarante jours, pendant le tems des femailles, & ils négligeoient leurs travaux. Alors Ariftobule, frere du roi Agrippa, & plufieurs autres des premiers de la nation, exhortérent Pétrone à ne pas poufferce peuple à l'extrémité.

ce,

de

Il fuivit leur confeil, retira fes troupes de Ptolémaïde, & retourna à Antioche, d'où il écrivit à l'empereur : Que s'il ne vouloit perdre le pays & les habitans, il ne falloit pas preffer l'exécution de fes ordres qu'il falloit du tems aux ouvriers Phil. leg. p. 1028. Pour achever la ftatue, parce que l'on vouloit faire un ouvra

Id.p. 1028.

XIX. Députation

drie.

ge immortel, qui ne cédât en rien aux plus fameux originaux: que fi on mettoit les Juifs au défefpoir, il étoit à craindre qu'ils n'abandonnaffent la culture des terres, & ne brûlaffent euxmêmes leurs arbres & leurs moiffons. Or il y avoit une raison particuliére de conferver les fruits de cette année, parce que l'empereur devoit venir à Alexandrie par la Syrie. Caligula ne goûta point cette lettre, & fe mit en grande colére contrePétrone; mais il diffimula, parce qu'il craignoit les gouverneurs des grandes provinces, principalement ceux qui commandoient des armées, comme il y en avoit en Syrie vers l'Eufrate. Il écrivit donc à Pétrone, louant fa prudence, & toutefois lui ordonnant que fon plus grand foin fût de faire promptement pofer la ftatue.

Cependant les Juifs d'Alexandrie avoient envoyé des députés à Rome, pour fe plaindre des mauvais traitemens qu'ilsavoient foufdes Juifs d'Alexan- ferts. Les députés étoient cinq, & avoient pour chef Philon, fça. vant même dans les livres des Grecs & dans leur philofophie. Les Grecs d'Alexandrie envoyérent auffi des députés,dont le chef étoit Appion, grammairien, grand ennemi des Juifs. Il les chargeoit. de plufieurs calomnies, & les accufoit de ne pas donner à l'em

Jof. xvi11. Antiq. c. 10.

« AnteriorContinuar »