me bien fait, riche, noble, & des premiers de la ville, elle renonça à fes nôces, pour embraffer la virginité. Son époux irrité l'accufa, & la fit condamner à être expofée aux bêtes qui l'épargnérent, entr'autres des lions. On dit qu'elle fut auffi délivrée miraculeufement du feu ; & elle eft comptée pour la premiére martyre de fon fexe. Les apôtres fouffrirent beaucoup à Icone, car la ville se trouva divifée: les uns étoient pour eux, les autres étoient pour les Juifs. Ils reçurent plufieurs affronts: ils furent pourfuivis à coups de pierres : enfin ils fe retirérent en Lycaonie, & prêchérent l'évangile à Lyftres, à Derbes, & par-tout aux environs. A Lyftres S. Paul guérit un homme boiteux de naiffance. Le peuple idolâtre s'écria en fa langue lycaonienne : Les dieux font venus à nous en forme d'hommes. Ils nommoient S. Barnabé Jupiter, & S. Paul Mercure, parce qu'il portoit la parole. Le facrificateur d'un temple de Jupiter qui étoit devant la ville, fit amener des taureaux ornés de couronnes de fleurs, & vouloit facrifier. Les apôtres l'ayant appris déchirérent leurs habits, & fe jettérent au milieu de la foule, en criant: Que faites-vous, mes amis? Nous fommes des hommes comme vous, qui venons vous prêcher de quitter ces vaines fuperftitions, pour vous convertir au Dieù vivant, qui a fait le ciel & la terre. Après qu'ils les eurent arrêtés avec bien de la peine, il furvint des Juifs d'Antioche & d'Icone, qui perfuadérent au peuple que les apôtres n'étoient que des impofteurs; enforte qu'ils accablérent S. Paul de pierres, & le traînérent hors la ville, le croyant mort. Les difciples l'environnérent & le ramenérent dans la ville d'où il s'en alla le lendemain à Derbes avec S. Barnabé. Après y avoir inftruit quelques perfonnes, ils revinrent à Lyftres, à Icone & à Antioche de Pifidie, fortifiant les difciples dans la foi & dans la patience. Ils établirent en chaque église des prêtres; & ayant fait des prières & des jeûnes, ils les recommandérent à Dieu. Enfuite ils traverférent la Pifidie, vinrent en Pamphilie, & prêchérent à Perge: puis ils defcendirent à Attalie, où ils s'embarquérent, & fe rendirent à la grande Antioche de Syrie, d'où ils étoient partis, ayant accompli l'œuvre de Dieu, qui leur avoit été confié. Etant arrivés, ils affemblérent l'églife, & firent leur rapport des grandes chofes que Dieu avoit fait avec eux, & comme il avoit ouvert aux Gentils la porte de la foi. Ils demeurérent un tems con fidérable à Antioche. On croit que ce fut vers ce tems-là que S. Paul alla prêcher l'évangile à ceux qui n'avoient point encore oui parler de Jesus-Christ, & jufques en Illyrie. Cufpius Fadus, gouverneur de Judée, voulut, fuivant un ordre de l'empereur, obliger les pontifes des Juifs, & les & les principaux de Jérufalem à remettre les habits facrés du fouverain pontife dans la fortereffe Antonia fous la garde des Romains, comme ils y avoient été avant le gouvernement de Vitellius. Les Juifs priérent qu'il leur fût permis d'envoyer des députés à l'empereur, & l'obtinrent en donnant des ôtages. Leurs députés furent présentés par le jeune Agrippa : l'empereur accorda à fes priéres ce qu'ils demandoient, & en écrivit à Fadus & aux magiftrats des Juifs. La date de la lettre marque l'an quarantecinquiéme de Jefus-Chrift. Hérode, roi de Calcide, & oncle du jeune Agrippa, demanda à l'empereur l'autorité fur le temple & fur les tréfors facrés, & le droit d'établir les pontifes. Il l'obtint, & conferva ce droit dans fa famille, jufques à la fin. Il ôta la dignité de fouverain pontife à Canthera, & la donna à Jofeph, fils de Canée, ou Camyde: puis il l'ôta à celui-ci, & la donna à Ananias fils de Nébédée: ce roi mourut la huitiéme année de l'empereur Claude, quarante-huitiéme de Jefus-Chrift. A Cufpius Fadus fuccéda Tibere-Alexandre, fils d'Alexandre frere de Philon, & le plus riche de tous les Juifs. Tibere renonça à la religion de fes peres. Après la mort d'Hérode, roi de Calcide, l'empereur Claude donna fon royaume à fon neveu Agrippa, l'an quarante-neuf de Jefus-Chrift; mais pour la Judée, où Agrippa le pere avoit régné, elle étoit gouvernée par Ventidius Cumanus, qui avoit fuccédé à Tibere-Alexandte. Ce fut fous lui que les Juifs commencérent à fe révolter. A la fête de Pâque, Cumanus craignant quelque tumulte mit une cohorte fous les armes dans les galeries du temple, comme les gouverneurs précédens avoient accoutumé de faire aux jours folemnels. Le quatrième jour de la fête, un foldat, relevant fa tunique, & accroupi d'une maniére indécente, tourna le derrière aux Juifs, avec des paroles auffi infolentes que la posture. A cette vue tout le peuple s'émut. Ils crioient que ce n'étoit pas à eux que l'on infultoit, mais à Dieu même. Quelques-uns s'en prenoient à Cumanus, & lui difoient des injures. Les plus emportés fe mirent à jetter Rom. XV. 19 X X X I. Etat de la Judée. Jof. xx. antiq. c. 1. C Jof. xx. "antiq. c. 3. Jof. xx. antiq. . 3. 4. D. 1. Bell. c. 20. F. 794. XXXII. Premier conci le à Jérufalem. A&t. xv. Epiph. hæref. 28. 2. 2. Philaftr. de hæref. c. 8. Gal. v. Gal. IK des pierres aux foldats. Cumanus n'ayant pu les appaifer, fit ve nir toutes les troupes en armes dans la citadelle Antonia,qui commandoit le temple. La populace effrayée se mit à fuir : & croyant avoir les ennemis à leurs talons, ils fe prefférent tellement dans les iffues du temple, qui étoient étroites, que plufieurs furent étouffés. On compta jufqu'à vingt mille perfonnes qui périrent en cette occafion: la fête fut tournée en deuil; on quitta les facrifices & les prières, pour s'abandonner aux larmes & aux gémiffemens. Ce défordre n'étoit pas appaifé, qu'il en furvint un autre. Quelques féditieux rencontrérent fur le grand chemin de Jérufalem un esclave de Céfar nommé Eftienne. Ils le volérent, & lui ôtérent tout ce qu'il avoit. Cumanus envoya auffitôt piller les bourgades voifines, & lui amener prifonniers les principaux habitans. Dans ce pillage, un foldat ayant trouvé les livres de Moïfe, les déchira publiquement & les jetta au feu, difant plufieurs paroles infolentes contre la loi & la nation. Les Juifs auffi irrités que fi tout le pays eût été en feu, allérent en grand nombre à Césarée où étoit alors Cumanus, lui demander justice; & lui, du confeil de fes amis, craignant une révolte entiére, fit couper la tête au foldat: ainfi le tumulte fut appaisé. fa Cependant quelques-uns des freres vinrent de Judée à Antioche, & y excitérent un trouble confidérable, difant que les fidèles ne pouvoient être fauvés fans la circoncifion. Čérinthe, faux frere & faux apôtre, étoit le chef de fa sédition, & vouloit obliger les fidèles, non feulement à la circoncifion, mais à toutes les obfervances de la loi mofaïque. S. Paul & S. Barnabé s'y oppofoient, difant que Jefus-Chrift étoit venu affranchir les fiens de cette fervitude, & que grace ne ferviroit de rien à ceux qui regarderoient la circoncifion comme nécessaire. On résolut qu'ils iroient à Jérusalem confulter les apôtres & les prêtres fur cette queftion. Ils prirent Tite avec eux, & traverférent la Phénicie & la Samarie, racontant la converfion des Gentils, qui donnoit une grande joie aux freres. Etant arrivés, ils furent reçus par les apôtres, les prêtres, & toute l'églife. Ainfi S. Paul revint à Jérufalem quatorze ans après fa converfion, & y vint par révélation divine, Il conféra avec les freres, & en particulier avec les apôtres qui y étoient c'eft-à-dire avec S. Pierre, S. Jacques & S, Jean que l'on regardoit comme les colonnes de l'églife. Il compara avec leur doctri ne celle qu'il prêchoit aux Gentils, & qu'il n'avoit apprise d'aucun homme, mais par la révélation de Jefus-Chrift, voulant s'affurer que fon travail n'étoit pas inutile. Tout fe trouva conforme de part & d'autre. Mais quelques fidèles de la fecte des Pharifiens foutenoient que les Gentils convertis devoient être circoncis, & obligés à observer la loi de Moife. Les apôtres & les prêtres s'affemblérent pour examiner cette affaire: & c'eft le premier concile qui s'eft tenu dans l'églife. Il y avoit cinq apôtres, S. Pierre, S. Jean, S. Jacques, S. Paul, & S. Barnabé. Après que l'on eut bien agité la queftion, S. Pierre prit la parole, & dit: Mes freres, vous fçavez que depuis long-tems Dieu m'a choifi pour faire entendre l'évangile aux Gentils par ma bouche; & lui qui connoît les cœurs, a rendu témoignage à leur foi, leur donnant le faint Efprit comme à nous, fans diftinction. Il parloit de la converfion de Corneille. Pourquoi donc tentez-vous Dieu, impofant aux difciples un joug, que ni nos peres, ni nous, n'avons pu porter? Nous espérons être fauvés par la grace de notre Seigneur Jefus-Chrift auffi-bien qu'eux. S. Pierre ayant ainfi parlé, toute la multitude fe tut, & ils écoutoient S. Barnabé & S. Paul, qui racontoient les miracles que Dieu avoit faits par eux chez les Gentils. S. Jacques prit enfuite la parole, & confirma l'avis de S. Pierre par les témoignages des prophètes, touchant la vocation des Gentils. C'eft pourquoi, dit-il, je juge qu'on ne doit point inquiéter les Gentils convertis ; mais leur écrire feulement qu'il s'abstiennent de la fouillure des Idoles, de la fornication des viandes fuffoquées, & du fang. Et il ne faut pas craindre qu'on oublie la loi de Moïfe, qui de tous_tems eft lue & enfeignée dans les fynagogues tous les jours de fabbat. Alors les apôtres, les prêtres, & toute l'églife, conclurent d'envoyer à Antioche, avec Paul & Barnabé, deux hommes choifis, & des premiers d'entre les freres, Judas, furnomme Barfabas, & Silas, & les chargérent d'une lettre conçue en ces termes : Les apôtres les prêtres, & les freres, aux freres d'entre les Gentils qui font à Antioche, en Syrie & en Cilicie, falut. Sur ce que nous avons appris, que quelques uns fortis d'entre nous vous ont dit, fans que nous leur en euffions donné charge, des chofes qui vous ont A&. xv. f. Act. xv, 23. troublés, & qui tendoient à la ruine de vos ames: nous avons réfolu, étant affemblés, de choifir quelques perfonnes, & vous les envoyer avec nos très-chers Barnabé & Paul, qui ont exposé leur vie pour le nom de notre Seigneur JefusChrift. Nous avons donc envoyé Judas & Silas, qui vous diront auffi de bouche la même chofe. C'eft qu'il a femblé bon au faint Efprit, & à nous, de ne vous impofer autre charge que celle-ci, qui eft néceffaire, de vous abftenir des viandes immolées aux idoles, du fang, des bêtes fuffoquées, & de la fornication. Vous ferez bien de vous en garder. Adieu. Il étoit néceffaire d'avertir les Gentils, que la fornication étoit défendue, parce que la plupart d'entre eux la comptoient pour rien. La religion des Païens ne les éloignoit d'aucune efpèce de débauche: les loix civiles ne défendoient que l'adultére; mais elles permettoient d'entretenir des concubines, & toléroient les femmes abandonnées au public. De plus chacun pouvoit user comme il lui plaifoit de fes efclaves. Quant à la défense de manger du fang, & par conféquent de la chair des animaux étouffés, elle venoit de plus haut que la loi de Moïfe, puifqu'elle avoit été déclarée à Noé au fortir de l'arche: ainfi elle fembloit regarder toutes les nations. Il est donc à croire que les apôtres voulurent laiffer d'abord cette feule obfervance légale affez facile, pour réunir les Gentils avec les Ifraélites, & les faire fouvenir de l'arche de Noé figure de l'église, qui raffemble toutes les nations. Orig. contr. Celf. Joint que l'on croyoit que les faux dieux, c'est-à-dire les démons, fe repaiffoient du fang des victimes. Gen. IX. 4. Aug. XXXII. contr. Fauft. c. 23. lib. 8. p. 418. Epift. Cal. ad Conc. Eph. Act. 2. p. 614. to. II. Conc. v. Collat, 8. P. 563. to. V. Les apôtres, dans ce premier concile, ont donné l'exemple que l'églife a fuivi dans les conciles généraux, pour terminer les queftions de foi & de difcipline, comme il eft remarqué dans les conciles mêmes. Se trouvant une divifion confidérable entre les fidèles, on envoie confulter l'église de Jérufalem, où la prédication de l'évangile avoit commencé, & où S. Pierre se trouvoit alors. Les apôtres & les prêtres s'affemblent, en auffi grand nombre qu'il eft poffible. On délibére à loifir; chacun dit fon avis; on décide. S. Pierre préfide à l'affemblée : il en fait l'ouverture, il propofe la question, & dit le premier fon avis. Mais il n'eft pas feul juge: S. Jacques juge auffi, & le dit expreffément. La décifion eft fon fur les faintes écritures, & fórmée par le commun con fentement. |