empêcher de dire ce que nous avons vu & entendu. Ils les laifférent aller; & les apôtres vinrent trouver les fidèles, qui ayant appris d'eux ce qui s'étoit paffé, en rendirent graces à Dieu, lui demandant la force de prêcher fon nom, & les miracles pour foutenir fa parole. Après cette priére le lieu où ils étoient affemblés fut ébranlé, & ils furent tous remplis du S. Efprit. IV. * Math. XIX. 21. Toute la multitude des fidèles n'avoit qu'un cœur & qu'une ame. Perfonne ne difoit que rien fût à lui en particulier, mais tous leurs biens étoient communs; enforte qu'il n'y avoit point de pauvres entre eux. Car ceux qui avoient des terres ou des maifons, les vendoient, & en mettoient le prix aux pieds des apôtres. Les fidèles de Jérufalem renonçoient ainfi à leurs biens, pour pratiquer exactement le confeil de Jefus-Chrift, Aug. de catechiz. de tout quitter pour le fuivre; & pour n'avoir rien qui les at tachât à cette malheureufe ville, fçachant qu'elle devoit être ruinée & tout le pays défolé, avant qu'il se paflât une généra- Jof. XII. 35. tion, comme Jefus-Chrift l'avoit prédit : d'ailleurs la charité qui les uniffoit, étoit la marque qu'il avoit donnée pour connoître fes difciples. 6. 23. Matt. XXIV, 34. Philo. Quod om. pr. liber. p. 876 D. Jof. 11. Bell. c. II y avoit depuis long-tems des Juifs qui pratiquoient la vie commune. On les nommoit Efféens, ou Efféniens, comme plus faints que les autres. Car de tous les Juifs, c'étoit ceux qui avoient le plus de réputation pour la vertu. Ils fuyoient 12. p. 705. les grandes villes & habitoient dans les bourgades: leur occupation étoit le labourage & les métiers innocens; mais ils ne s'appliquoient ni au trafic, ni à la navigation. Ils n'avoient point d'efclaves, mais fe fervoient les uns les autres. Ils méprifoient les richeffes, n'amaffoient ni or ni argent, & ne poffédoient pas même de grandes piéces de terre, se contentant du néceffaire pour la vie, & s'étudiant à fe paffer de peu. vivoient en commun, mangeant ensemble, & prenant à un même veftiaire leurs habits qui étoient blancs. Plufieurs logeoient fous un même toît. Les autres ne comptoient point que leurs maisons leur fuffent propres ; elles étoient ouvertes à tous ceux de la même fecte. Car l'hofpitalité étoit grande entre eux, & ils vivoient familiérement enfemble fans s'être jamais vus. Ils mettoient en commun tout ce que produifoit leur travail, & prenoient grand foin des malades. Tome I. A Ils des autres, La plupart des Efféniens renonçoient au mariage, & vivoient en continence, craignant l'infidélité des femmes & les divifions qu'elles caufent dans les familles. Ils élevoient les enfans les prenant dès l'âge le plus tendre, pour les inf truire & les former à leurs moeurs. On éprouvoit les poftulans pendant trois années, une pour la continence, les deux autres pour le refte des mœurs. En entrant dans l'ordre, ils lui donnoient tout leur bien, & vivoient enfuite comme freres, enforte qu'il n'y avoit entre eux ni pauvres ni riches. On choififfoit des œconomes pour chaque communauté. Ils avoient un grand refpect pour les vieillards, & gardoient une grande modeftie; ils retenoient leur colére, ne mentoient ni ne juroient point, excepté le ferment qu'ils faifoient en entrant dans l'ordre : c'étoit d'obéir aux fupérieurs; de ne fe diftinguer en rien, fi on le devenoit; ne rien enfeigner que comme on l'auroit appris; ne rien céler à ceux de la fecte; n'en point révéler les myftéres à ceux de dehors, quand il iroit de la vie. Leur feule étude étoit la morale, qu'ils apprenoient dans la loi, principalement les jours de fabat affemblés dans leurs fynagogues avec un grand ordre. Il y en avoit un qui lifoit, un autre qui expliquoit. Tous les jours ils observoient de ne point parler de chofes profanes avant le foleil levé, & de donner ce tems à la prière. Enfuite leurs fupérieurs les envoyoient au travail. Ils s'y appliquoient jufques à la cinquiéme heure, qui revient à onze heures du matin. Alors ils s'affembloient & fe baignoient ceints avec des linges; mais ils ne s'oignoient point d'huile. Ils mangeoient en une même falle, affis en filence on ne leur fervoit que du pain & un feul mets. Ils faifoient la prière devant & après le repas, puis retournoient au travail jusqu'au foir. Ils étoient fobres, & vivoient la plûpart jufques à cent ans. Leurs jugemens étoient févéres. On chaffoit de l'ordre celui qui étoit convaincu de quelque grande faute : & il lui étoit défendu de recevoir des autres même la nourriture; enforte qu'il y en avoit qui mouroient de mifére. Mais fouvent on les reprenoit par pitié. Il n'y avoit des Efféniens qu'en Palestine, encore n'y étoient ils pas en grand nombre, feulement quatre mille ou environ. C'étoient les plus fuperftitieux de tous les Juifs, & les plus scrupuleux à obferver le fabat & les cérémonies légales; ; jufques-là qu'ils n'alloient point facrifier au temple, mais y envoyoient leurs offrandes, parce qu'ils n'étoient pas contens des purifications ordinaires. Il y avoit entre eux des devins, qui prétendoient connoître l'avenir par l'étude des livres facrés, jointe à certaines préparations. Ils vouloient même y trouver la médecine & les propriétés des racines & des pier. res. Ils donnoient tout au deftin, & rien au libre arbitre étoient fermes dans leurs réfolutions, méprifoient la mort & les tourmens, & avoient un grand zèle pour la liberté, ne reconnoiffant pour chef & pour maître que Dieu feul, & prêts à tout fouffrir, plutôt que d'obéir à un homme. Ainfi de quelque vertu qu'ils fiffent profeffion, ils étoient bien au-deffous des difciples de Jesus-Chrift. Entre ceux qui vendirent leurs héritages, pour en apporter le prix aux apôtres, fut Jofeph Lévite, natif de Chypre, que les apôtres furnommérent Barnabé. Mais un nommé Ananias, de concert avec Saphira fa femme, ayant vendu un héritage, retint une partie du prix, & apporta le reste aux apôtres. Saint Pierre lui dit : Ananias, pourquoi t'es-tu laiffé tenter par Satan, de mentir au S. Efprit ? Ananias mourut fur le champ. Sa femme vint trois heures après : & S. Pierre lui ayant demandé combien ils avoient vendu la terre, elle répondit comme fon mari. S. Pierre lui dit : Vous avez donc concerté tous deux de tenter l'efprit de Dieu ? Ceux qui viennent d'enterrer ton mari, t'enterreront auffi. Et elle tomba morte à fes pieds. Ce miracle caufa une grande crainte dans toute l'églife & dans tous ceux qui l'apprirent. Les fidèles s'affembloient d'ordinaire pour prier au temple, dans la galerie de Salomon, ainfi nommée, parce qu'Hérode l'avoit bâtie au lieu que Salomon avoit comblé autrefois. Le refte du peuple'n'ofoit fe joindre à eux, par la crainte des plus puiffans: mais les louoit & les honoroit, & la multitude des fidèles croiffoit tous les jours. Les apôtres faifoient une infinité de miracles. On mettoit les malades fur des lits le long des rues, afin que l'ombre de S. Pierre portât fur eux, quand il pafferoit: on apportoit des villes voifines les malades & les poffédés du démon, & tous étoient guéris. Jofeph. XIII. ant. c. 5. p. 442. E. A&. iv. 36. Act. v. Le fouverain pontife, avec ceux de fon parti, qui étoient A. v. 17. les Sadducéens, fit encore mettre les apôtres en prifon : mais un Ange les délivra. Le Sanhedrin affemblé les ayant envoyé querir dans la prifon, on ne les y trouva point, quoiqu'elle fût bien fermée : ils étoient dans le temple, qui enfeignoient. On les amena dans le confeil, & le pontife leur dit : Nous vous avions défendu d'enfeigner en ce nom. Pierre & les apôtres répondirent: Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes: & commencérent à leur foutenir que JESUS étoit le Sauveur. Les Juifs déchirés de rage vouloient les faire mourir. Mais un docteur vénérable nommé Gamaliel, de la fecte des Pharifiens, leur confeilla de les laiffer faire, difant: Si cette entreprise vient des hommes, elle fera diffipée ; fi elle vient de Dieu, vous ne pouvez lui réfifter. Ils fuivirent fon avis: & toutefois en renvoyant les apôtres, ils les firent fouetter, & leur défendirent encore de parler au nom de JESUS. Les apôtres s'en allérent joyeux, d'avoir été trouvés dignes de recevoir pour lui cet affront. Ils ne ceffoient tous les jours d'enfeigner dans le temple & dans les maifons. Le nombre des difciples croiffoit toujours, & il y avoit une grande quantité de facrificateurs. Entre tant de fidèles étoient plufieurs Helléniftes, c'est-à-dire des Juifs, qui étant nés entre les Grecs, ne parloient point la langue fyriaque, comme ceux de Palestine; mais feulement la langue grecque. Ceuxci fe plaignirent que, dans les diftributions ordinaires, leurs veuves étoient méprifées. Les douzes apôtres affemblérent la multitude des difciples, & leur dirent: Il n'eft pas juste que nous quittions la parole de Dieu pour fervir aux tables: choififfez d'entre vous fept hommes de bonne réputation, pleins du S. Efprit & de fageffe, que nous établiffions pour cette œuvre. Et pour nous, nous nous appliquerons à la prière & & au ministère de la parole. Ils choifirent Etienne, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parmenas, & Nicolas profelyte d'Antioche. Leurs noms font tous grecs, & l'on peut croire qu'ils étoient la plupart Helléniftes. Ils les présentérent aux apôtres, qui priérent & leur impoférent les mains. Ce furent les premiers diacres. Ils avoient foin de la nourriture des pau& de la diftribution de ce qui étoit néceffaire à chacun pour fa fubfiftance, dans cette églife où tous les biensétoient en commun. Mais de plus ils fervoient à la table sacrée, vres, c'est-à-dire, à l'adminiftration de l'euchariftie; même ils prêchoient l'évangile dans les occafions. Alors, comme l'on croit, l'apôtre S. Jacques furnommé le jufte, fut établi premier évêque de Jérufalem. On le nommoit encore le frere du Seigneur, parce qu'il étoit parent de Jefus-Chrift, fils d'Alphée & de Marie foeur de la fainte Vierge. Ce furent S. Pierre & les deux fils de Zébedée, S. Jacques & S. Jean, qui le choifirent évêque, fans lui difputer cet honneur, ni fe prévaloir des marques de préférence que le Seigneur leur avoit données. On dit que, pour marque de fa dignité, il portoit fur le front une lame d'or. Il fut faint, c'eftà-dire confacré à Dieu, dès le ventre de fa mere: il ne but jamais de vin, ni ne mangea d'aucun animal: le rafoir ne passa point fur la tête : il ne le baignoit, ni ne se frottoit point d'huile grande auftérité en pays chaud. Il avoit feul permiffion d'entrer dans le fanctuaire, parce qu'il ne portoit point de laine, mais feulement du linge. Dans le temple on le trouvoit à genoux, demandant pardon pour le peuple; ce qu'il faifoit fi continuellement, que fes genoux s'étoient endurcis comme ceux d'un chameau. L'excellence de fa vertu le faifoit nommer le jufte, & en fyriaque Oblia, c'eft-à-dire le rempart du peuple, ou plutôt Öphlia, la fortereffe de Dieu. Il gouverna l'églife de Jérufalem ving-neuf ans. VI. Martyre de S Etienne. All. v1.8. Jof. contra Ap. S. Etienne, le premier des diacres, étant plein de grace & de force, faifoit de grands miracles, & prêchoit librement Jefus Chrift. Quelques Juifs des provinces s'élevérent contre lui. Il y en avoit de libertins, c'est-à-dire, en latin, affranchis; & l'on croit qu'ils. portoient ce nom, parce qu'ils avoient été emmenés en Italie efclaves des Romains, & depuis mis en liberté. Il y en avoit de Cyrénéens, defcendus de ceux que le premier des Ptolomées avoit transférés à cette lib. 2. p. 103. F. partie d'Afrique. Il y en avoit d'Alexandrie, de Cilicie & d'Afie. Comme ils ne pouvoient réfifter à S. Etienne dans la difpute, ils fufcitérent de faux témoins, qui l'accuférent d'avoir blafphémé contre Moïfe & contre Dieu, & d'avoir dit que JESUS de Nazareth détruiroit le lieu faint, & changeroit les traditions. Il fut pris & amené dans le confeil, où il rendit compte de fa doctrine; montrant par l'hiftoire du peuple de Dieu depuis Abraham, & par les témoignages des prophè |