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deviner: chacun a rafinéfur les critiques précédentes, pour ôter quelque fait aux hiftoires reçues, quelque ouvrage aux auteurs connus. J'ai méprifé cette critique dédaigneufe, & j'ai fuivi ce que j'ai trouvé le plus universellement approuvé par les fçavans, fans trop m'arrêter aux conjectures nouvelles & finguliéres. Ayant une fois pris mon parti, j'ai donné pour vrai ce qui m'a paru bien prouvé, le racontant fimplement; j'ai mis, On dit, à ce qui m'a paru douteux, quand j'ai cru le devoir rapporter car le plus fouvent je l'ai entiérement paffé fous filence. C'eft, ce me femble, le meilleur moyen de combattre les erreurs innocentes, de ne les point relever. Je ne voudrois jamais avancer, en prêchant, ni en écrivant, des faits que je ne croirois pas véritables, quoiqu'ils paffent pour tels parmi le peuple; mais je ne voudrois pas auffi les combattre publiquement fans néceffité. Quand on croira que S. Jacques a prêché en Espagne, ou que S. Martial a été un des loixante & douze difciples, on ne mettra pas fon falut en danger mais de combattre directement ces créances en certains lieux & devant certaines perfonnes, ce feroit les fcandalifer, les aigrir, & altérer notablement la charité. Il vaut donc mieux tolérer ces opinions, les paffant fous filence dans les écrits & dans les difcours publics, & nous contenter de les attaquer en particulier, quand nous trouvons des perfonnes capables de goûter nos raifons. Appliquons-nous à édifier plutôt qu'à détruire; recueillons avec foin toutes les vérités importanétabliffons-les folidement, & les publions fur les toîts: nous verrons infenfiblement tomber les erreurs, qu'une contradiction trop âpre ne feroit que fortifier.

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Que l'on ne me demande donc point pourquoi dans le premier fiécle j'ai dit fi peu de chofe de la fainte Vierge & des apôtres : j'en ai dit tout ce que j'ai trouvé de certain, & j'ai recueilli jufqu'aux moindres parcelles des traditions rapportées par faint Clement Alexandrin, & par les autres auteurs les plus proches. Le furplus rapporté par Métaphrafte, par Nicephore & d'autres modernes, quiconque fe contente de leur autorité, le peut croire pour moi je ne l'ai pas cru digne d'être mêlé avec ce que j'ai tiré des actes & des épitres des apôtres. Un fait n'eft ni plus certain, ni même plus vraisemblable, pour fe trouver dans un grand nombre d'auteurs nouveaux, qui fe font copiés les uns les autres. Quand tous les docteurs qui vivent aujourd'hui, s'accorderoient à dire que la fainte Vierge a vécu foixante & quinze ans, cette opinion n'en feroit ni plus vraie ni plus probable; puifqu'elle n'a aucun fondement dans l'antiquité & que les faits ne fe devinent point à force de railonner. Cependant comme les hommes aiment à fe déterminer le premier a avancé en devinant, & difant, Peut-être, il eft plus pieux de le croire ainfi; un autre dit qu'il eft vraisemblable; un troifiéme l'avance comme certain, en citant les deux premiers: la foule s'y laiffe entraîner; & quiconque veut enfuite approfondir & remonter à la fource, eft un novateur & un curieux téméraire. C'est par la même raison que j'ai dit fi peu de chofe des premiers papes : & que je n'ai point rapporté les actes de tant de martyrs fameux, dont on trouve des légen

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des. La vraie piété nous fait aimer la vérité, & nous contenter de ce que Dieu veut que nous fçachions. Je crains au contraire que plufieurs ne trouvent ici trop d'actes de martyrs, & rapportés trop longuement. Je n'ai pas mis néanmoins tous ceux que le R. P. Dom Thyerry Ruinart, Bénédictin, nous a donnés fous le nom d'actes fincéres & choifis, & j'en ai laiffé quelques-uns où je n'ai rien vu de fingulier. Voilà les règles que j'ai voulu fuivre dans le choix des matériaux de cette hiftoire.

VI. Méthode pour

Quant à la maniére d'écrire, je vois deux méthodes pratiquées par les auteurs l'une de rapporter tout au long les paffages des originaux, en- toire. forte que l'auteur ne parle que pour en faire la liaifon : l'autre d'en pren dre la fubftance, & compofer l'hiftoire d'un ftyle égal & continu. La premiére méthode eft celle des Centuriateurs & de Baronius; & on peut dire auffi que M. Hermant dans fes vies l'a plus fuivie que l'autre. Elle paroît la plus fûre & la plus folide. C'eft comme produire les piéces dans un procès: le lecteur n'a qu'à juger par lui-même. Mais cette méthode engage à une grande longueur & à de fréquentes répétitions. Car comme le même fait eft fouvent raconté par différens auteurs, avec quelque diverfité de circonftances, il faut les rapporter tous: autrement, le lecteur ne feroit pas pleinement inftruit. De plus en tranfcrivant les paffages entiers, on fe charge de tous les défauts du ftyle des originaux, de leur obfcurité, de leur longueur, de leurs phrafes & de leurs paroles fuperflues; ce qui ne fait que fatiguer le lecteur, quand ce ne feroit que par la bigarrure du ftyle. Les ouvrages même les mieux écrits deviennent très-défagréables, quand on n'en voit que des piéces hors de leur place. Car tout ce qui fert de preuve à l'hiftoire, n'est pas hiftoire: on la tire de toutes fortes d'écrits, des lettres, des fermons, des panégyriques. Ce que faint Grégoire de Nazianze a dit fort éloquemment dans l'oraifon funèbre de faint Bafile, devient froid & ennuyeux au milieu d'une hiftoire, où l'on ne cherche que le fimple fait au lieu que dans les difcours figurés les faits ne font le plus fouvent que touchés & toujours enveloppés & ornés: on ne les démêle qu'avec beaucoup d'application. Ainfi le lecteur de Baronius eft réduit à faire une étude pénible, au lieu de l'inftruction facile qu'il cherchoit c'eft plutôt la matiére de l'histoire qu'il a bien préparée, que l'hiftoire même. D'ailleurs on fe trompe, fi l'on prétend que cette méthode laiffe au lecteur la liberté entiére de juger: le choix des faits & des paffages dépend toujours de l'auteur ; fouvent il fupprime ce qui eft contraire à fes préjugés : & quant aux paffages qu'il rapporte, fouvent il les détourne ou les affoiblit, , par les réflexions & les differtations que cette méthode attire néceffairement. Car en rapportant les paffages, il faut expliquer les termes obfcurs, lever les contradictions, concilier les diverfités. De tout cela enfemble réfulte une prodigieufe longueur des livres, qui eft un plus grand mal que l'on ne croit, puifque c'est une des fources de l'ignorance: car qui a le loifir & le courage de lire tant de gros volumes?

L'autre méthode eft d'écrire d'un ftyle uniforme, prenant feulement la fubftance des originaux, fans s'affujettir à leurs paroles. C'est celle de

écrire l'hif

VII. Extraits de Doctrine.

M. Godeau, de M. Maimbourg & de la plupart des hiftoriens anciens & modernes ; & c'eft fans doute la plus agréable pour les lecteurs mais ce n'eft pas la plus fure. Quand l'auteur a l'efprit brillant & l'imagination fertile, il a peine à fe contenir dans les bornes étroites de la vérité; & à ne pas ajoûter du fien quelques réflexions qui lui paroiffoient judicieufes, quelques fentences, quelques defcriptions, ou du moins quelques épithètes. J'ai cru prendre un milieu entre ces deux méthodes, en écrivant d'un ftyle fuivi, & qui n'eft qu'une narration continue; mais employant, autant qu'il m'a été poffible, les paroles des originaux, traduites fidellement en notre langue fur le grec & fur le latin. J'ai cru toutefois ne point donner d'atteinte à la vérité, en retranchant les paroles. inutiles, & ajoûtant celles qui m'ont paru néceffaires, pour éclaircir les paffages obfcurs. J'ai mis en marge les citations, afin que les fçavans puiffent juger fi mon hiftoire eft fidelle ; & j'exhorte tous ceux qui en font capables, à la vérifier & à lire eux-mêmes les originaux. Les propres paroles des auteurs frappent tout autrement ; & je puis m'être quelquefois trompé dans le choix ou la traduction. Mais j'écris principalement, comme j'ai dit, pour ceux qui ne peuvent lire les originaux: faute d'avoir les livres en main, ou d'entendre affez bien le grec & ie latin, ou d'avoir le loifir de lire les traductions françoifes qui en ont été faites, de comparer & de concilier les auteurs.

C'eft en faveur de ces lecteurs que j'ai interrompu la narration par quelques extraits de doctrine. J'ai cru faire plaifir à ceux à qui les livres eccléfiaftiques ne font pas familiers, en leur donnant dans un feul livre ce qu'ils ne liroient jamais autrement, & qui ne doit pas leur être indifférent, s'ils ont de l'amour pour la religion. Ils verront dans ces extraits plufieurs faits généraux de moeurs, de cérémonies & de traditions anciennes, qu'il feroit difficile de rapporter autrement, & qui ne devoient pas être omis: comme ce que j'ai tiré des apologies de S. Juftin & de Tertullien & des autres ouvrages de ce dernier. On verra dans ces extraits les paffages les plus formels pour prouver les vérités catholiques contre les hérétiques des derniers fiécles. Enfin on y verra quels étoient ces grands hommes qui ont établi & foutenu la religion puifqu'après leurs actions, rien ne les fait tant connoître que leurs paroles. Ces extraits font plus fréquens & plus longs dans les premiers fiécles, dont l'autorité eft plus grande, & qui fervent de fondement à toute la suite. Il est difficile, quand on veut être chrétien, de réfifter à la tradition conftante des difciples des apôtres. D'ailleurs les auteurs les plus anciens font en petit nombre, & la plupart fi peu connus, que leurs ouvrages paroîtront à plufieurs des curiofités: car qui connoît la lettre de S. Clement pape, & le livre du pafteur, hors les fçavans de profeffion? Cependant ce que j'en ai tiré & de S. Clement Alexandrin, peut donner l'idée de la véritable piété, & montrer que ce n'eft pas une invention des moines, ni un rafinement des derniers tems. Le feul inconvénient que je trouve aux extraits, en général, c'eft qu'ils allongent mon ouvrage, que je fouhaitois extrêmement de faire court, pour le rendre utile.

Je ne mets pas au nombre de ces extraits les formules de foi & les canons des conciles: elles me paroiffent des parties néceffaires de l'hiftoire, pour faire entendre le dogme & la difcipline. C'est comme dans une hiftoire profane les traités de paix & d'alliance, les loix & les réglemens de police, dont il faut au moins mettre la fubftance. Ces piéces ne font pas agréables, il eft vrai; mais je n'écris ni un poëme, ni un roman, & je demande des lecteurs férieux & attentifs. Les actes des martyrs m'ont paru néceffaires, afin qu'un fi grand objet fît fur les ef prits une auffi forte impreffion qu'il le mérite; & j'ai cru les devoir rapporter dans leur fimplicité originale, parce que ce font des piéces authentiques pour la plupart, des interrogatoires en bonne forme, & des procès-verbaux de queftion, qui feroient preuve en Juftice. Par le plaifir qu'ils m'ont donné, j'ai jugé qu'ils en donneroient à quiconque aime le vrai & le naturel, & je ne vois point de lecture plus propre à nourrir la piété. Ces avantages m'ont paru préférables à l'uniformité & à l'élégance du ftyle. Après les martyrs, les plus grands spectacles font les moines; c'eft pourquoi j'ai mis affez au long la vie des premiers & des plus illuftres, m'arrêtant plus aux vertus qu'aux miracles. Quoique ces vies foient affez connues & entre les mains de tout le monde ; j'aurois cru, en les omettant, omettre une partie confidérable de mon fujet, qui ne comprend pas moins les mœurs, que la difcipline & la doctrine. Or les moeurs s'apprennent bien mieux par les exemples finguliers, que par des obfervations générales: rien ne fait tant connoître les hommes, que le détail de leurs difcours & de leurs actions. Au refte je ne me propofe point de ne dire que des chofes nouvelles.

Je n'ai pas cru devoir remonter jufques à la naiffance de J. C. parce que fon histoire eft affez connue des chrétiens, & on ne la peut mieux apprendre que par la lecture continuelle des évangiles. Quiconque s'imagine la pouvoir mieux écrire ne l'entend pas: & nous n'en fçavons

ou prefque rien, que ce qui eft dans le texte de l'écriture. Il n'en eft pas de même de l'hiftoire des apôtres: outre les actes, il y a plufieurs faits confidérables dans les épitres de S. Paul, & dans les auteurs étrangers du même tems, comme Jofeph & Philon. Joseph fur-tout eft précieux, par le foin qu'il a pris d'écrire la ruine de Jérufalem, & de vérifier ainfi fans y penfer les prophéties de J. C.

VIII. Règles de

Quant à l'ordre des tems, je n'ai pas cru m'y devoir attacher trop chronologie. fcrupuleufement. Il ne convient qu'à un hiftorien contemporain, comme Tacite, de faire des annales: écrivant des faits qu'il connoît dans un grand détail, & dont la proximité rend les dates certaines. Ainfi qui se propoferoit l'histoire eccléfiaftique depuis le concile de Trente, ou même depuis celui de Conftance, auroit raifon de la ranger par annales. Mais de vouloir réduire ainfi des faits très-anciens, dont fouvent on ne fçait le tems que par conjecture, & fouvent on l'ignore abfolument, c'est fe donner une grande peine, au hazard de fe tromper & d'induire les autres en erreur. Auffi malgré l'érudition profonde & le travail immenfe de Baronius, on a trouvé de grands mécomptes dans fa chronologie, &

le R. P. Pagi, entre les autres, vient de nous donner un gros volume pour corriger ceux des quatre premiers fiécles. Toutefois Baronius luimême n'a pu fixer tous les faits: il y en a un grand nombre qu'il n'a rangés fous certaines années que par occafion, fans leur donner de date certaine, parce qu'en effet il eft impoffible de la fçavoir: comme quand il place la retraite de S. Bafile & de S. Grégoire de Nazianze l'an 363 après la mort de Julien l'apoftat, il auroit pu la mettre tout auffi bien cinq ou fix ans plutôt. Cependant le lecteur, qui veut être déterminé, s'ar rête à cette autorité, & croit fans l'examiner que chaque fait eft arrivé dans l'année qu'il voit en tête de la page. Dans les faits même les plus certains, il n'eft pas toujours à propos de fuivre exactement l'ordre des années; autrement, l'hiftoire tombera dans une extrême féchereffe, étant interrompue à tous momens, & comme hachée en menues parcelles dont chacune fera peu d'impreffion, & ne donnera aucun plaifir. Il faudra paffer inceffamment d'Orient en Occident, de Rome à Antioche; quitter un concile commencé en Italie, pour en voir un autre en Afrique ; inférer une ligne pour marquer la mort d'un pape ou d'un empereur : tout cela fans liaison, ou par des tranfitions forcées. Il vaut bien mieux anticiper quelques années, ou y remonter, pour reprendre un fait important dès fon origine, & le conduire jufqu'à la fin. Le meilleur ordre eft celui qui conduit l'efprit le plus naturellement, pour entendre les chofes & les retenir; & l'on remédie à la confufion en marquant les dates.

Mais il eft de la bonne foi de ne les marquer que quand on les fçait, & il n'eft pas du devoir d'un hiftorien de paffer fa vie à les rechercher.. Cependant l'émulation des fçavans du dernier fiécle, a pouffé la chronologie à une telle exactitude, que la vie de Noé n'y fuffiroit pas. II faudroit calculer exactement toutes les éclipfes dont on a connoiffance, & fixer leurs places dans la période Julienne; fçavoir les époques de toutes les nations, leurs différentes espèces d'années & de mois, & en faire la reduction à la nôtre; examiner toutes les infcriptions des marbres antiques & des médailles; corriger les faftes confulaires; conférer toutes les dates qui fe trouvent dans les hiftoriens : & quand on defcend plus bas, venir aux cartulaires, & aux titres particuliers. Quand finiront ces recherches ? Et comment s'affûrera-t-on de ne s'être point mécompté? Encore peut-on les fouffrir dans les faits dont il importe de fçavoir le tems; mais combien y en a-t-il qui ne font d'aucune conféquence? Combien de difputes fur le fens d'une infcription, ou fur l'occafion d'une médaille qui au fond ne nous apprend rien: pour fçavoir l'âge d'un empereur, le jour précis de fa mort, & d'autres faits femblables dont on ne veut rien conclure, finon que Baronius ou Scaliger fe font trompés ? N'est-ce point là ce que S. Paul appelle languir après des queftions qui ne produifent que des jaloufies & des querelles? On retient bien plus les faits que les dates dans notre propre vie fouvent nous nous fouvenons d'avoir fait ou dit telle chofe, en tel lieu, avec telle perfonne, en telle faifon, fans nous fouvenir du jour ni de l'année. La plupart des hiftoriens & furtout les historiens facrés ont écrit ainfi ; & n'ont marqué les tems que

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