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eurent des regrets infinis de fa perte ils défiroient avec paffion de l'avoir de nouveau pour Kan.

Le changement de Souverain me rendit pendant quelques femaines plus circonfpect & plus réfervé pour mes fonctions, fans cependant les interrompre. Le nouveau Kan ne me connoifsoit pas, & je n'avois de lui aucune permiffion. Je courus vîte à mon afyle ordinaire, M. de Ferriol; mais fa vigilance avoit déja tout prévû & tout applani. Lorfque je m'y attendois le moins, & que pour ne donner aucune prife, je continuois à faire l'œuvre de Dieu à petit bruit, le Kan m'envoya dire que je ne craigniffe rien, & que fi quelqu'un me faifoit de la peine, j'euffe à en porter mes plaintes à fon Vifir, qui avoit

ordre

ordre de me faire faire raifon.

Cette déclaration me releva fort le courage, & la Miffion n'en devint par-tout que plus floriffante. Les Catholiques & les Chrétiens du pays s'y affectionnerent avec plus de cœur que jamais;convaincus, difoientils, que Dieu s'intéreffoit vifiblement à la maintenir malgré les révolutions du pays. Une des preuves pour moi des plus convaincantes de la protection divine fur elle, fut qu'elle ne fouffrit rien du rappel de M. de Ferriol fon Fondateur & fon Pere, dont il fembloit que l'éloignement dût la faire tomber. Ce digne Ambaffadeur, après douze ans d'un ministère également glorieux & utile à l'Etat & à la Religion, fut remplacé par M. le Comte des Alleurs, dans qui je trouvai le même

Tome I.

C

appui & le même zèle. Il ne m'en falloit pas moins pour me foutenir & me confoler dans la perte que je venois de faire.

Au temps de Sultan Gazi il y avoit des mesures prifes entre le Prince & M. de Ferriol pour l'érection d'une Chapelle Françoife, & le Kan y avoit donné fon confentement; mais fa dépofition avoit tout fufpendu. M. des Alleurs a repris ce projet avec le Kan d'aujourd'hui, & il le conduit fort heureusement. Il nous a déja obtenu du Prince la permiffion d'aggrandir. notre maifon, d'y faire prier les Chrétiens, & de leur y lire l'Evangile; ce qui en ftyle du pays veut dire, avoir chez- foi une Eglife.

Dans l'attente du dernier accompliffement d'une œuvre fi néceffaire au folide établiffe,

ment de la Religion, je me mis à donner quelque forme à ma Million, où de jour en jour je voyois croître la ferveur & le travail. Pour n'en être pas accablé, feul comme j'étois, je fus obligé de régler les temps de l'Office divin, des Inftructions, & des Confeffions générales, qui devenoient à tout moment très-nombreuses, & d'une difcuffion fort longue. J'établis donc que les jours ouvriers feroient pour ces grandes Confeffions, & pour les Inftructions des nouveaux venus, & que ces jours-là il n'y auroit point d'affemblées réglées ; que les Dimanches & les Fêtes de précepte, dont je diftribuai des catalogues, les Confeffions courantes, la célébration de la fainte Meffe, les Inftructions, & l'explication de l'Evangile, fe

roient l'emploi de la matinée; que ceux qui auroient des Maîtres plus traitables, & qui le matin auroient communié, affifteroient l'après- dînée au refte du Service, & aux Inftructions du Catéchifme. Quand j'aurai un foleil pour expofer avec décence le S. Sacrement, & terminer par un Salut les dévotions de la journée, je fuis sûr d'y avoir beaucoup de monde en prieres autour de NotreSeigneur, & des Chrétiens du pays encore plus que d'autres. On ne fçauroit croire combien ils font frappés de nos cérémonies Romaines. Nos jours extraordinaires font les principales folemnités de l'année, & les fêtes de Notre-Dame. Alors la foule eft fi grande, & les dévotions fi empreffées, que je ne fçai ni où me mettre

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