A Mde. LA PRINCESSE DOUAIRIERE, (*)
Pour l'inviter à revenir de Provence à Paris. 1605.
Uor donc! Grande Princeffe en la terre adorée, Et que même le ciel eft contraint d'admirer, Vous avez réfolu de nous voir demeurer En une obfcurité d'éternelle durée ?
La flame de vos yeux, dont la Cour éclairée A vos rates vertus ne peut rien préférer, Ne fe laffe donc point de nous défefpérer,
Et d'abufer les vœux dont elle eft défirée ?
Vous êtes en des lieux, où les champs toujours verts, Pour ce qu'ils n'ont jamais que de tiédes hyvers, Semblent en apparence avoir quelque mérite :
Mais fi c'eft pour cela que vous caufez nos pleurs, Comment faites-vous cas de chose fi petite, Vous de qui chaque pas fait naître mille fleurs?
(*) Charlotte Catherine de la Tremoille, veuve de Henri 1. de Bourbon, Prince de Condé, mort d §. Jean d'Amgely, les de Mars 1588.
Priere pour le Roi Henri le Grand, allant en Limofin. 1605.
DIEU, dont les bontez de nos larmes touchées Ont aux vaines fureurs les armes arrachées Et rangé l'infolence aux pieds de la raifon ! Puifqu'à rien d'imparfait ta loüange n'afpire, Achieve ton ouvrage au bien de cet Empire, Et nous rends l'embonpoint comme la guérison. Nous fommes fous un Roi fi vaillant & fi fage, Et qui fi dignement à fait l'apprentiffage De toutes les vertus propres à commander, Qu'il femble que cet heur nous impofe filence Et qu'affûrez par lui de toute violence, Nous n'avons plus fujet de te rien demander.
Certes quiconque a vá pleuvoir deffus nos têtes Les funeftes éelats des plus grandes tempêtes. Qu'exciterent jamais deux contraires partis, Et n'en voit aujourd'hui nulle marque paroître, En ce miracle feul il peut affez connoître Quelle force à la main qui nous a garantis.
Mais quoi! de quelque foin qu'inceffamment il veille',
Quelque gloire qu'il ait à nulle autre pareille, Et quelque excès d'amour qu'il porte à notre bien Comme échapperons-nous en des nuits fi profondes Parmi tant de rochers qui lui cachent les ondes, Si ton entendement ne gouverne le fien ?
Un malheur inconnu gliffe parmi les hommes, Qui les rend ennemis du repos où nous fommes: La plufpart de leurs vœux tendent au changement Et comme s'il vivoient des miferes publiques, Pour les renouveller, il font tant de pratiques, Que qui n'a point de peur n'a point de jugement. En ce facheux état ce qui nous réconforte, C'eft que la bonte caufe eft toujours la plus forte, Et qu'un bras fi puiffant t'ayant pour fon appui, Quand la rebellion plus qu'une hydre féconde Auroit pour le combattre affemblé tout le monde, Tout le monde affemblé s'enfuiroit devant lui.
Conforme donc, Seigneur, ta grace à nos pensées Ote-nous ces objets, qui des chofes paffées Ramenent à nos yeux le trifte fouvenir; Et comme fa valeur, maîtreffe de l'orage, A nous donner la paix a montré fon courage Fais luire fa prudence à nous l'entretenir.
Il n'a point fon efpoir au nombre des armées, Étant bien affûré que ces vaines fumées N'ajoutent que de l'ombre à nos obscurités.
L'aide qu'il veut avoir, c'est que tu le confeilles. Si tu le fais, Seigneur, il fera des merveilles, Et vainera nos fouhaits par nos prospérités.
Les fuites des méchans, tant foient-elles fecretes, Quand il les pourfuivra, n'auront point de cachettes; Aux lieux les plus profonds ils feront éclaireza Il verra fans effet leur honte fe produire, Et rendra les deffeins qu'ils feront, pour lui nuire, Auffi-tôt confondus comme délibérez.
La tigueur de fes loix, après tant de licence, Redonnera le cœur à la foible innocence, Que dedans la mifere on faifoit envieillir. A ceux qui l'oppreffoient il ôtera l'audace; Et fans diftinction de richeffe ou de race, Tous de peur de la peine auront peur de faillir. La terreur de fon nom rendra nos villes fortes; On n'en gardera plus ni les murs ni les portes, Les veilles cefferont au fommet de nos tours. Le fer mieux employé cultivera la terre; Et le peuple qui tremble aux frayeurs de la guerre, Si ce n'eft pour danser, n'orra (*) plus de tambours.
Loin des mœurs de fon fiécle il bannira les vices, L'oifive nonchalance & les molles délices, Qui nous avoient portez jufqu'aux derniers hafards.
Les vertus reviendront de palmes couronnées, Et fes juftes faveurs aux mérices données, Feront reffufciter l'excellence des arts,
La foi de fes ayeux, ton amour & ta crainte, Dont il porte dans l'ame une éternelle empreinte, D'actes de piété ne pourront l'affouvir. 2. Il étendra ta gloire autant que fa puiffance, Et n'ayant rien fi cher que ton obéiffance,or Où tu le fais regner, il te fera fervir.
Nous ne reverrons plus ces fâcheuses années ; Qui pour les plus heureux n'ont produir que des pleurs.
Toute forte de biens comblera nos familles ;< La moiffon de nos champs laffera les faucilles, Et les fruits pafferont la promeffe des fleurs.
La fin de tant d'ennuis dont nous fûmés la proie, Nous ravira les fens de merveille & de joie; Et d'autant que le monde eft ainfi compofé, Qu'une bonne fortune en craint une mauvaise Ton pouvoir abfolu, pour conferver notre aise, Confervera celui qui nous Paura causé.
Quand un Roi fainéant, la vergogne des Princes Laiffant à fes flatteurs le foin de fes provinces, Entre les voluptez indignement s'endort,
Quoique l'on diffimule, on en fait peu d'estimes) H
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