Imágenes de páginas
PDF
EPUB

qui lui eft propre; il fe fondoit fur les expériences qu'il en avoit faites en ouvrant plufieurs animaux vivans, où il avoit obfervé non feulement que le mouvement du poumon fubfiftoit après l'ouverture de la poitrine, mais encore que fa dilatation se faifoit pendant la contraction de celle-ci, &, dans l'un & l'autre cas, en fens contraire. Il ne diffimuloit pas que quelques Anatomiftes avoient eu connoiffance d'une partie de ces phénomènes, il ignoroit fi les mêmes effets avoient lieu dans l'état naturel comme dans un état violent; mais quel que foit le fentiment qui l'emportera, fes expériences & fes réflexions feront toûjours très-propres à piquer la curiosité des Anatomistes, & à nous procurer des éclairciffemens utiles fur cette importante méchanique du corps animal.

Le travail des Tranfactions Philosophiques, quoiqu'immenfe, n'étoit pas le feul qui l'occupât; il s'étoit aflocié avec M. Morand pour recueillir & pour traduire tout ce qui a été donné en Angleterre fur le fameux remède de la Pierre, connu fous le nom de Melle Stephens. C'est lui encore qui a veillé à la traduction & à l'édition des Expériences phyfiques de M. Hales fur diverses manières de deffaler l'eau de la mer & de la rendre potable. Enfin il publia peu de temps avant fa mort la Traduction des Nouvelles Tables loxodromiques de M. Murdoch, qui consistent en une application de la figure de la Terre applatie par les Poles, à la conftruction des Cartes marines réduites.

Cet amour immodéré de l'étude & ce travail continuel, mal affortis à une fanté délicate, ont vrai - femblablement abrégé fes jours, il nous a été enlevé à la fleur de fon âge. Il fut attaqué d'une maladie de langueur vers la fin de 1741, & il mourut le 21 Mars 1742, dans fa 29me année.

Il écrivoit fagement, d'un style clair & quelquefois affez orné, comme on le voit fur-tout dans les morceaux de fa composition & dans fes Epîtres dédicatoires. Celle qu'il a mise à la tête du livre de M. Murdoch, adreffée à M. le Comte de Maurepas, est digne d'attention à cet égard, & Hift. 1742. Bb •

par la manière dont il relève tout ce que les Sciences & les Arts doivent à ce Miniftre. La grande Méridienne de France, les anciennes Obfervations de M. Richer & des autres Membres de cette Académie qui furent envoyez à l'Ifle de Caïenne, premier fondement de tout ce qui a été fait depuis fur la figure de la Terre, les deux fameux Voyages de nos jours vers l'Equateur & vers le Pole Arctique, y font rappellez avec les juftes éloges qui en doivent éternifer la mémoire. Ces Obélifques, dit-il, ces Colosses qui ont fait l'admiration de l'Antiquité, ces Pyramides dont l'Egypte s'eft tant glorifiée, n'étoiem que des maffes de pierre inutiles, & de fi grands travaux pour des deffeins frivoles, font plus fentir la puissance qu'ils ne font connoître la fagesse de ceux qui les ont entrepris; mais les ouvrages des François feront à jamais des monumens de la fageffe &de la puiffance du Prince qui les a fait exécuter. Ainfi, tout occupé à étudier, à traduire, à orner de fes remarques les ouvrages des Etrangers, il fçut également fe garantir du préjugé exclufif en faveur de la patrie, & de cette autre prévention plus ridicule encore, qui n'accorde fon eftime & fon admiration qu'aux découvertes & aux productions étrangères.

On a trouvé parmi fes papiers une traduction toute prête à paroître des Expériences phyfico-méchaniques d'Haucksbée, & une hiftoire compléte de celles de l'Electricité. Il avoit fort avancé le cinquième Volume de fa Traduction des Tranfactions Philofophiques. Nous ne fçaurions trop tôt apprendre au Public que cet ouvrage fi defiré & fi digne de l'être, fera continué fous la même forme; mais ce n'eft qu'en y employant tout ce que l'on connoît de plus habile, qu'on pourra fe flatter de remplacer fon premier Auteur.

ELOGE

DE M. L'ABBE DE MOLIERES.

Jos

OSEPH PRIVAT DE MOLIERES, Prêtre, Lecteur & Profeffeur de Philofophie au College Royal, Afsocié de cette Académie & de celle de Londres, naquit à Tarascon en 1677, de Charles Privat de Molieres & de Martine de Robins de Barbantane, deux familles qui ont donné des Commandeurs & des Grand-Croix à l'Ordre de Malthe. D'un très-grand nombre d'enfans de tout fexe fortis de ce mariage, M. l'Abbé de Molieres étoit le fecond.

Il vint au monde avec une santé fi délicate, & il eut de fi fréquentes maladies pendant fon enfance, que fes parens n'osèrent le preffer d'étudier, & résolurent de lui laiffer une entière liberté ou de s'occuper, ou de s'amufer. Il choisit l'occupation & l'étude, il fit par goût ce que l'éducation la mieux ordonnée & la plus févère auroit pû lui imposer. II apprit le Latin, les Humanités & la Philosophie, selon la forme ordinaire, & de plus affez de Mathématiques pour en recevoir cette impreffion qu'elles ne manquent pas de faire fur les efprits d'une certaine trempe; impreffion qui va fouvent jufqu'à leur inspirer un dégoût marqué pour la plûpart des autres connoiffances moins exactes, mais communément plus indifpenfables, mieux assorties aux befoins & au commerce de la vie, & fur-tout à ce qu'on appelle établissemens & fortune. Ses parens en fentirent bien-tôt les conféquences. lorfqu'ils vinrent à perdre leur fils aîné qui fut tué à la guerre en 1695. Ils follicitèrent en vain le fecond à s'établir, un éloignement infini pour les affaires, le recueillement d'esprit dont il s'étoit déja fait une habitude, & le charme des Mathématiques, lui firent facrifier à une vie paisible & ftudieufe tous les avantages qu'il pouvoit efpérer du droit d'aînesse qu'il

venoit d'acquerir. Il embrassa l'état Eccléfiaftique, & il fut fait Prêtre en 1701.

Si M. l'Abbé de Molieres avoit été fufceptible de repentir après une démarche fi importante, il auroit eu bien-tôt occafion de s'en confoler, & même de la regarder comme une action de prudence. La perte d'un procès considérable & la gelée des oliviers arrivée en 1709, achevèrent de ruiner les affaires de fa famille, déja affez dérangées par la mauvaise économie du père, & y laissèrent à peine de quoi afsurer à M. l'Abbé de Molieres la pension alimentaire qui lui servoit de titre clérical; mais il agiffoit par des motifs plus élevez, un grand fonds de religion animoit dès-lors fon goût pour l'étude & pour la retraite, & avoit été le principal objet du facrifice qu'il venoit de faire. Il entra dans la Congrégation des Pères de l'Oratoire, & il y enfeigna avec fuccès les Humanités & la Philofophie dans les Ecoles d'Angers, de Saumur & de Juilly.

Il en fortit quelques années après, & il vint à Paris. Un feul homme, mais un homme rare, étoit tout ce qui l'y attiroit, & qui le faifoit marcher vers cette Capitale avec plus d'ardeur que les plaifirs & les curiofités dont elle abonde, n'en inspirent même à ceux qui ne cherchent que leur amusement. Il avoit lû les ouvrages du P. Malebranche, c'est lui qu'il venoit chercher, confulter & entendre. Ce Philofophe jouifloit alors de la réputation la plus brillante; dilciple zélé de Defcartes, Commentateur original, Chef de fecte luimême par les idées neuves & fublimes qu'il prêtoit à la Philofophie Cartéfienne, il pouvoit être mal entendu, critiqué, contredit; mais on ne pouvoit s'empêcher d'admirer l'étendue & la beauté de fon génie dans l'enchaînement de ces dogmes mêmes auxquels on refusoit de souscrire. C'est à ce grand maître dans l'art de penfer & d'amener les lecteurs à fa pensée, que M. l'Abbé de Molieres s'attacha étroitement, & dont il a toûjours fait gloire de publier qu'il tenoit toutes ses connoiffances.

Après la mort du P. Malebranche le defir le plus preffant

de M. l'Abbé de Molieres fut d'entrer dans l'Académie des Sciences, Compagnie féconde en Philofophes, & où la mémoire de celui qu'il regrettoit, étoit encore récente. Il reprit l'étude des Mathématiques qu'il avoit un peu négligées pour Métaphyfique, il préfenta quelques Mémoires à cette Académie, & il y fut reçu en 1721 en qualité d'Adjoint pour la Méchanique. Deux années après il obtint la place de Profeffeur de Philofophie au Collége Royal, & en 1729 il monta au rang d'Affocié dans l'Académie.

la

que

Son hiftoire n'eft plus déformais celle de fes ouvrages. Le premier qu'il ait mis au jour eft celui qui a pour titre, Leçons de Mathématique nécessaires pour l'intelligence des principes de Phyfique qui s'enfeignent actuellement au College Royal. C'eft un Traité de la Grandeur en général, où les principes d'Algèbre & le Calcul arithmétique font expofez avec ordre, & les opérations bien expliquées & bien démontrées. Ce livre parut en 1726, & il fut traduit quelques années après en Angleterre par M. Hufelden. Le deffein de M. l'Abbé de Molieres étoit de donner tout de fuite à ses écoliers des Elémens de Géométrie & de Méchanique, mais d'autres occupations lui en ôtèrent le loifir, & il fe contenta pour lors de leur en faire quelques leçons de vive voix, & de les inviter à lire ce que les PP. Taquet & Deschales avoient donné fur ce fujet. On a dit que Platon refusoit l'entrée de fon Ecole à quiconque n'étoit pas Géomètre, dans un fiècle où la Philofophie & les Mathématiques encore au berceau, pouvoient à peine se donner la main; que ne devroit-on pas exiger aujourd'hui de ceux qui veulent étudier la Physique, qui n'eft elle-même qu'une Méchanique perpétuelle & la Géométrie du mouvement?

Enfin M. l'Abbé de Molieres donna au Public le premier volume de fes Leçons de Physique dictées au Collège Royal, & fucceffivement les trois autres volumes, jufqu'en 1739 où parut le quatrième, qui eft le dernier. C'eft de tous les ouvrages le plus étendu, & celui qui lui a fait le plus d'honfon ouvrage favori auquel il rapportoit tous les autres,

neur,

« AnteriorContinuar »