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on imprima en gros caractères et en prose très-laconique tout ce que le jeu des acteurs ne pouvait rendre. Ces cartons étaient roulés, et chaque acteur en avait dans sa poche droite le nombre qui lui était nécessaire pour son rôle. A mesure qu'il avait besoin d'un carton il l'en tirait, le déroulait, et l'exposait aux yeux des spectateurs, puis le mettait dans sa poche gauche. Aux écriteaux en prose on en substitua en couplets, sur des airs connus. L'orchestre jouait l'air; des gens gagés, placés au parquet et aux amphithéâtres chantaient les paroles; le public faisait chorus.

L'invention des écriteaux a fourni à MM. Barré, Radet et Desfontaines, le sujet d'une jolie pièce intitulée, les Écriteaux, ou René Lesage à la foire Saint-Germain, représentée en décembre 1805 (1). On ne sait précisément à qui l'on doit cette in

(1) C'était la seconde fois que Lesage était mis en scène sur le théâtre du Vaudeville. MM. Deschamps, Després, Radet et Barré avaient fait représenter, le germinal an x (26 mars 1802), René Lesage, ou voilà bien Turcaret, vaudeville en un acte.

vention. On pouvait en faire honneur à Lesage.

Les écriteaux que les acteurs portaient dans leurs poches ne laissaient pas de les embarrasser. En 1712, on les fit descendre du cintre. Le nom du personnage qui aurait dû chanter le couplet était écrit en tête, en gros caractères. L'écriteau était porté par deux enfans habillés en amours, qui le tenaient en support et le déroulaient, suspendus en l'air par le moyen de contrepoids. On trouvera dans le premier volume du Théâtre choisi de Lesage, une gravure fidèlement copiée sur celle que Lesage fit faire dans le temps.

Telle était la situation des affaires du tripot forain, lorsque l'auteur de Turcaret, qui dans le prologue de cette comédie avait lancé quelques traits contre ces spectacles, se mit à travailler pour eux, et il n'y travailla que trop long-temps. Nous donnerons à la fin de cette notice la liste chronologique de toutes les pièces que Lesage a composées pour le théâtre de la foire, ou auxquelles il a contribué. Nous indiquerons celles qui feront partie du Théâtre choisi.

Il donna d'abord des pièces par écriteaux, et toutes en chants. De là deux troupes foraines prirent, en 1714, le titre de nouvel Opéra comique.

L'académie royale de musique vendit en 1715 une permission plus ample que par le passé; et c'est de cette année que date le titre d'Opéra comique, que deux spectacles prirent dans leurs affiches.

Dès 1714, on avait mêlé quelques mots de prose parmi les couplets. Plus tard, on en mit davantage comme dans ce que nous appelons aujourd'hui comédie - vaudeville.

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Les comédiens italiens, rappelés en 1716, firent cause commune avec les comédiens français pour persécuter l'Opéra-comique. Les troupes foraines se virent de temps à autre restreintes dans leurs anciennes limites de pièces en monologues.

En 1717, Dominique fils fut reçu dans la troupe des comédiens italiens. La foire Saint-Germain de 1718 fut remarquable par l'apparition de la demoiselle Sallé (1); mais on fut réduit à jouer en écriteaux trois pièces de Lesage, le Château des Lutins, Arlequin Orphée le cadet, et Arlequin valet de Merlin. A la foire Saint-Laurent de la même année, la parole fut rendue aux forains. La Princesse de Carizme fit un tel bruit, que la duchesse d'Orléans voulut la voir, et la fit représenter sur le théâtre du Palais-Royal.

Il n'y eut aux foires de 1719 que des troupes de danseurs de corde, qui ne pouvaient ni chanter, ni parler.

La gêne où l'on retenait les spectacles de la foire inspira à Piron, en 1722, un

(1) Elle est célèbre encore aujourd'hui par ces vers de Voltaire:

Ah, Camargo! que vous êtes brillante!

Mais que Sallé, grands dieux ! est ravissante! Que vos pas sont légers, et que les siens sont doux! Elle est inimitable, et vous êtes nouvelle;

Les nymphes sautent comme vous,
Et les grâces dansent comme elle.

monologue en trois actes et en prose, intitulé, Arlequin-Deucalion. Des personnages à forme humaine qui sont dans la pièce, un seul parle, c'est Arlequin - Deucalion. Mais Polichinelle et un perroquet, n'étant pas des hommes, n'ont pu être

compris dans la défense qui concerne les hommes; et Piron a tiré bon parti de ces interlocuteurs.

Pendant que les directeurs des spectacles forains combattaient contre les Français et les Italiens, les auteurs forains se faisaient la guerre. C'est ainsi que dans l'Arlequin-Deucalion il y a un trait contre Lesage. Morbleu (dit Arlequin à Polichinelle), je t'admire d'avoir si bien dit, maître fou comme tu l'es. Il est bon là (répond Polichinelle)! et qui est-ce qui ne se dément pas quelquefois ? Pourquoi le fou, de temps en temps, ne dirait-il pas de bonnes choses, puisque le sage, de temps en temps, en dit de si mauvaises ?

Ce calembourg n'empêcha pas Lesage de coopérer avec Piron à une parodie (restée

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