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clarté, la liaison & la certitude des P. VA-
veritez geometriques. La Geome- RIGNON
trie le conduifit aux Ouvrages de
Descartes, qui répandirent dans fon
efprit de nouvelles lumieres. L'ar-
deur qu'il avoit d'avancer dans ces
connoiffances lui faifoit prendre fur
les neceffitez les plus abfolues de la
vie de quoi acheter les Livres dont
il avoit befoin pour cela, & cette
ardeur étoit augmentée par l'obli
gation où il fe trouvoit de ne lire
ces Livres qu'en fecret, parce que
fes parens n'approuvoient point l'ap
plication qu'il y donnoit

Il paffa en Theologie, & quoi-
que l'importance des matieres, &
la neceffité dont elles font pour un
Ecclefiaftique le fixaffent davan
tage, il ne pût cependant leur fa-
crifier entierement fa pallion favo-

rite.

Il alloit fouvent difputer à des
Thefes de Philofophie, & il y bril
loit d'un côté par la force & la net-
teté de fes raifonnemens, & d'un
ནྭ་
autre par une voix éclatante & une
grande force de poumons. Ce fut
alors que M. l'Abbé de S. Pierre,

P. VA- qui étudioit en Philofophie dans le RIGNON. même College, le connut.

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Un goût commun pour les cho fes de raifonnement & des difpu tes continuelles furent les liens de leur amitié. Leurs caracteres differens concoururent même à les unir. L'un fe diftinguoit, dit M. de Fon tenelle, par une certaine vigueur d'idées, par une vivacité féconde, par une fougue de raifon, l'autre par une analyfe fubtile, par une précision scru puleufe, par une fage & ingenieufe' lenteur à difcuter tout.

M. l'Abbé de S. Pierre, touché du merite de M. Varignon, le prit avec lui, & réfolut de le mettre en état de fe livrer à fon génie & à fes talens. Quoiqu'il n'eût alors que dix-huit cent livres de rente, il en détacha trois cent qu'il lui donna par contrat.

Il fit plus, il l'amena à Paris en 1686. & s'y établit avec lui dan's une petite maifon du faubourg S. Jacques. Ils commencerent alors à n'être plus fi fort en focieté de penfées. L'Abbé de S. Pierre revenu des fubtilitez fatiguantes & inutiles

:

de la Philofophie, s'étoit tourné du P. VA-
côté des reflexions fur l'Homme, RIGNON
fur les moeurs & fur les principes
du Gouvernement; au lieu que M.
Varignon s'étoit entierement enfon
cé dans les Mathematiques. M. de
Fontenelle & M. l'Abbé de Vertet
les alloient fouvent voir dans leur
retraite, & paffoient même quel-
ques jours avec eux pour goûter le
doux plaifir d'une converfation fça-
vante & philofophique.

M. Varignon, dont la conftitu
tion étoit robufte, du moins dans
fa jeunefle, paffoit les journées en-
tieres au travail; il lui arrivoit
même fouvent que travaillant après
foupé, felon fa coutume, il étoit
furpris par des cloches qui lui an-
nonçoient deux heures après mi-
nuit, & il étoit ravi de fe pouvoir
dire à lui-même, que ce n'étoit
pas la peine de fe coucher pour fe
relever à quatre heures.

Il ne fortoit point d'un fi grand travail avec la trifteffe que la profondeur des matieres dont il s'occupoit pouvoit naturellement lui infpirer, ni même avec la laffitude

P. VA-que la longueur feule de fon appliRIGNON, cation devoit lui caufer; il en fortoit gai & vif, encore plein du plaifir qu'il y avoit pris, & impatient de recommencer,

La folitude où il vivoit ne l'empêcha pas de lier commerce avec plufieurs fçavans des plus illuftres, tels que Meffieurs du Hamel, du Verney, de la Hire. M. du Verney empruntoit fouvent fes lumieres fur ce qui appartient dans l'Anatomie à la fcience des Mechaniques; ils examinoient ensemble les pofitions des mufcles, leurs points d'appui, leurs directions, & M. du Verney apprenoit beaucoup d'Anatomie à M. Varignon, qui l'en payoit par des raifonnemens Mathematiques appliquez à l'Anatomie.

M. Varignon commença en 1687. à fe faire connoître dans le Public par fon Projet d'une nouvelle Mechanique. Cet Ouvrage fut reçu avec applaudiffement par tous les Geometres, & il valut à fon Auteur en 1688. deux places confiderables l'une de Geometre dans PAcademie des Sciences, & l'autre de Pro

feffeur des Mathematiques au Col- P. VAlege Mazarin & dans la fuite RIGNON

celle de Profeffeur des Mathematiques au College Royal, & une entrée dans la Societé Royale de Londres & dans celle de Berlin.

L'affiduité & la contention de fon travail lui cauferent en 1705. une maladie confiderable; il fut fix mois en danger, & paffa trois ans dans une langueur qui étoit vifiblement un épuisement d'efprit. Il en revint cependant, fa langueur fe diffipa, & il fe vit en état de fe donner de nouveau au travail.

Pendant les deux dernieres années de fa vie il fut fort incommodé d'un rhumatifme dans les mufcles de la poitrine, & il ne pou voit marcher quelque tems, fans être obligé de fe repofer pour reprendre haleine. Cette incommodité alla toujours en augmentant, & tous les remedes y furent inutiles. Mais il ne relâcha rien pour cela de fes occupations ordinaires. Enfin après avoir fait fa claffe au College Mazarin le 22. Decembre 4722. fans être plus mal qu'à l'or

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