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tôt à la vûë. Il est vrai que plusieurs de ces erreurs ne peuvent être que fort légeres, mais elles se multiplieront beaucoup, quand de vîtesses trouvées autant en petit que celles-là, on en conclurra les vîtesses en grand.

M. Pitot a trouvé une Méthode exempte de tous ces inconvénients, & fi simple, qu'il a eu de la peine à s'en croire le premier Inventeur. Il n'y a pas plus de difficulté, comme il le dit, qu'à plonger un Baston dans l'eau, & à le retirer. La vîtesse quelconque d'une eau a été ou pourroit avoir été acquise par une chûte d'une certaine hauteur, & il eft démontré & connu de tout le monde qu'avec cette vîtesse acquise l'eau remontera à une hauteur égale à celle d'où elle étoit tombée. Il ne faut donc que présenter à une eau courante un Tuyau vertical, recourbé horisontalement, & même évafé en forme d'Entonnoir, afin qu'elle y entre plus facilement, elle y entrera, & s'élevera dans le vertical à la même hauteur d'où elle auroit dû tomber pour acquerir la vîtesse qu'elle aura, & dans ce moment, & dans cet endroit-là. Or la hauteur d'une chûte étant connuë, on sçait ou par le calcul, ou par des Tables, quelle vîtesse y répond, c'est-à-dire, combien de pouces ou de pieds feront parcourus dans un temps donné.

Nous ne confidérerons que le Tuyau recourbé, & nous ne parlerons point des accompagnements qui lui font nécessaires pour en marquer fics degrés, pour faire hauffer & baisser les marques, &c. tout l'essentiel de la Machine eft dans ce Tuyau. Il ne demande aucune observation du temps, comme les bouses. On est sûr de l'avoir placé dans le fil le plus rapide de l'eau, quand on le voit dans l'endroit où elle monte le plus haut. Il n'importe plus que ce fil soit une ligne parfaitement droite. Si même, comme il arrive quelquefois, il vient un petit Tourbillon d'eau s'engouffrer dans l'Entonnoir selon la direction de ce vase, l'eau monte dans le Tuyau beaucoup plus qu'elle n'eût fait, redescend ensuite, & après quelques balancements se remet à la hauteur où naturellement elle devoit être. Si la vîtesse du même fil d'eau varie, on s'en apperçoit aussi-tôt. La vitesse de la surface n'est pas plus aisée à

prendre

prendre que celle de tout autre endroit, pourvû que le Tuyau foit affés long, & fi un Tuyau de verre ne l'est pas assés pour aller jusqu'au fond d'une eau profonde, on l'allongera par un Tuyau de métal bien mastiqué avec le premier, qui fera la partie inférieure du Tuyau total.

Si l'on se servoit de Tuyaux capillaires, l'eau qui, comme on sçait, s'y éleve par la seule raison qu'ils font capillaires, s'y éleveroit trop, & donneroit une fausse hauteur. Il ne faut donc prendre, si l'on peut, que des Tuyaux qui ayent plus de 4 lignes de diamétre, car alors ils cessent d'estre capillaires, mais si on en employe d'un plus petit diamétre, il sera bien aisé de sçavoir par expérience jusqu'où une eau tranquille s'y éleve, & l'on retranchera cette élevation de celle qu'une eau courante y prendra.

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C'est un grand avantage à la Machine de M. Pitot de pouvoir également mesurer toutes les différentes vîtesses de l'eau depuis sa surface jusqu'à fon fond, car de là dépend la vîtesse moyenne, qu'il seroit nécessaire de bien connoître pour régler juste de grands travaux qu'on auroit à faire sur le cours d'une Riviére. La seule Théorie laisseroit beaucoup d'incertitude sur ce sujet. Les eaux du fond doivent aller plus lentement, parce qu'elles ont des frottements à vaincre, d'un autre côté elles doivent aller plus vite, parce qu'elles font poussées par tout le poids des eaux supérieures; lequel des deux arrivera, ou que résultera-t-il du combat des deux principes opposés? On ne peut pas le déterminer au vrai, & encore moins si l'on fait attention à toutes les variétés dont le fond d'une Riviére est susceptible. Mais les expériences faites par la Machine décident le tout en un moment; de la somme de toutes les vêtesses qu'elle a données, on en tirera aussi-tôt la vitesse moyenne. Ce ne sera que pour la Riviére dont il s'agit, mais quelque chose de général feroit fort sujet à erreur.

M. Pitot a déja joui de la facilité que lui donne sa Machine de mesurer la vîtesse de l'eau à différentes profondeurs, & il rapporte le détail & les résultats des épreuves qu'il en a faites ici tant au Pont-neuf qu'au Pont-Royal. Quand elles feront

Hift. 1732.

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en plus grand nombre, on verra, du moins pour la Seine qui coule à Paris, quels font les rapports des hauteurs aux vîtesses, & en général M. Pitot paroît disposé à n'épargner ni le temps ni ses soins sur quantité de recherches importantes qui appartiennent aux Eaux, par ex. sur la proportion de leurs vîtesses à l'augmentation de leurs volumes par les accroissements qu'elles reçoivent, sur celle de leurs volumes, & de leurs frottements contre les bords, ou sur le fond, &c.

En attendant, M. Pitot fait voir que son idée peut être employée à mesurer le sillage d'un Vaisseau, puisque ce sillage dépend entiérement de la vîtesse, & que la vîtesse du Vaisseau est la même que celle d'une Eau courante sur laquelle il seroit immobile, Deux Tuyaux de métal, placés le plus près qu'il se pourra du centre de balancement du Vaisseau, en perceront le fond pour aller jusqu'à l'eau de la Mer, & il n'y aura rien à craindre de ces ouvertures si petites. Dans ces deux Tuyaux feront enchaffés deux Tuyaux de verre à la hauteur nécessaire pour les observations. L'un sera droit, l'autre recourbé par embas. L'eau dans le premier montera jusqu'à son niveau, dans le second elle montera de plus à la hauteur que lui donnera la vîtesse du Vaisseau, qui devient la sienne propre. La différence des deux élévations sera ce qui appartiendra à la vîtesse du Vaisseau. L'ouverture du Tuyau recourbé sera toûjours tournée dans la direction de la Quille à la Prouë, moyennant quoi on fera la même chose que si on se mettoit exactement dans le vrai fil d'une Eau courante.

On comprend affés que pour faire commodément les opérations de M. Pitot, il faut des Tables où l'on trouve les vîtesses en pieds & en pouces qui répondront aux élévations d'eau observées. Aufsi en a-t-il construit. L'élévation causée par une eau courante ne passe guere 2 1 pouces ausquels répondent 10 pieds par Seconde, qui font à peu-près la plus grande vîtesse que puisse avoir une Riviére. Elle feroit donc 1050 Toises par heure, & il y a bien loin de là à la vîtesse d'un Vaisseau qui dans le même temps feroit 4 Lieuës, c'eftà-dire, 8 fois plus de chemin.

SUR LE MOUVEMENT OU LA DEPENSE

CE

DES EAUX.

t

V. les M.

E qu'on appelle la dépense des Eaux, c'est la quantité
d'eau qu'une source fournit, ou qui fort d'un canal ou p. 113.

d'une conduite en un temps quelconque donné, comme une
Minute; on suppose en ce 2d cas que l'eau forte, non par un
ajutage, qui est un canal rétréci, où l'égalité de l'écoulement
ne se conserve pas, mais à gueule-bée, c'est-à-dire, par une
ouverture égale à celle par où l'eau est entrée dans la conduite.

L'usage a établi que l'on divisat la quantité de l'eau en pouces cubiques, & voici comment M. Mariotte avoit déterminé ce pouce par des expériences. On présente à une eau qui coule horisontalement & d'une vîtesse égale une plaque verticale fort mince, percée d'un trou circulaire, dont le diametre a un pouce; l'eau n'a qu'une ligne d'élévation au deffus du bord supérieur de ce Cercle, de forte qu'elle est 7 lignes au dessus de son centre ; & M. Mariotte appelle 1 pouce la quantité d'eau qui sort en 1 Minute par cette ouverture de I pouce de diametre. Il a trouvé que cette quantité étoit de 13 Pintes mesure de Paris, mais comme il a un peu varié sur ce sujet, M. Couplet croit qu'il est plus fûr de s'en tenir à 13 Pintes, conformément à d'anciennes expériences faites par d'autres Académiciens, Mrs Roemer, Picard, & Couplet le Pere. N'y eût-il qu'une plus grande facilité de calcul, elle fuffiroit pour déterminer un choix dans une fi petite différence. On appellera donc source de I pouce celle qui dans les circonstances posées donneroit en 1' 13 Pintes, ou, ce qui revient au même, on appellera I pouce cette quantité d'eau fournie en 1'. On sçait combien il y a de pouces cubiques d'eau dans une Pinte de Paris, & d'ailleurs le rapport de la Pinte au Muid étant connu, on sçaura combien il viendroit de Muids, ou de parties de Muid en 1 heure, combien en 1 jour, &c.

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Sur ce principe, & par une simple regle de proportion, il sera très-aisé de voir de combien seroit plus forte ou plus abondante une source qui en I' donneroit plus que r pouce d'eau, ou de combien au contraire elle seroit plus foible, fi elle en donnoit moins. Celle, par ex. qui donneroit I pouce d'eau en 1" seroit 60 fois plus forte, ou donneroit 60 fois plus de pouces cubiques d'eau. Il ne faut donc que voir pendant quel temps se remplira d'eau de la source ou de la conduite proposée un vaisseau dont on connoîtra exactement le nombre de pouces cubiques d'eau qu'il peut contenir, & qui fera une mesure générale, appellée pour cela étalon. Il seroit plus naturel & plus simple que l'étalon fût précisément de 13 + Pintes de Paris. M. Couplet employe toûjours pour la mesure du temps de l'écoulement le Pendule à demi-fecondes. Si l'étalon se remplit en 120 demisecondes, qui sont i', la source est donc de I pouce; s'il se remplit en I demi - seconde, la source est de 120 pouces; c'est-à-dire, qu'elle donnera 120 pouces en 1'. M. Couplet a const uit des Tables, où il marque la différente quantité de pouces d'eau, qui répondent de demi-seconde en demi - seconde aux différents temps, pendant lesquels un même étalon se remplit.

A cette occafion M. Couplet fait une remarque qui ne paroît pas devoir être oubliée. Le Pendule, qui bat les secondes à Paris, doit être accourci pour les battre encore dans des Climats plus proches de l'Equateur, & de-là il semble s'ensuivre qu'on ne pourra pas mesurer par tout avec le même Pendule le temps de l'écoulement de l'eau. Mais la necessité d'accourcir le Pendule en approchant de l'Equateur, vient de ce que la pesanteur des corps y eft moindre; or l'écoulement des eaux est un effet de leur pefanteur, & par conféquent la même cause étant également diminuée dans les deux effets, il n'y arrivera point de changement de l'un par rapport à l'autre.

Comme la mesure ou jauge des eaux se fait toûjours extrêmement en petit avec un étalon, & que par conféquent la

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