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DISSERTATION

SUR

L'AMPUTATION,

Où l'on déduit les différents moyens dont on s'eft fervi pour faire cette opération, & pour arrêter le fang des Arteres, depuis Hippocrate jufqu'à la fin du Siècle

dernier.

JE

Par M. PETIT le Médecin.

E ne parlerai dans cette Differtation que des principaux 21 Juin Auteurs qui ont décrit l'opération de l'Amputation. I 1732. seroit ennuyeux & même inutile de les parcourir tous. Mon deffein eft d'exposer en raccourci tout ce qu'on a inventé depuis Hippocrate, pour rendre cette opération plus utile, plus fûre & plus parfaite.

Celle, qui vivoit plus d'un fiécle avant Galien, eft le premier auteur dans lequel on trouve la description de cette opération; il ne la donne pas comme nouvelle, & quoique fa chirurgie foit, dit-on, tirée d'Hippocrate & d'Afclepiade, il ne cite ni l'un ni l'autre par rapport à cette opération.

·Hippocrate traite de la Gangrene & du Sphacele, il dit qu'il faut amputer ce qui eft pourri, mais il ne décrit point l'amputation du membre. Afclepiade vivoit un fiécle avant Jefus-Chrift b, nous n'avons rien de lui fur cette matiére, on ne fçait s'il a fait cette opération. On en doit dire autant d'Erophile & d'Erafiftrate, qui faifoient les opérations de Chirurgie, comme je l'ai dit ailleurs *. Nous ne trouvons donc aucune defcription de cette opération avant Cellfe. Il ne an. 1725: faut point douter qu'elle n'ait été faite avant lui, & même

De articul. 4. obferv. 17. de morb. vulg. lib. 2. Sect. 7. Epidem.

lib.

7.

b Daniel le Clerc, dans fon hiftoire de la Médecine, edit. 1723.p. 392.

dit que ce Médecin étoit dans une
grande réputation à Rome pendant
la vie de Mithridate, c'est-à-dire, vers
le milieu du fiécle XXXIX.

* Mem. Acad.

P. 8.

qu'elle n'ait été décrite par quelques auteurs dont les ouvrages ont été perdus. Selon toute apparence on n'a fait cette opération dans ces temps-là, & même depuis, jufqu'au 15 me fiécle, qu'à l'occafion du Sphacele furvenu à un bras ou à une jambe. Il paroît qu'on la devoit faire très-rarement, parce que les malades étoient toûjours en danger de mourir, &, felon Celfea, mouroient le plus fouvent par l'hémorragie pendant l'opération. Il ne faut pas s'en étonner, Celfe ne faifoit point de ligature au deffus du lieu qu'il vouloit amputer, pour comprimer les vaiffeaux, & y fufpendre l'hémorragie, du moins il n'en dit rien dans la defcription de fon Lib.7.7.33. opération. La voici : Igitur inter fanam vitiatamque partem incidenda fcapello caro ufque ad os eft fic, ut neque contra ipfum articulum id fiat, & potius ex fana parte aliquid excidatur, quam ex ægra relinquatur. Ubi ad os ventum eft, reducenda ab eo fana caro, & circa os fubfecanda eft, ut ea quoque parte aliquid offis nudetur: dein id ferrula præcidendum eft, quam proxime fana carni etiam inhærenti, ac tunc frons offis quam ferrula exafperavit, lavanda eft fupraque inducenda cutis, quæ fub ejufmodi curatione laxa effe debet, ut quam maxime undique os contegat. Quo cutis inducla non fuerit, id linamentis erit contegendum, & fuper id fpongia ex aceto deliganda. Cætera poftea fic facienda, ut in vulneribus, in quibus pus non moveri debet, præceptum eft.

On ne voit dans cette description aucun moyen de fufpendre l'hémorragie, & voilà pourquoi les malades mouroient fouvent par la perte de leur fang pendant l'opération, Ce qu'il y a de furprenant, c'eft qu'on ne trouve point ce moyen dans aucun des auteurs qui ont décrit cette opération jusqu'au 16me fiécle.

Paul Æginete, Avicenne, Guy de Chauliac, n'en disent pas un mot. Guy de Chauliac, qui vivoit vers le milieu du 14me fiécle, faifoit deux ligatures, une au deffus de l'endroit où il devoit faire l'amputation, & une autre au deffous, mais il ne

a Lib.7.cap.33. Sed id quoque

in ipfo opere, vel profufione fanguicum fummo periculo fit, nam fæpe | nis, vel animæ defectione, moriuntur.

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dit point qu'il les faifoit pour fufpendre l'hémorragie, ou même pour ôter le fentiment à la partie. Il eft aifé de comprendre qu'il ne les faifoit que pour affujettir les chairs, & les affermir de manière que le couteau pût les couper plus uniment & avec plus de facilité, ce que l'on fait encore aujourd'hui. On ne fçait fi Vefale s'eft fervi d'une ligature pour fufpendre l'hémorragie, on ne le voit pas bien clairement dans fa description.

Bartholomæus Maggius a, qui a écrit vers le milieu du 1 6me fiécle, & dont les œuvres ont été recueillies par Gefner, faisoit une ligature fur la partie faine au deffus de la partie corrompuë. L'on ferroit cette ligature très-fort, pour ôter en quelque maniére le sentiment à la partie. Il ne parle point du tout des moyens de fufpendre l'hémorragie pendant l'opération. Il dit que Celfe faifoit une ligature au deffus de la partie corrompuë, mais Celle n'a point décrit fon opération de la maniére dont Maggius la rapporte. J'ai fait voir ci-deffus qu'il ne dit rien de cette ligature. Botal 1, Médecin de Charles IX, dit qu'on faifoit trois ligatures de fon temps, une fans doute pour ôter le sentiment (il ne le dit pas pofitivement), & les deux autres au deffus & au deffous de l'endroit où l'on devoit couper le membre, fans rien dire des moyens de fufpendre l'hémorragie.

Paré, Chirurgien de Charles IX, dit c que lorsque l'on veut amputer un membre, il faut tirer la peau & les muscles vers la partie faine, & faire une ligature extrême au deffus de l'endroit où l'on voudra couper, avec un fort lien délié & de figure plate. Elle fert, dit-il, 1.° à tenir le cuir & les mufcles relevés en haut avec l'aide des ferviteurs. 2.° Elle prohibe l'hémorragie. 3.° Elle ôte le fentiment à la partie. Voilà le premier auteur que j'ai trouvé qui parle bien clairement de la maniére de fufpendre l'hémorragie pendant l'opération.

Pigray, Fabrice d'Aquapendente, Fabrice Hildam, & tous les Chirurgiens qui font venus après lui, l'ont mise en ufage. • Oeuvre de Chirurgie, liv. 12. des combuftions & gangrenes, edit. 1664.

De vulner. fclop. cur. de memb. Sphacelo affecti & corrupti excifione.

b Leonardi Botalli opera de vulner. fclopet. c. 23.p.789. edit. 166.. de Van Horne.

Mem. 1732.

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Il est vrai que cette ligature ne suspendoit pas toûjours & totalement l'hémorragie, car les vaiffeaux laiffoient échapper plus ou moins de fang malgré cette ligature: cet inconvénient mettoit quelquefois le malade en danger de perdre la vie. Le S. Morel, Franc-Comtois, Chirurgien d'armée, & fort ingénieux, a trouvé le moyen d'arrêter le fang avec plus de fûreté; il a inventé le Tourniquet en 1674, de la maniére dont on s'en fert aujourd'hui a. Avec cet inftrument on est le maître d'arrêter totalement le fang, & d'en laiffer couler fi peu & autant que l'on veut, en le ferrant plus ou moins. H ôte le fentiment à la partie, enforte que les malades ne fentent point une douleur fi vive, lorsque l'on coupe les chairs, & que l'on fait la ligature des vaiffeaux, ce qui fait qu'ils fupportent avec plus de patience cette cruelle opération; avantage qui ne fe trouve qu'imparfaitement dans la ligature de Paré.

la

Un des défauts de ce Tourniquet eft, dit-on; de pincer peau, & de caufer des douleurs très-vives; ce qui est vrai, lorfque le Chirurgien n'a pas l'adreffe de l'accommoder comme il faut, mais avec un peu de foin & d'attention, & à l'aide d'un carton que l'on met à l'endroit du bâton ou garot, on évite cet accident.

Un autre défaut que l'on donne à ce Tourniquet eft que fi l'on apprehende l'hémorragie après l'opération, on ne peut le laiffer fur la partie, parce qu'il fupprime totalement la circulation du fang au deffous de l'endroit où il eft appliqué. Cette partie courroit risque de tomber en mortification, ce qui a engagé quelques Chirurgiens habiles à imaginer de nouvelles Machines dont je parlerai dans un Mémoire, où j'exposerai celles qui ont été inventées depuis le dernier fiécle pour fufpendre & arrêter l'hémorragie des Arteres. En attendant, je dirai que le S. Morel n'a prétendu fe fervir de fon Tourniquet que pour fufpendre fûrement l'hémorragie dans le temps de l'opération, & jufqu'à ce qu'on s'en foit rendu maître par la ligature des vaiffeaux, ce que l'on n'avoit encore Voyés l'Art de faigner du Sr Meurisse, edit. 1728. p. 302.

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