CONSTRUCTION

D'UNE NOUVELLE BOUSSOLE, Dont l'Aiguille donne par une feule & même opération, l'Inclinaifon & la Déclinaifon de l'Aimant, avec plus de précifion, plus de facilité que ne font les Inftruments employés jusqu'à présent.

Par M. BU ACHE.

1732.

N fçait aujourd'hui que l'Aiguille aimantée n'eft prefque 23 Avril jamais exactement dirigée vers les Poles du Monde, & qu'elle forme prefque toûjours un angle avec la ligne méridienne. On fçait encore que la quantité de cet angle n'est fixe dans aucun endroit de la Terre, & que l'Aiguille aimantée eft dans une espece de balancement perpétuel, par lequel elle s'écarte de la ligne méridienne, tantôt vers l'Eft, tantôt vers l'Ouest, d'un certain nombre de degrés plus ou moins grand, fuivant les différents endroits de la Terre. L'on n'a, je crois, aucune observation qui puiffe faire croire qu'il ait été de plus de 1 5 degrés à Paris, en d'autres endroits il va jufqu'à 25, & même jufqu'à plus de 30 degrés. L'Aiguille de la Bouffole parcourt ainfi continuellement un arc de l'horifon, de 30, de so, ou même de plus de 60 degrés, pris de l'Eft à l'Ouest, & divifé en deux parties égales, par le Pole du Monde, ou du mouvement diurne.

Lorsque l'on commença à s'appercevoir de ce phénomene, ou de la déclinaifon de l'Aiguille aimantée, on remarqua quelques endroits de la Terre où cette Aiguille fe dirigeoit exactement vers le Pole. On crût d'abord que la caufe de cette direction de l'Aiguille étant conftante, la connoiffance de fa fituation, par rapport à la ligne méridienne, dans les différents endroits de la Terre, pourroit donner celle des Longitudes. On avoit remarqué entre les lieux où l'Aiguille Mem. 1732. , ᏴᏏᏏ

n'avoit point de déclinaison, que fon éloignement du Pole vers l'Eft ou vers l'Ouest, suivoit une certaine progreffion, & l'on crût que ce rapport demeureroit toûjours le même.

De nouvelles obfervations montrérent que l'on s'étoit trompé, & que la fituation de l'Aiguille aimantée, ou de sa ligne de direction, représentée par cette Aiguille, changeoit perpétuellement par rapport aux Méridiens du monde. On s'apperçut que dans les lieux où l'on n'avoit trouvé aucune déclinaison, on en remarquoit au bout de quelques années, & que dans ceux où l'on avoit observé une variation d'une certaine quantité, cette quantité augmentoit ou diminuoit. Par-là, on reconnut que le retour du même angle ou 'de la direction de l'Aiguille avec le Méridien, ne se devoit faire qu'au bout d'un certain nombre d'années, & qu'ainsı il feroit très-important de s'affûrer du temps de ce retour périodique, parce que fi ce temps étoit une fois bien connu, on pourroit le fervir des anciennes obfervations de la déclinaifon de l'Aiguille, pour déterminer la longitude avec prefque autant de certitude, que fi cette déclinaifon étoit fixe.

L'utilité, dont l'exécution de ce projet seroit dans la Navigation, a engagé de très-habiles gens à s'y appliquer. Mais peut-être, comme l'a remarqué feu M. Delifle, mon beaupere, fe font-ils un peu trop hâtés de former des fyftemes généraux fur la fituation des prétendus Méridiens magnétiques de notre globe, & fur le mouvement de ces Méridiens autour des Poles du mouvement diurne.

M. Delifle, qui a beaucoup travaillé sur cette matiére, & qui a même propofé autrefois à la Compagnie, les vûës générales qu'il avoit fur ce fujet, a laiffé dans fes papiers un recueil de plus de huit à dix mille obfervations de la déclinaison de l'Aiguille aimantée, qu'il a tirées de différents auteurs. Cette collection immense, en comparaifon de celle du P. Riccioli, qui ne contient que quatre cens obfervations ou environ, remonte quarante-fix ans avant la plus ancienne de celles que M. Halley a publiées, c'est-à-dire, jufqu'à l'an 1534. On en trouve, à la vérité, une de l'an 1 269, publiée

par M. Thevenot, Garde de la Bibliotheque du Roi, dans un recueil de divers morceaux de Géographie & de Physique; mais jufqu'à ce que les circonftances du lieu & du temps de cette obfervation foient un peu mieux connues, on ne peut en faire ufage.

M. Delille avoit réfolu de faire par lui-même une fuite d'observations exactes fur la variation de l'Aiguille aimantée; je fuis perfuadé que ce travail lui faifant connoître les erreurs & les méprifes dans lefquelles les Voyageurs & les Navigateurs peuvent tomber, en obfervant la déclinaison, faute de prendre certaines précautions, l'auroit mis mieux en état de comparer les diverses observations entr'elles, de voir celles qu'il falloit préférer, lorsqu'il s'en trouvoit de contraires, & par-là d'établir fur la comparaifon de toutes les obfervations qu'il avoit raffemblées, des principes plus affûrés & plus capables de nous conduire un jour à la connoiffance du fyfteme général des variations, s'il est possible d'y parvenir. La mort qui l'a enlevé dans un âge peu avancé, ne lui ayant pas permis de pouffer affés loin l'execution de ce projet, j'ai crû devoir m'y appliquer sérieufement pour remplir fes vûes, & pour répondre à l'honneur que j'ai d'occuper fa place dans l'Aca

démie.

Je compte, Meffieurs, vous mettre fous les yeux, le réfultat de fon immenfe collection, dans une fuite chronologique de Cartes réduites qui représenteront pour chaque époque, le rapport des différentes lignes de direction magnétiques obfervées, ou l'angle qu'elles forment avec les Méridiens du Monde, afin que l'on puiffe appercevoir d'un coup d'oeil, la différence qui fe trouve entre ces différentes lignes, dans une même année, & celle qui fe trouve entre les mêmes lignes, après un certain nombre d'années.

Avant. que de m'engager à ce travail qui demande du temps, j'ai crû devoir examiner la maniére dont on obferve la variation. Cet examen m'ayant fait appercevoir l'imperfection des inftruments que l'on employe pour ces obferva tions, j'ai cherché le moyen d'y remédier, & je crois l'avoir