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le Miniftre. Il falloit que l'Eglife Chrétienne déjà formée, & répandue dans une grande partie du monde, fût témoin de la vengeance exercée contre cette Ville meurtrière des Prophètes & du Fils de Dieu, & que le Chriftianifme vit. la ruine des Juifs fes premiers & fes plus dangereux ennemis.

Nous avons fuivi dans cet ouvrage, autant qu'il a été poffible, le ftyle & les manières de parler des Ecrivains facrés. Nous n'avons pas cru pouvoir mieux narrer, ni donner une plus belle, plus naïve, & plus agréable peinture des mœurs antiques, du caractère des Patriarches, du goût & des fentimens des Juifs, qu'en imitant la noble fimplicité des Historiens infpirés, & en fuivant leur briéveté, leur précision, leur gravité, l'air férieux & plein de fageffe qui les accompagne toujours. Le choix des événemens, l'ordre dans lequel ils font arrangés, l'art avec lequel ils font amenés & mis dans leur jour, la manière toujours touchante, & propre à infpirer la crainte de Dieu, à faire connoître fa Providence & fa Juftice, dont ils font racontés; tout cela nous a paru digne de notre respect, & nous nous fommes fait une Religion de conferver içi, autant que nous avons pu, tous ces caractères.

Nous y avons feulement ajouté de temps en temps quelques termes, ou quelques réflexions courtes, pour répandre du jour fur certains textes, ou fur cerraines circonftances, que l'éloignement des temps, la diverfité de nos mœurs, & la nature même de la chofe, rendoient obfcures & difficiles à entendre, Dans d'autres endroits, qui demandoient une plus longue difcuffion, nous avons mis de courtes Notes à la marge, ou au bas de la page & nous avons renvoyé à notre Commentaire fur l'Ancien Teftament, ou aux Differtations que nous y avons faites fur les endroits les plus remarquables.

Le premier âge du Monde depuis la création de l'Univers jufqu'au Déluge, n'eft prefque qu'une fuite généalogique de deux races; l'une de Caïn, & l'autre de

Seth. Durant tout cet efpace, qui eft de 1656 ans, l'Histoire ne nous fournit, pour ainsi dire, que des noms d'hommes & des dates, fans prefque aucuns faits, ni aucunes circonftances détaillées. L'Hiftoire du Déluge y eft fort particularifée; mais de-là jufqu'à la conftruction de la Tour de Babel, on ne remarque rien, finon les généalogies des trois fils de Noé, qui ont peuplé tous les pays du monde. Cet endroit eft d'une conféquence infinie pour l'Hiftoire, puifqu'on y trouve la vraie origine des Nations: origine dont la mémoire ne s'eft fidellement confervée, que dans les feuls Livres facrés des Hébreux; c'eft à ces Livres qu'il faut recourir, fi l'on veut fe défabufer des fables que la plupart des peuples ont forgées fur leurs antiquités.

Depuis la Tour de Babel jufqu'à la vocation d'Abraham, l'Hiftoire nous fournit fimplement la généalogie de Sem, jufqu'à Tharé, père d'Abraham. C'est proprement à la vocation de ce Patriarche, que commence l'Hiftoire de l'Ancien Teftament. Tout le refte femble n'avoir été dans le premier deffein de l'Auteur facré, que comme un préambule à l'égard de ce fait. Peut-être même que l'Hiftoire d'Abraham, & celle des Patriarches, c'eft-à-dire toute la Genèfe, n'étoit, felon la pensée d'Eusèbe (1), que comme une préparation aux Livres de la Loi. Les Lois & l'établif fement de la Religion des Hébreux, formoient le premier & le principal objet de Moïfe. Ce fage Législateur vouloit dans la Genèse faire connoître aux Juifs leur véritable origine, & le choix tout gratuit que Dieu avoit fait de leur Nation, pour la rendre fon Peuple choifi, & pour établir fes lois, fon culte & fon facerdoce (2). Il vouloit leur faire voir les titres de leur nobleffe, & le droit inconteftable qu'ils avoient à la terre de Canaan, par la promeffe que Dieu en avoit faite à leurs pères.

11) Eufeb. Præpar. 1. 6. c. 9.& 11.

Dans les quatre Livres qui fuivent la Genèfe, Moïfe s'applique principalement à rapporter les Lois à mesure que Dieu les lui donne ; il en marque quelquefois l'occafion & les motifs. Il entre dans de grands détails des cérémonies pour le Sacré, & des Lois judicielles pour le civil. Quelques-unes de ces Lois regardoient le temps du voyage du Défert; d'autres ne devoient s'observer qu'au temps de la demeure fixe des enfans d'Ifraël dans la terre de Canaan. Nous avons donné dans cette Hiftoire un précis exact de ces Lois, qui font tout le fondement de la République, de la Religion & de la Police des Hébreux. Ön ne peut fe former qu'une idée très-imparfaite de cette Nation, & de fon Etat temporel, fans avoir une jufte notion de fes Lois. Le bonheur de les avoir reçues de Dieu même, eft un des plus grands avan¬ tages des Ifraélites. C'eft ce qui les élevoit réellement au-deffus des autres peuples les plus puiffans & les plus nombreux (1).

Cette Nation opprimée dans l'Egypte, formée, inftruite & policée dans le Défert, fut introduite par Jofué dans la terre promise. Dieu feul en fut le Roi (2), le Chef & le Protecteur. Moïfe, Jofué & les Juges ne furent que fes Lieutenans & les exécuteurs de fes ordres. Lorfque fous Samuel, les Hébreux demandèrent un Roi, Dieu s'en plaignit comme d'un outrage fait à fa domination & à fon autorité fouveraine. Ce n'eft point vous qu'ils ont méprifé, c'eft moi, dit le Seigneur à Samuel (3). Il leur accorde Saül dans fa colère (4), & enfuite David dans fa miféricorde (5). Les Rois fucceffeurs de David & de Salomon dans le Royaume de Juda, ne vérifièrent que trop les menaces, ou les prédictions que Samuël avoit faites aux Ifraélites, en parlant du Droit des Rois. Ils exercèrent une domination dure, & imposèrent à leurs

(1) Deut. IV. 6. 7.
(2) Deut. XXXII. 12.
(3) 1. Reg. vIII. 7. 8. 9.

(4) Ofée x111. II.
(5) 1. Reg. xIII. 14.

1

Sujets le même joug, que les autres Rois avoient coutume d'impofer aux leurs. Ceux qui régnèrent dans Juda, furent pour la plupart moins mauvais que ceux qui régnèrent fur les dix tribus: ces derniers furent prefque tous des prévaricateurs & des méchans, qui foulèrent aux pieds la Loi de Dieu, & qui introduifirent dans Ifraël le culte des Idoles, & la fuperftition.

Les Prophètes que Dieu fufcita fous les Rois de Juda & d'Ifraël, furent presque les feuls appuis de la Religion ébranlée. Leur vie exemplaire, le SaintEfprit qui parloit en eux, les miracles qui les accompagnoient par-tout, leurs prédictions toujours fuivies de l'effet; tout cela leur donnoit une très-grande autorité parmi le peuple, & même parmi les étrangers. On trouvoit dans ces Prophètes & dans leurs Difciples une ressource contre le déréglement des mœurs & contre l'ignorance. Ils inftruifoient, ils menaçoient, ils intimidoient & les Rois & les peuples. La Juftice de Dieu toujours attentive à punir le crime, & à protéger la vertu, fe déclara dans mille occafions, par des prodiges éclatans, capables de forcer l'incrédulité & l'endurciffement de ceux qui n'ont point tout à fait renoncé à la bonne foi, & qui n'ont point étouffé la voix de la raison. C'eft de quoi on verra grand nombre de preuves dans cette Hiftoire.

La longue captivité de Babylone fut comme un déluge, ou comme une expiation folennelle, qui purifia la terre d'Ifraël des abominations, dont les Hébreux l'avoient fouillée. Ceux qui revinrent de cet exil, inftruits par les maux dont Dieu avoit accablé leurs pères, demeurèrent foumis à ses ordres, & plus fidel les à pratiquer fes Lois, que n'avoient été leurs ancêtres, dans le temps de leur élévation & de leur prof périté. Les perfécutions d'Antiochus Epiphanes & de fes fucceffeurs, furent comme un feu qui les purifia encore davantage.

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La Religion de Mathatias & de fes fils, la conf tance du faint vieillard Eleazar, des fept frères martyrs Macchabées & de leur mère, font un des plus

beaux & des plus riches ornemens de l'Hiftoire des derniers temps de l'Ancien Teftament. Dieu parut renouveler alors les prodiges qu'il avoit faits autrefois en faveur de fon peuple fous Moïfe, fous Jofué & fous Samuël, par les fuccès prodigieux dont il favorifa les armes de Judas Macchabée & de fes frères.

Ce fut vers ce temps-là que fe formèrent dans Ifraël les Sectes fameufes des Pharifiens, des Saducéens & des Efféniens. Quoiqu'on ignore le véritable Auteur de ces Sectes, & le temps précis auquel elles commencèrent, on ne peut guère les confidérer, fur-tout celle des Pharifiens & celle des Saducéens, que comme des productions d'hommes pleins d'eux-mêmes, & vides de l'efprit de Dieu, qui introduifirent dans Ifraël des fentimens nouveaux & des pratiques fingulières, qui donnant aux Lois de Moïfe des explications arbitraires, firent naître dans la Religion l'esprit de curiofité, de fingularité, de difpute & de division, qui eft la fource ordinaire des héréfies & de la licence, premièrement dans les fentimens, & enfuite dans les mœurs. Auffi la fuperftition & l'hypocrifie prirent la place de la folide & fincère piété. Aux prévarications fcandaleufes, & aux défordres groffiers des anciens Hébreux, fuccédèrent d'autres vices plus fpirituels, & par-là plus dangereux; de forte que quand JesusChrift parut dans la Judée, il trouva les efprits des Pharifiens, des Saducéens, des Hérodiens, & de la plupart des Prêtres & des Docteurs de la Loi, remplis de faux préjugés, entêtés de fauffes traditions & de mauvaifes explications des Ecritures; & lorfqu'il voulut les ramener au premier efprit de la Loi, à la vérité primitive, & qu'il entreprit de les détromper de leurs erreurs, il trouva leurs cœurs fermés à fes inftructions, & révoltés contre fa personne; enfin leur animofité les porta jufqu'à le faire mourir ignominieufement, fur les prétextes les plus frivoles & les plus mal fondés.

Le gouvernement des Hébreux a souvent changé de forme. Avant la fortie d'Egypte, les Anciens con

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