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d'Agar, qui n'ont point de part à l'héritage du ciel, qui n'appartient qu'aux enfans de Dieu. Si nous fommes enfans, Rom. 8 dit l'Apôtre, nous fommes héritiers: S1 17• filii, & hæredes. Mais fi nous ne sommes pas enfans, nous ne fommes donc pas héritiers. Or qui n'a fujet de craindre de n'être pas du nombre des enfans de Dieu ? Ce n'eft pas un mal de le craindre, puifque cette crainte peut nous aider à le devenir, fi nous ne le fommes pas encore, ou à nous conferver dans cette heureufe qualité, fi nous le fommes. Tirons donc avec foin les conclufions qui naiffent de cette doctrine & occupons-nous l'efprit des réflexions. qu'elle donne lieu de faire.

que

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Concluons de cette doctrine, que fans l'amour de Dieu, ou parfait ou commencé, on ne peut être bien difpofé à recevoir la rémiffion de fes péchés par le ministere des Prêtres, puifque les Sacremens de la loi nouvelle, comme la Pénitence demandent des difpofitions qui appartiennent à la loi nouvelle, & qu'il n'y a que l'amour qui y appartienne.

Concluons-en qu'il eft néceffaire, pour agir chrétiennement, d'agir par l'efprit de charité, puifqu'il eft néceffaire d'agir en enfant de Dieu, & que toutes les actions qui n'ont point la charité pour prin

Philip. 2,

$2.

cipe, ne font que des actions d'efclaves & non d'enfans.

Apprenons-en à ne pas mettre notre confiance dans les feules bonnes œuvres extérieures; parce qu'on peut demeurer encore efclave, & être exclus du nombre des enfans de Dieu, avec cette multitude de bonnes œuvres extérieures.

Apprenons-en à opérer notre falut avec crainte & tremblement ; puifque tout ce qui nous rend vivans & enfans de Dieu confiftant dans cet amour intérieur, comme nous ne fommes jamais entiérement affurés de cette difpofition du cœur, nous ne pouvons jamais avoir une entiere certitude que nous foyons effectivement vivans, & nous avons toujours lieu de craindre qu'on ne puiffe dire de nous Apoc. 3, avec vérité: Vous avez la réputation d'être vivant mais vous êtes mort : NOMEN habes quod vivas, & mortuus es. Apprenons-en à ne jamais nous élever d'aucunes qualités extérieures de corps.& d'efprit; puifqu'aucune de ces qualités ne nous donnant une entiere assurance que nous ne fommes point efclaves, ne peut nous donner aucune certitude que nous ne fommes pas dans l'extrêmité de la mifere & de la baffeffe.

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Apprenons- en à ne nous élever audeffus de perfonne; car ceux à qui nous

voudrions nous préférer, font peut-être du nombre des élus, & par conféquent, peuvent être nos maîtres dans l'ordre que Dieu met invisiblement entre les hommes, qui eft le feul véritable.

Et enfin apprenons-en à n'eftimer heureux que ceux qui poffedent la vraie liberté, que donne la charité, & à faire ainfi de ce bien unique, l'objet de nos défirs & de nos prieres pendant toute

notre vie.

SUR L'EVANGILE

DU IV DIMANCHE DE CARÊME.

EVANGILE. S. Jean, 6 I.

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N ce temps-là, Jefus s'en alla au

E delà de la mer de Galilée, qui est lo

lac de Tiberiade, & une grande foule de peuple le fuivoit, parce qu'ils voyoient les miracles qu'il faifoit fur les malades. Jefus monta fur une haute montagne, & s'y affit avec fes difciples. Or le jour de Paque, qui eft la grande fête des Juifs, étoit proche. Jefus ayant donc levé les yeux, & voyant qu'une grande foule de peuple venoit à lui, dit à Philippe : D'où acheterons-nous des pains pour donner à manger

à tout ce monde? Mais il difoit ceci pour le tenter; car il favoit bien ce qu'il devoit faire. Philippe lui répondit : Quand on auroit pour deux cens deniers de pain, cela ne fuffiroit pas pour en donner à chacun tant foit peu. Un de fes difciples, qui étoit André, frere de Simon - Pierre, lui dit :

y a ici un petit garçon qui a cinq pains d'orge & deux poiffons: mais qu'est-ce que cela pour tant de gens? Jefus leur dit : Faites-les affeoir. Ör il y avoit beaucoup d'herbe dans ce lieu-là, & environ cinq mille hommes s'y affirent. Jefus prit donc les pains; & ayant rendu graces, il les diftribua à ceux qui étoient affis, & il leur donna de même des deux poiffons autant qu'ils en vouloient. Après qu'ils furent raffafiés, il dit à fes difciples: Amaffez les morceaux qui font reftés, afin que rien ne fe perde. Ils les ramafferent donc, & emplirent douze paniers des morceaux des cinq pains d'orge qui étoient reftés après que tous en eurent mangé. Et ces perfonnes ayant vu le miracle qu'avoit fait Jefus, difoient: C'est là vraiment le Prophete qui doit venir dans le monde. Mais Jefus fachant qu'ils devoient venir l'enlever pour le faire roi, s'enfuit encore fur la montagne lui feul.

تم

I.

Sa

EXPLICATION.

Aint Auguftin remarque fouvent que quelque grand que fût le miracle par lequel Jefus-Chrift nourrit cinq mille perfonnes de cinq pains d'orge & de deux poiffons, il n'étoit point plus grand que ce que Dieu fait tous les jours pour la nourriture des hommes. Que Dieu multiplie tout-d'un-coup par luimême cinq pains en une quantité capable de fuffire à cette multitude, ou qu'il multiplie des grains par le moyen de la terre, & nourriffe cette même multitude par la voie ordinaire, la merveille est affez égale. Cependant les hommes font furpris de l'une, & le font fi peu de l'autre, qu'ils n'y penfent pas feulement. Ils conçoivent que Dieu agit en l'une, & s'imaginent que ce font les caufes fecondes qui produisent l'autre ; & ils ne comprennent pas que ces caufes fecondes n'ont, ni mouvement, ni force par ellesmêmes; qu'il faut que Dieu les remue & les faffe agir; qu'il les conduife, & qu'il produife par elles l'effet que fa pro

vidence a ordonné.

Ce qu'il y a en cela de plus fâcheux, c'eft que les hommes mefurent auffi leur gratitude fur ces jugemens fi peu folides. Ils font fort touchés des fecours extraor

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