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qui engagent à plus d'occupations baffes & terreftres. Jefus - Chrift, ni l'Eglife n'ont point remis le difcernement de ces états aux opinions que les hommes en pourroient avoir. Ils nous ont prefcrit ce qu'il faut en juger, en préférant la virginité au mariage, & la pratique de tous les autres confeils aux états où l'on ne fauroit les obferver. Il y a donc de la cruauté à en détourner ses enfans ; & l'on ne fatisfait à ce qu'on leur doit qu'en leur fouhaitant les vocations que PEglife préfere & qu'elle juge les plus favorables pour leur falut, & en faifant ce que l'on peut pour les leur procurer par une éducation toute chrétienne.

IV. Il faut pratiquer ces regles, non par des intérêts bas & groffiers, comme feroit celui de fe décharger d'une partie de fes enfans pour en charger l'Eglife; d'enrichir les aînés & de conferver l'éclat des maisons, mais dans la vue unique de leur bien fpirituel; & par conféquent il faut les pratiquer à l'égard de tous, & à l'égard des aînés auffi-bien que des cadets; parce qu'il n'y en a aucun à qui l'on ne doive fouhaiter ce qui eft plus avantageux pour fon falut. Heureufes les maisons qui feroient détruites, parce que ceux qui pouvoient les foutenir, fe porteroient tous à renoncer au monde & à

fe confacrer à Jefus-Chrift ! Et heureux le monde entier, s'il pouvoit périr en fe donnant tout entier à Dieu !

Mais s'il faut favorifer en général ce choix & cette vocation, il faut bien prendre garde de quelle maniere on porte les enfans, ou comment on souffre qu'ils s'y portent : car il y a bien des manieres d'entrer dans l'Eglife & dans les Religions, qui, bien loin de rendre le falut plus facile, y font au contraire de grands obstacles. C'eft à Dieu à y appeller les enfans; c'eft aux parens à les y difpofer par une fainte éducation : mais ce n'eft point à eux à les y appeller, & à juger de leur vocation & de toutes les fuites de cette vocation, ni à leur choifir la place qu'ils doivent remplir dans l'Eglife. Ils peuvent lui présenter leurs enfans; mais c'eft à elle à voir de quoi ils font capables, & dans quel rang elle croira devoir les mettre. Il y a dans l'Eglife une infinité de fonctions; & il n'y en a aucune qui ne foit audeffus des hommes, de quelque rang & de quelque qualité qu'ils foient. Les moindres emplois de l'Eglife font plus grands & plus relevés que toutes les fonctions féculieres ; quiconque n'en eft pas perfuadé, non-feulement n'eft pas digne des plus grands, mais eft indigne. même des plus petits.

V. C'eft donc un défordre très-grand que ce que l'on voit pratiquer par tour le monde, de ne point avoir d'autres bornes dans l'élévation de fes enfans, que l'impuiffance de pouvoir les élever plus haut. Si on les laiffe dans un état plus rabaiffé, c'eft qu'on n'a pas eu le crédit de les porter à de plus grandes dignités; mais ce n'est point par modération. Ils feroient tous Abbés, Evêques, Archevêques, Cardinaux, fi leurs parens avoient eu le pouvoir de leur procurer ces dignités. Et comme Dieu prend les volontés réelles & effectives pour les effets même, il regarde fans doute tous ces peres comme coupables d'une ambition très- téméraire, pour avoir défiré ces dignités à leurs enfans, & avoir été dans la difpofition de les leur procurer, s'ils euffent pu.

VI. Mais on ne fe contente pas d'engager & de placer fes enfans dans l'Eglife, & de les y élever le plus haut qu'on peut, fans confidérer s'ils y font appellés: on prétend encore avoir droit de les conduire, comme fi on étoit fort inftruit des regles que les Eccléfiaftiques doivent fuivre : c'eft ce qui eft particuliérement marqué par les confeils téméraires & intéreffés que les parens de Jefus-Chrift eurent la hardieffe de lui

donner. Si vous faites ces chofes, lui difoient-ils, manifeftez-vous au monde. On veut que les enfans qu'on engage dans l'Eglife, y éclatent; qu'ils fe fignalent dans le cours de leurs études; qu'ils prêchent, quand ils les ont achevées, & qu'ils faffent tout ce qui peut leur attirer de la confidération dans le monde. On les fuppofe capables de tout, & l'on ne fe perfuade jamais que ce qui peut leur être utile felon les vues du monde, puiffe leur être préjudiciable felon Dieu. A la vérité on ne les veut pas déréglés, car cela n'attire pas d'honneur, mais on ne défire pas auffi en eux une réforme trop exacte: tout cela fe termine à em-pêcher les fcandales. Mais les jeunes gens conduits par ces regles, plus politiques qu'eccléfiaftiques, ne demeurent pas dans ces bornes que leurs parens leur prefcrivent. Il vient un temps où, felon les loix du monde, ils jouiffent de leur bien; & alors ils prennent bientôt l'effor; & au lieu de fe régler par l'inté rêt de leur fortune, felon les vues de leurs ils ne fuivent plus que parens, les paffions qui les dominent, & font quelquefois repentir ceux qui les ont engagés dans cet état, quelque peu fenfibles qu'ils foient à ce qui en déshonore la fainteté.

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VII. Il y avoit un très-grand défaut de raifon & de lumiere dans ce que les parens de Jefus-Chrift concluoient, que s'il faifoit tous les miracles dont on parloit, il devoit fe manifefter davantage au monde car ils devoient conclure le contraire, du principe même fur lequel ils fe fondoient; & au lieu de dire comme ils faifoient, Si vous faites ces chofes, manifeftez-vous au monde, ils devoient dire tout au contraire, pour parler raifonnablement : Si vous faites ces chofes, c'est-à-dire, fi vous avez reçu ces dons de Dieu, n'en usez que felon les deffeins de Dieu; ne vous manifeftez au monde qu'au temps où Dieu vous fera connoître qu'il le veut ; ne cherchez que la gloire de Dieu dans l'ufage de fes dons, & non pas la vôtre ni la nôtre. De fi grandes chofes ne doivent pas être rapportées à une fin fi petite. Voilà ce que la raifon devoit conclure: mais ce n'eft pas là le compte de l'amour propre ; il veut profiter de tout, & des dons même de Dieu. Il tient donc bien plutôt ce langage-ci : Si vous avez ces dons que Vous vous attribuez, paroiffez dans le grand monde ; acquérez-y de la réputation; il en rejaillira quelque chofe fur nous. Langage bas, & même déteftable, qui rapporte les dons de Dieu à une fin indigne

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