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, que nous

dinaires qu'ils appellent miraculeux, &
ils ne penfent pas feulement aux fecours
ordinaires, qui ne le font pas moins.
Mais il faut que la piété & la raison cor-
rigent ces faux jugemens, & que nous
concevions une bonne fois
n'avons pas moins d'obligation à Dieu
de ce qu'il nous nourrit par la voie or-
dinaire, que s'il faifoit tous les jours
un miracle pour cela, comme il en a
fait pour quelques Saints. C'est toujours
la providence qui agit dans l'un & dans
l'autre, par la même bonté pour nous, &
par la même force à produire fes effets.

II. On peut dire même en un fens, qu'il y a plus de force, plus de puiffance, plus de grandeur dans les effets ordinaires, que dans les effets extraordinaires car les effets extraordinaires étant détachés de l'ordre des caufes fecondes, n'ont befoin que d'une volonté unique de Dieu, & d'un effet unique de fa puiffance. Le ciel & la terre ont été produits par une feule parole. Il voulut que le ciel & la terre fuffent créés en un certain inf Ff. 148, tant, & ils furent créés : Quia ipfe dixit, & facta funt; ipfe mandavit, & creata

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funt. Mais quand il veut un certain effet

dans le cours & par le cours des caufes fecondes, comme cet effet particulier dépend, depuis la création du monde,

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d'une infinité de caufes, parmi lefquelles il fe rencontre fouvent des caufes libres que Dieu ne réduit à l'action précise qui entre dans l'ordre de la providence, que par l'amas d'une infinité de circonftances & d'opérations par lefquelles il la procuil faut qu'il joigne pour le produire,. une infinité de connoiffances & d'opéra-. tions efficaces, toutes également incompréhensibles à l'efprit humain. La chaîne dont dépend le moindre effet naturel, est une chaîne infinie, compofée d'une infinité d'anneaux, dont chacun ne peut être produit & mis en fon rang, fans une connoiffance, un deffein & une opération particuliere de Dieu, qui produise cet effet particulier par le moyen de ce concours de caufes qui y contribuent.

III. C'est une chofe admirable combien Jefus-Chrift ménage les miracles dans les miracles mêmes, & épargne ceux qui feroient inutiles. Qu'avoit-il befoin de ces cinq pains & de ces deux poiffons que ce jeune homme portoit? Lui eût-il été plus difficile de nourrir ces cinq mille perfonnes avec cinq mottes de terre, qu'avec ces cinq pains? Tout eft également poffible à une puiffance infinie; mais tout n'eft pas éga lement conforme à la fageffe infinie. Au contraire, plus Dieu eft fage, plus

il réduit fa conduite à des voies fimples. Il vouloit nous inftruire & nous apprendre à ne jamais négliger les moyens ordinaires, & à faire toujours tout ce qui eft en notre pouvoir : c'eft l'inftruction qu'il nous donne en fe fervant de ces pains. Jefus-Chrift n'avoit que cinq pains pour nourrir cinq mille perfonnes. Cela ne fuffifoit pas, mais il les avoit. Il ufe donc de ce qu'il avoit, & il fupplée à ce qu'il n'avoit pas. C'est qu'il vouloit nous apprendre par-là, que les voies extraordinaires ne doivent être employées que pour fuppléer aux ordinaires, & qu'il ne faut avoir recours à la puiffance extraordinaire de Dieu, que forfque l'on a obéi à Dieu en tout ce que l'on pouvoit faire felon la puiffance ordinaire qu'il nous donne. Nous avons un ordre général de Dieu de faire tout ce que nous pouvons. Nous n'avons droit de lui demander, ni par nos défirs, ni par nos paroles, aucun effet de fa puiffance extraordinaire, que lorfque nous aurons fatisfait à ce premier ordre.

IV. Les hommes tâchent de relever leurs œuvres par mille chofes qui ne tendent qu'à l'éclat : mais Dieu ne recherche point un vain éclat dans les fiennes ; il ne fait précisément que ce qui eft néceffaire. Ces gens avoient befoin de nour

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riture. Jefus-Chrift n'avoit pour les nourrir que cinq pains & deux poiffons. Il ne fait précisément que ce qui eft néceffaire. Cela nous apprend donc, non-feulement à ne point tenter Dieu, mais auffi à pratiquer, autant qu'il fe peut, l'humilité dans nos actions, & principalement dans celles qui ont de l'éclat. Il faut en toutes chofes fe fouvenir qu'on eft homme qu'on eft foible, & que rien ne nous est plus néceffaire que de nous conferver. dans le fentiment de notre foibleffe. Nous fommes donc obligés à nous humilier dans la pratique même des vertus, & à retrancher de nos actions & de nos paroles, tout ce qui ne fe termine qu'à nous attirer de la réputation. Point de ces vertus fieres & orgueilleufes, qui tendent à exciter l'admiration des hommes, & qu'on ne colore point la recherche de l'éclat, du prétexte de l'édification. La principale édification que nous devons aux hommes, eft de leur inspirer l'hu- 1. Per milité: OMNES invicem humilitatem in- 55. finuate. Si Dieu oblige donc un homme de bien à faire quelqu'action qui ait de l'éclat, il doit obéir, parce qu'il n'y a jamais d'humilité à ne pas obéir à Dieu; mais il n'y doit rien ajouter, & il doit rentrer le plutôt qu'il peut dans la voie de rabaiffement & d'humiliation, & c'est

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l'exemple perpétuel que Jefus Chrift nous a donné dans toute la vie & dans cette action particuliere.

ce n'eft

V. Jefus-Chrift fe fervit de fes Apôtres pour affifter ce peuple dans ce befoin; & fouvent auffi il occupe fes Miniftres du foin des charités temporelles. C'eft une partie de leurs devoirs, & l'une des voies dont Dieu veut qu'ils fe fervent pour attirer les ames à lui : pas que leur miniftere ne foit tout fpirituel, & ne tende directement à purifier les ames de leurs péchés, mais c'eft que les affiftances temporelles font la voie la plus propre pour s'infinuer dans les efprits, & pour y introduire la vérité. Pour perfuader aux hommes qu'on a un défir fincere de les fervir dans les befoins fpirituels, il faut leur montrer qu'on défire de les foulager dans leurs befoins corporels: car comme ils en font plus touchés, ils font plus difpofés à être gagnés par cette voie; & leur cœur étant gagné, eft enfuite bien plus difpofé à fe rendre aux confeils qu'on leur donne pour leur bien fpirituel.

VI. C'est par cette raifon que les Miniftres de l'Eglife ont été dès fon commencement les diftributeurs des aumônes des fideles : auffi eft-ce une pratique très-fainte & très-autorifée par l'antiqui

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