gens qui vendoient des bœufs, des moutons & des colombes, comme auffi des changeurs qui étoient affis à leurs bureaux, il fit un fouet avec des cordes, & les chaffa tous du temple avec les moutons & les bœufs, & il jetta par terre l'argent des changeurs, & renverfa leurs bureaux ; & il dit à ceux qui vendoient des colombes: Otez tout cela d'ici, & ne faites pas de la maifon de mon Pere une maifon de trafic. Alors fes difciples fe fouvinrent qu'il est écrit: Le zele de votre maifon me dévore. Les Juifs lui dirent: Par quel miracle nous montrez-vous que vous avez droit de faire de telles choses? Jefus leur répondit : Détruifez ce temple, & je le rétablirai en trois jours. Les Juifs lui repartirent: Ce temple a été quarante fix ans à bâtir, & vous le rétablirez en trois jours? Mais il entendoit parler du temple de fon corps. Après donc qu'il fue reffufcité d'entre les morts, fes difciples fe reffouvinrent qu'il leur avoit dit cela & ils crurent à l'Ecriture & à la parole que Jefus avoit dite. Pendant qu'il étoit dans Jérufalem à la fête de Pâque, plufieurs crurent en fon nom voyant les miracles qu'il faifoit. Mais Jefus ne fe fioit point à eux, parce qu'il les connoiffoit tous, & qu'il n'avoit pas befoin que perfonne lui rendit témoignage d'aucun

و

homme, car il connoiffoit par lui-même ce qu'il y avoit dans l'homme.

I.

L

EXPLICATION.

Action de zele que Jefus-Chrift fit à Jérufalem, en chaffant les profanateurs du temple, & qui nous est propofée dans l'Evangile de ce jour, n'eft différente de celle que l'Eglife nous propofe le premier Mardi de Carême, qu'en ce qu'elle l'a précédée de quelques années. Car au lieu que celle qui eft rapportée dans le 21 chapitre de faint Matthieu, fe fit à Jérusalem la derniere année de la vie de Jefus-Chrift, très-peu de temps avant fa derniere Pâque & fa mort; celle qui eft contenue dans l'Evangile de ce jour, fe fit au commencement de fa prédication, lorfqu'il entroit dans l'exercice de fon miniftere. C'en eft même une des premieres actions; car faint Jean la rapporte immé diatement après le miracle de Cana en Galilée, où il changea l'eau en vin, qui eft le premier de fes miracles. Ainfi l'ordre même où cette action de zele a été placée par J. C. nous marque que le premier & le principal objet d'un Miniftre de Dieu, doit être ce qui regarde directement fon culte & fa gloire; qu'il doit être embrafé de l'amour de la beauté

Sur l'E

du Mardi

Carême

de fa maison, & d'une fainte ardeur pour en empêcher la profanation ; & que fans ce zele de l'honneur de Dicu, il n'y a rien à espérer du fuccès de fon miniftere. C'est à ceux qui y entrent à examiner s'ils font dévorés de ce faint zele, & s'il confume en eux toutes leurs autres paffions, comme il eft dit de JefusChrift, que le zele de la maifon de Dieu le dévoroit. Il ne fuffit pas en quelque forte qu'il domine fur leurs autres paffions; il faut qu'il les dévore, qu'il les faffe difparoître, & que le zele de la gloire de Dieu foit la feule paffion qui agiffe en eux; c'eft-à-dire que les autres paflions doivent être fi amorties, qu'elles ne fe faffent prefque plus fentir dans un véritable Miniftre de Jefus-Chrift.

II. Mais comme on a traité ailleurs de angile la profanation des trois temples de Dieu, de la 1. marqués en divers endroits de l'EcrituSem. de re; favoir, des temples matériels, de tome x, l'Eglife toute entiere, & des ames des pag. 194 fideles; on s'attachera particuliérement &fuiv. ici à ce dernier temple de Dieu, d'autant plus que nous y aurons ainfi lieu de confidérer Jefus - Chrift comme le modele d'un zele qui ne regarde pas feulement les Pasteurs, mais qui doit fe rencontrer dans chaque fidele ; car le zelę de l'honneur de Dieu n'eft pas tellement

réservé aux Miniftres de l'Eglife, qu'il ne doive être une difpofition commune à tous les Chrétiens. Il eft vrai qu'ils doivent l'exercer différemment, & que ce n'eft pas à eux à corriger autrement que par leurs gémiffemens & par leurs prieres, les profanations qui fe commettent, ou dans les temples matériels, ou dans l'Eglife de Dieu; mais il y a un temple: qui eft commis généralement à tous, & dont ils font tous non- feulement les gardiens, mais les Prêtres; un temple où ils doivent tous offrir des facrifices à Dieu, & qu'ils font chargés de conferver pur & exempt de toute profanation. Ce temple, comme il a été dit, eft le temple de leurs ames; c'est un temple qui n'est pas fait de la main des hommes, & qui n'a pas été fimplement confacré à Dieu par des hommes, mais que Dieu même a confacré à fa gloire par l'impreffion de fon image & le gage de fon efprit. Il l'a créé uniquement pour cette fin; & rapporter tout à cette fin, c'eft le premier devoir, le principal honneur, & le fouverain bonheur de l'homme.

III. Dieu n'a point créé l'ame de l'homme pour fe remplir de connoiffances curieufes, pour jouir par fes fens de tous ces corps qui rempliffent l'univers, pour

exercer des talens humains, mais il l'a créée pour être fon temple; il l'a créée pour recevoir par elle & dans elle les hommages dûs à fa majesté & à sa grandeur; il l'a créée pour y régner par l'amour, & pour y recevoir des facrifices d'amour. Tout autre ufage eft contraire non feulement à l'honneur de Dieu, mais à l'inftitution de la nature de l'homme, & par conféquent eft une profanation de ce temple. Qu'y a-t-il de plus jufte que d'employer un ouvrage de Dieu à la fin pour laquelle il l'a uniquement deftiné, & fans laquelle il ne l'auroit jamais fait ? Et qu'y a-t-il de plus injufte que d'ufer de cet ouvrage contre l'intention de celui qui l'a formé, & à qui il appartient par tant de titres fi légitimes?

Si un grand roi avoit fait bâtir exprès un palais digne de lui pour y faire paroître la magnificence de fa gloire, & que quelques-uns de fes fujets euffent la hardieffe de le changer en une étable d'animaux immondes, de le remplir de fumier, & d'en ôter toutes les marques de fon autorité pour le fouftraire entiérement à l'ufage auquel il l'avoit deftiné, quelle punition croiroit-on pouvoir égaler l'enormité de cet attentat? Cependant combien cette image eft-elle