Imágenes de páginas
PDF
EPUB

par leur amour pour la vérité, que Dieu les aidât à fortir de l'erreur. Avant qu'une ame foit pleinement éclairée d'une lumiere qui diffipe toutes fes ténebres, Dieu lui infpire d'ordinaire un amour ardent de la vérité, qui la porte à la rechercher ; & cet amour diffipe peu-à-peu les préventions. Que fi cela n'arrive pas, c'eft un figne de défaut de fincérité, & une marque que c'eft fon opinion que l'on aime, & non pas la vérité.

V. La preuve de la réfurrection de Jefus - Chrift, que l'Ange donna aux femmes, eft qu'il n'étoit plus dans fon fépulcre; & cette marque n'eft pas feulement pour les corps reffufcités, mais auffi pour les ames véritablement reffufcitées. Ces ames ont leurs fépulcres auffibien que les corps. Le lieu qui reçoit un corps mort, eft fon fépulcre; & l'objet auquel une ame morte s'attache, eft de même le fépulcre de cette ame. S'il faut donc qu'un corps, pour être reffufcité forte du fépulcre; il faut de même qu'une ame, pour être véritablement reffuf citée, fe fépare de l'objet de fes attaches. C'eft ce que nous enfeigne l'Apôtre faint Coloff. Paul, lorfqu'il dit aux Coloffiens: Si vous êtes reffufcités avec Jefus - Chrift, cherchez ce qui eft au ciel, où Jefus-Chrift eft affis à la droite de fon Pere, & n'ayez

3, 1.

d'affection, ni de gout que pour les chofes du ciel, & non pour celles de la terre: QUÆ furfum funt fapite, non qua fuper terram. C'est en quoi confifte la réfurrection d'une ame. Pendant qu'elle étoit attachée à la terre, elle étoit morte, elle étoit dans le fepulcre; en fe détachant de la terre, elle reffufcite & fe porte vers le ciel.

VI. Mais ce terme, N' "ayez d'affection ni de gout que pour les chofes du ciel, mérite une réflexion particuliere; parce qu'il nous fait voir qu'il ne fuffit pas d'avoir dans l'efprit les chofes du ciel, c'eft-à-dire Jefus-Chrift; mais qu'il faut l'avoir dans le cœur par un amour véritable & intérieur. Si ce n'eft pas par une douceur fenfible, ce doit être par une préférence effective, par laquelle la volonté fe porte à Dieu comme à fon bien fouverain. Il faut de même, pour être véritablement reffufcité, renoncer réellement aux créatures, en ne les regardant plus que dans le rang qui leur convient, c'est-à-dire > comme infiniment moins dignes d'amour que Dieu. L'amour de Dieu doit être le maître du cœur, y dominer & le faire agir. Ainfi quand il n'eft pas le maître, il n'y a point de véritable résurrection.

VII. La marque d'une ame reffuscitée

nous at

étant d'avoir le cœur & l'efprit dans le ciel, & de ne point l'avoir dans la terre & dans les chofes du monde, il s'enfuit que tout ce qui nous porte à tacher à Dieu & à nous détacher du monde, contribue à nous procurer cette vie reffufcitée, & à nous la conferver fi nous l'avons ; & qu'au contraire tout ce qui nous attache au monde, tout ce qui nous en donne le gout & l'amour, nous approche de la mort ; & c'eft ce qui renverfe abfolument tous les jugemens que l'on porte des événemens de la vie, & de ce qu'on appelle profpérités, adverfités, bonheur, malheur, faveur, difgrace. Voilà un homme, dit-on, bien miférable; fa fortune eft ruinée sans reffource mais qu'arrivera-t-il de-là? Qu'il fera moins attaché au monde; qu'il en perdra le gout & l'amour; qu'il aura plus de temps & plus de moyens de penfer à fon falut; c'eft-à-dire, qu'il aura plus de facilité à mener une vie digne d'une ame reffufcitée, & qu'il s'éloignera davantage de la mort. En voici un autre, dit-on, qui eft bienheureux; il eft comblé de biens & d'honneurs, & toutes chofes lui réuffiffent; c'est-à-dire, que tout le porte à aimer le monde; que tout contribue à l'y attacher; & qu'ainfi tout le menace de la mort, tout l'y pouffe,

tout l'y précipe. Eft-ce donc là ce qu'on appelle bonheur? On ne juge point ainfi dans les autres choses; on fe rejouit dans un malade de tous les fignes de vie, & l'on s'afflige de tous les fignes de mort. Pourquoi donc, à l'égard de notre vraie vie, appelle-t-on malheur ce qui nous en facilite le recouvrement ou la conservation, & bonheur ce qui nous approche de la mort, qui nous y engage & qui nous y pouffe avec violence?

VIII. Comme donc la grace propre au myftere de la résurrection, eft la vie reffufcitée; que c'eft ce que Jefus-Chrift opere dans les cœurs, & la grace qu'il répand du ciel en qualité de reffuscité, il arrive très-fouvent que ce que les hommes prennent pour un malheur, eft un préfent de Jefus reffufcité. Car étant non-feulement le maître de fes graces, mais auffi de tous les événemens du monde par la puiffance qu'il a reçue de fon Pere au jour de fa réfurrection, qui le rend maître abfolu de la conduite des créatures dans le ciel & fur la terre, il ufe, pour fauver les ames, de l'une & de l'autre puiffance, en leur procurant fes graces par certains événemens & certains moyens. S'il veut donc donner à une ame l'amour des chofes du ciel & le détachement de celles du monde, en

quoi confifte la vie reffufcitée, il la prive de tous les objets de fes attachemens, afin de lui en ôter l'amour & le gout, & de la porter à rechercher les véritables biens, qui font ceux de l'autre vie. Il apprend à cette ame, dit S. Auguftin, à défirer & à aimer les vrais biens, par l'amertume qu'il lui fait trouver dans les chofes de ce monde, Docet amare meliora, per amaritudinem inferiorum ; & ainfi il est visible que ce qu'on appelle afflictions, n'eft fouvent qu'un effet de la puiffance & de l'amour de JefusChrift reffufcité, & ne tend qu'à nous procurer la véritable vie de l'ame.

IX. On dira peut-être que c'eft l'union de la grace à ces événemens qui les rend favorables, mais qu'en eux-mêmes ils n'ont rien que de trifte & de pénible. Il eft vrai qu'ils font pénibles à l'ame : mais cette peine ne vient que de ce qu'elle aime les chofes dont ils la privent; & comme cet amour est la caufe de cette peine, ils l'avertiffent fimplement du mal qui eft en elle, mais ils ne le caufent pas. Ils lui découvrent fa maladie, ils la diminuent, & ce n'est que fa faute s'ils ne la guériffent entiépas rement. Car Dieu est toujours prêt de joindre fes graces à ces événemens qui nous détachent du monde, fi nous n'en

« AnteriorContinuar »