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SUR L'ÉPÎTRE

DU IV DIMANCHE

DE CAR Ê ME.

EPÎTRE. Gal. 4, 22.

M

Es Freres, il eft écrit qu'’Abraham a eu deux fils, l'un de la fervante, & l'autre de la femme libre. Mais celui qui naquit de la fervante, naquit felon la chair ; & celui qui naquit de la femme libre, naquit en vertu de la promeffe de Dieu. Tout ceci est une allégorie : car ces deux femmes font les deux alliances, dont la premiere, qui a été établie fur le mont de Sina, & qui n'engendre que les esclaves, eft figurée par Agar: car Sina eft une Montagne d'Arabie, qui repréfente la Jérufalem d'ici-bas, qui eft efclave avec fes enfans; au lieu que la Jérufalem d'enhaut eft vraiment libre, & c'est elle qui eft notre mere: car il eft écrit: Réjouiffezvous, ftérile, qui n'enfantiez point: pouf Tome XI. A

fez des cris de joie, vous qui ne deveniez point mere; parce que celle qui étoit délaiffée a plus d'enfans que celle qui a un mari. Nous fommes donc, mes freres, les enfans de la promeffe figurée dans Ifaac: & comme alors celui qui étoit né felon la chair, perfécutoit celui qui étoit né felon l'efprit; il en arrive de même encore aujourd'hui. Mais que dit l'Ecriture? Chaf fez la fervante & fon fils ; car le fils de la fervante ne fera point héritier avec le fils de la femme libre. Or, mes freres, nous ne fommes point les enfans de la fervante mais de la femme libre ; & c'eft JefusChrift qui nous a acquis cette liberté.

EXPLICATION.

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1. L'Apôtre, par l'explication allégorique de la naissance de deux enfans d'Abraham, l'un qu'il eut d'Agar, l'autre de Sara, nous inftruit de la nature des deux Teftamens, l'Ancien & le Nouveau. Il dit que l'ancien, figuré par Agar, n'enfantoit que des efclaves, & que l'autre, qui eft le nouveau, figuré par Sara, engendre des enfans libres. Il nous découvre par-là, que la Synagogue, comme Synagogue, & avec l'appareil de toutes fes cérémonies, n'étoit qu'un peuple d'efclaves deftinés fimplement à figurer la véritable Eglife & le véritable peuple

de Dieu qui devoit la fuivre, & dont elle renfermoit déja quelques membres qui appartenoient à la véritable Eglife. Mais il faut remarquer fur cela, que quoique le corps de la Synagogue ne fût compofé que de Juifs charnels animés de l'efprit de fervitude, & qui ne participoient point à la véritable liberté des enfans de Dieu, néanmoins cette fervitude ne venoit point proprement de Dieu, mais de la corruption de l'homme. Dieu eft la cause de la liberté de fes enfans; mais il n'eft pas la caufe de l'afferviffement de ceux qui vivent dans l'efprit d'efclaves. C'eft l'amour qu'ils ont pour les chofes du monde, & le défaut d'amour pour Dieu, qui les rend efclaves. Or, Dieu n'eft la cause, ni de l'un ni de l'autre. Il a, au contraire, comblé les Juifs d'une infinité de graces & de bienfaits qui doivent les porter à l'aimer. Et quoique par un confeil de fa fageffe élevée au-deffus de tous les efprits des hommes, il n'ait pas amolli la dureté de leur cœur par des graces plus fortes, comme il le pouvoit, il n'eft pas cause néanmoins de cette dureté. Il ne leur devoit point ces graces. Elles n'étoient point des appanages de leur nature, & c'eft leur faute de n'avoir pas bien ufé de celles qu'il leur a données.

II. Il femble qu'il n'y ait rien de plus confolant pour les Chrétiens, que ce que faint Paul enfeigne dans ce que l'Eglife nous propofe de cette Epître. Il reconnoît les Chrétiens pour les vrais enfans de Dieu, fa vraie Eglife, fes vrais héritiers, & il exclut les Juifs de tous ces titres. Mais il eft bien à craindre qu'il n'y ait préfentement peu de Chrétiens qui puiffent prétendre à ces avantages. Car faint Paul fuppofe que les Chrétiens dont il parle, foient attachés à Dieu par amour; que l'efprit d'adoption les faffe

recourir à Dieu avec une tendreffe d'enfans. Or, combien y a-t-il peu de perLønnes maintenant en qui ces marques paroiffent? Cet efprit de liberté oppofé à l'efprit de fervitude, confifte à aimer Dieu avec un efprit d'enfans & une confiance d'enfans, à le regarder comme fon fouverain bien, à le préférer à toutes chofes, & à lui confacrer fa vie & fes actions avec une charité toute libre, & non avec une contrainte fervile. Or, comment peut-on prétendre que l'on eft dans cette difpofition, lorfqu'étant dans les chaînes des paffions & des vices, on ne penfe point à les rompre, on ne s'y trouve point mal, & qu'on ne fouhaite pas même d'en être libre? Comment accorder cet amour avec cet efprit tout

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