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neur de Dieu, en faifant rendre à la parole de l'homme ce qui n'eft dû qu'à la parole de Dieu; enfin, au lieu de cette nourriture divine qui nourrit les ames pour l'éternité, on ne leur donne qu'une nourriture périffable qui fe corrompt, que Jesus-Christ défend de rechercher, & qu'il défend à plus forte raifon de propofer aux Chrétiens comJoan. 6, me leur véritable nourriture: Operamini non cibum qui perit, fed qui permanet in vitam aternam.

27.

IV. Ce n'eft pas un moindre péché, quand, annonçant aux peuples les vérités mêmes de Dieu, & ne les trompant point dans la chose même, on s'en fert d'une maniere plus propre à honorer le Prédicateur, & à lui acquérir la réputation de bel efprit, qu'à toucher les cœurs & à les gagner à Dieu: car par cet attentat, on s'attribue à foi-même l'honneur qui eft dû à la parole de Dieu; l'on fait trafic de cette parole fainte, en la rapportant à des fins baffes & temporelles; on préfere fon propre honneur à celui de Dieu & à l'édification du prochain; l'on prive d'efficace la parole de Dieu, en la revêtant de vains ornemens qui lui ôtent fa fimplicité, fa force, fa vigueur, & qui la font paroître toute humaine. Un Prédicateur Evan

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gélique, qui est véritablement ami de I'Epoux, doit être dans la difpofition de celui qui s'appelle lui-même l'ami de Joan. 3, L'Epoux, qui ne tendoit qu'à relever 29. l'Epoux & à s'abaiffer lui-même, fuivant en tout cette regle qu'il nous a apprife: Il faut que l'Epoux croiffe, & moi Ibid. il faut que je diminue: OPORTET illum v. 39. crefcere,me autem minui. Il faut de même qu'un Prédicateur tâche d'obfcurcir l'homme pour faire éclater la force de la parole de Dieu; & c'est un étrange renversement de la juftice & de la charité, quand il ne s'applique au contraire qu'à obfcurcir Dieu & à affoiblir sa pour faire paroître l'homme. V. Ce que Jefus-Chrift infere dans ce difcours, que celui qui voudra faire la volonté de Dieu, connoîtra fi fa doctrine eft de Dieu, ou s'il parle de lui-même, contient un principe de la conduite de Dieu dans la maniere dont il a fait annoncer aux hommes les vérités de la Religion. Il n'a pas voulu que ces vérités fuffent deftituées de preuves certaines & indubitables; mais il n'a pas voulu auffi que ces preuves fuffent fi évidentes, que la malice des hommes ne pût fe les cacher, & qu'elles fuffent incapables d'être obfcurcies par leurs paffions. Il a voulu que les hommes fuffent difcernés

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par leur cœur à cet égard. Ceux qui cherchent la vérité & qui l'aiment, trouvent ces preuves claires & évidentes. Ils ne les font pas claires, mais ils en reconnoiffent la clarté. Ceux au contraire qui haïffent la vérité, qui tâchent de la combattre, & qui font bien-aifes de ne pas s'y rendre, trouvent de fauffes lueurs qui favorifent la corruption de leur cœur, & ne manquent pas de voies & de moyens de fe perfuader à eux-mêmes, ou que les vérités qu'on leur propofe font des fauffetés, ou qu'elles ne font pas affez claires pour mériter leur créance. Les hommes ne s'apperçoivent point que c'est le fond de leur cœur qui les diftingue, & ils attribuent au défaut de lumiere dans les objets, ce qui vient du défaut de fincérité dans leur cœur. Cependant c'eft de ce fond qui leur est inconnu, ou plutôt qu'ils ne veulent pas connoître, que naît le difcernement de ceux qui rejettent ou qui embraffent la vérité, des fideles & des infideles, des élus & des réprouvés ; & c'eft le fondement de la néceffité de la grace pour la foi.

Jurieu, VI. Il y en a qui prétendent au condans fon traire fe faire une raifon de cette néde l'Egli- ceffité de la grace pour déterminer le Se. cœur à embraffer les vérités de foi &

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à rejetter l'erreur, contre la néceffité des preuves certaines & évidentes, & d'une autorité vifible & extérieure qui uniffe les fideles dans une même foi & dans une même communion. C'est l'illufion de certains hérétiques de ce temps, qui ont prétendu que la grace fuffit pour attacher les cœurs à la vérité & pour former la vraie Eglife, & qu'il n'eft pas néceffaire ni d'une autorité vifible & extérieure, ni de preuves claires & certaines pour former & pour conferver cette union. L'erreur de ces perfonnes vient de ce qu'ils n'ont pas affez médité fur la conduite de Dieu dans l'établissement de la vraie Religion, ni fur l'exemple & les paroles de Jefus-Chrift. Toute fa conduite & toute fa doctrine devroient les détromper de cette illufion. Premiérement, on ne peut établir plus clairement qu'il fait dans fon Evangile, la néceffité de la grace pour embrasser toutes les vérités de la foi. Tous ceux, Joan. 6, dit-il , que mon Pere me donne, vien- 37. nent à moi, & je ne jetterai point dehors celui qui vient à moi. Et pour montrer que c'eft la grace qui fait le difcernement de ceux qui croient & de ceux qui ne croient pas, il dit enfuite: Mais il y en a quelques-uns d'entre 1bid. v. vous qui ne croient pas ; c'est pour cela 65&66.

Joan. 10.

que je vous ai dit que perfonne ne peur venir à moi, s'il ne lui eft donné par mon Pere.

Il dit en un autre endroit, que les bre34. bis entendent la voix du Pafteur : OvES vocem ejus audiunt, & qu'elles le fuivent, parce qu'elles connoiffent fa voix : OVES illum fequuntur, quia fciunt vocem ejus. Il dit qu'elles ne fuivent point un étranger, parce qu'elles ne connoiffent point la Ib. v. 5. voix des étrangers: ALIENUM autem non fequuntur, quia non noverunt vocem alie

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norum.

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Dans l'Evangile même de ce jour Jefus-Chrift attribue le difcernement de la doctrine à la rectitude du cœur, qui eft l'effet de la grace: Si quelqu'un, ditil, veut faire la volonté de Dieu, il connoîtra fi ma doctrine eft de Dieu, ou fi je parle de moi-même. C'eft donc la grace qui fait embraffer la vérité de la foi, & qui fait difcerner entre les doctrines des hommes & la doctrine de Dieu.

Mais s'enfuit-il qu'elle le faffe fans des preuves extérieures, certaines & évidentes, & que Jefus-Christ se soit contenté de difcerner les hommes par l'impreffion feule de fa grace, & tout au plus par certaines raifons fpitituelles & métaphyfiques qu'il fasse sentir aux uns, & que pour cela on appelle des fentimens,

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