ils pouvoient ce qui tourna en abus. Pour prévenir les fchifmes, on renouvelle la défenfe de celebrer la liturgie, ou baptifer dans les oratoires domestiques. Défense de fe feparer de la communion de fon évêque, fous quelque pretexte que ce foit, jufques à ce qu'il foit jugé & condamné dans un concile de même pour les évêques à l'égard de leurs métropolitains, & les métropolitains à l'égard du patriarche, si ce n'est que le prélat prêche publifi quement une herefie condamnée. On voit bien que ces trois canons font faits en faveur de Photius & des prelats de fon parti, contre ceux qui ne vouloient point communiquer avec eux,reconnoiffant toûjours Ignace pour patriarche. Les deux derniers semblent faits contre Photius: car ils défendent d'ordonner un évêque dans une église dont l'évêque eft vivant, à moins qu'il n'ait renoncé ou abandonné pendant fix mois; & enfin ils défendent d'ordonner évêque à l'avenir un laïque, avant qu'il ait été éprouvé dans tous les degrez ecclefiaftiques : ni de tirer à confequence ce qui eft arrivé rarement,pour le bien de l'églife,& en des perfonnes d'un merite distingué. Photius prétendoit se fauver par cette exception, & vouloit bien que la regle s'obfervât à l'avenir. Quand au canon precedent, il comptoit d'avoir la renonciation d'Ignace. Pour cet effet il le fit enfermer dans le fepulcre de Constantin Copronyme en la même église des apôtres: où il le livra à trois hommes cruels, qui lui donnerent plufieurs coups fur le vifage, le mirent en chemife par un grand froid, l'étendirent en croix fur Tome XI. E An. 861. An. 861. Tom & conc. p p. 1402. le marbre le vifage en deffous; & de deux femaines qu'il fut dans cette prison, lui en firent passer une fans manger, fans dormir & toûjours debout. Enfin ils le monterent fur le coffre de marbre, où étoit le corps de Copronyme, dont le haut étoit en arrefte; & aprés l'y avoir aflis, ils lui attacherent aux pieds de groffes pierres, accompagnant ces tourmens d'injures & de railleries. Aprés qu'il eut paffé toute la nuit en cette cruelle poiture, ils le détacherent & le jetterent fi rudement fur le pavé, qu'il fut teint de fon fang. Ilrefpiroit à peine, étant de plus travaillé d'un cours de ventre. En cet état Theodore, l'un des trois, lui prit la main de force & lui fit marquer une croix fur un papier qu'il tenoit, & qu'il porta en fuite à Photius. Celui-ci y ajoûta: Ignace indigne patriarche de C. P. je confesse que je fuis entré fans decret d'élection & que j'ai gouverné tyranique. ment. Aprés qu'on eut envoyé à l'empereur cette prétendue foufcription, Ignace fut delivré de sa prifon, & fe retira au palais de Pofe, qui étoit la maifon de fa mere & où il eut un peu de relâche. Ce fut là comme l'on croit qu'il fit fa requête au 1263.epift.Stylia. pape. Elle fut compofée par Theognofte moine & Nicet. p. 1210. archimandrite de Rome & exarque de C. P. au nom d'Ignace, de dix métropolitains, quinze évêques & un nombre infini de prêtres & de moines. Ignace y raconte la perfecution qu'il a foufferte, & prie le pape de prendre fa cause en main, à l'exemple de fes prédeceffeurs. Cette requête fut portée au pape par Theognofte même, qui fit le voyage de Rome fecrettement & en habit feculier; & inftruifit le pa ! pe de tout ce qui s'étoit paffé. Cependant Pho- An. 861. tius n'étant pas encore content, confeilla à l'empereur de faire ramener Ignace à l'église des apôtres; où il monteroit fur l'ambon pour y lire fa dépofition & s'anathématifer lui-même : puis on lui arracheroit les yeux & on lui couperoit la main. Le jour de la pentecôte, qui cette année 861. fut le vingt-cinquiéme de May, Ignace vit tout d'un coup environner sa maifon d'une multitude de foldats armez. Alors il fe revétit d'un pauvre habit feculier d'un de ses esclaves, chargea fur les épaules un bâton où pendoit deux corbeilles ; & fortit ainfi comme un portefaix à la faveur de la nuit, fans être apperçû de ses gardes. Il marchoit fondant en larmes accompagné de fon disciple Cyprien; & fans être découvert il s'embarqua & paffa aux ifles du Prince,de Proconefe,& en d'autres de la Propontide: changeant souvent de demeure & fe cachant dans les cavernes,les montagnes & les lieux deserts:où il souffroit de grandes incommoditez & vivoit des charitez des fideles, reduit à la mendicité, tout patriarche qu'il étoit & fils d'empereur. Photius ayant manqué fon coup, le faifoit chercher dans tous les monafteres & toutes les villes. Il envoya même Oryphas drongaire de la flotte avec fix bâtimens de course, pour chercher Ignace dans toutes les ifles & toutes les côtes ; & fi on le trouvoit, le faire mourir comme un rebelle qui renverfoit l'état. Il fut plusieurs fois rencontré, mais son habit d'esclave l'empêcha toûjours d'être reconnu. Au mois d'Août la ville de C. P. fut agitée d'un An. 861. X V. Lettre de Pho tius an pape. grand tremblement de terre, qui dura quarante Cependant les legats Rodoalde & Zacarie retour- 314. E. Ap. Baron an. 861. mée. Mais deux jours aprés arriva le fecretaire Leon Rien n'eft plus precieux que la charité, qui recon cilie les peres aux enfans, les amis aux amis, & reünit les perfonnes les plus éloignées. C'est elle qui m'a perfuadé de fouffrir les reproches piquans de vôtre fainteté, & de ne les attribuer à aucun mouvement de paffion, mais à vôtre zele pour la difcipline de l'églife. Mais ufant de la liberté qui doit être entre des freres & entre les peres & les enfans, je vous écris pour me défendre & non pour vous contredire. Au lieu de me reprendre, vous deviez avoir pitié de moi, puisque j'ai été forcé. Dieu à qui rien n'est caché, fait la violence que j'ai foufferte. On m'a mis en prifon comme un criminel, on m'a donné des gardes, on m'a élû malgré moi. Je pleurois, je me battois, je m'affligeois : tout le monde le fait. Ne devois-je donc pas plutôt recevoir des confolations que des reproches ? J'ai perdu la paix & la douceur de la vie, que je goûtois chez moy au milieu d'une troupe de favans amis, dans l'étude de la fageffe & des fciences, & la recherche de la verité. Je n'avois rien à démêler avec personne : au contraire, la réputation de mes amis m'en attiroit d'autres. J'allois fouvent au palais, ils m'y accompagnoient. J'y demeurois tant qu'il me plaifoit, & toûjours plus qu'ils ne vouloient. J'ai perdu tous ces avantages ; & c'eft la fource de mes larmes. Car je favois avant même que de l'avoir éprouvé, les foins & l'embaras de la place où je fuis maintenant : l'indocilité du peuple, fon humeur feditieuse, son infolence envers les fuperieurs. Il murmure fi on lui refuse ce qu'il demande : fi vous lui accordez, il vous méprife, croyant l'avoir emporté An. 861. |