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aume, & qu'il le prioit d'en affurer fon maître. AN. 1561. L'ambaffadeur après avoir remercié Dieu d'une comment. de fi bonne nouvelle, & loué beaucoup les bonnes ftatu relig. intentions du roi de Navarre, le pria de prendre garde furtout de ne pas recevoir la doctrine de Calvin fuivie par les Suiffes, mais de s'attacher à la confeffion d'Ausbourg établie par Luther: Que par ce moyen il gagneroit l'amitié des rois de Dannemarck, de Suede, & des autres princes Proteftans d'Allemagne, dont les états ne comprenoient pas moins de pays que ceux qui étoient foumis au pape. A quoi le roi de Navarre répondit, que Luther & Calvin differant du pape en quarante articles, convenoient entr'eux de trente-huit; qu'il n'en reftoit donc que deux fur lefquels ils n'étoient pas d'accord; mais qu'il étoit d'avis de joindre les forces des deux partis pour vaincre l'ennemi commun; & que quand il auroit été vaincu, il y auroit moins de peine à concilier ces deux articles, & à rendre à l'églife fon ancien état & fa premiere pureté.. LXXXIV. La reine laiffoit croire auffi par fa conduite qu'elle favorifoit la caufe des Proteftans, & elle gagner le n'étoit pas, fâchée qu'on le crût de même. Mais connétable. elle fit connoître au connétable les raifons de cette conduite, elle lui dit qu'elle fauvoit les apparences, afin de ruiner, en paroiffant ceder, les entreprifes du roi de Navarre, qui le lendemain ne vouloit plus ce qu'il avoit voulu le jour précedent. Qu'au refte il étoit du devoir des grands de la cour, & du fien en particulier, puifqu'il poffedoit la premiere charge du royaume, d'être contraires à ce prince; qu'il étoit indgne que des hommes inconnus s'ingeraffent dans le ministere des chofes faintes fans nulle vocation: Qu'on vendit publiquemt de la chair à la cour pendant le carême, que le prêche s'y fît à la vûe de tout le monde dans les maifons de l'amiral fon neveu

La reine travaille à

De Thou,

1. 27.

&

& du prince de Condé. Elle ajouta pour flatter le connétable par ce qui lui étoit le plus fenfible, AN. 1561, qu'il feroit pancher la balance du côté pour lequel il fe déclareroit; que s'il oublioit le paffe pour s'unir fincerement avec les princes de Guife, l'ancienne religion subsisteroit en France; & qu'au contraire s'il fe lailloit gouverner par fes neveux de Châtillon, le culte divin y feroit reglé à la mode de Geneve. Il n'en fallut pas davantage pour ouvrir les yeux du connétable fur les malheureux engagemens qu'il avoit pris avec Les deux premiers princes du fang, & les autres feigneurs fes proches parens déja imbus des erreurs de la nouvelle doctrine.

Bexe dans

de France

Il eft certain que le connétable agiffoit en ce son hift. La popelila contre fes interêts temporels, & contre les avis niere hift. p. de fon fils aîné le maréchal de Monmorency, 256. qui les connoiffuit mieux que lui; mais il s'y Mezeray t. porta par un zele de la religion catholique, qu'il 2 de l'hift. voyoit en danger dans le royaume; & pour ju- p. 815.& ftifier les titres de premier baron Chrétien, qu'il fuiv. avoit reçu de fes ancêtres; auffi dit-on, qu'il crioit hautement une foi, une loi, un roi, ne doutant point que la ruine de l'une, n'entrainât infailliblement celle des deux autres, & celle de l'état; & qu'il répondit nettement à fon fils, qu'il ne pouvoit pas demeurer neutre, lorfqu'il étoit queftion de la caufe de Dieu & du falut de toute la France, & que fon honneur & la confcience l'oligeoient de faire ce que peut-être l'interêt de monde ne lui permettroit pas. Il fereconcilia donc à l'heure même avec le duc de Guife, & avec d'Albon maréchal de faint André, par l'entremise de la ducheffe de Valentinois Magdeleine de Savoye fa femme, qui étoit l'ennemie mortelle de la religion des Proteftans, excitoit la haine que fon mari avoit conçue contre cux.L'union étroite qui fe forma entre le ducdeGu

LXXXV.

Le roi Charles

cré à Reims.

De Thon,

miere l. 6.

Davila. 1. 2.

fe,le connétable & le maréchal de faint André, fut AN. 1561. appellée par les Proteftans le nouveau triumvirat. La reine qui nourriffoit les divifions des grands, pour affermir fa puiffance, étonnée de cette grande liaifon, étoit dans de continuelles inquiétudes, IX. eft fa- &examinoit tout pour découvrir où pourroit tendre cette amitié, ayant vû ces princes jufqu'alors hift.l. 27. fi grands ennemis. Cependant pour ne rien o La Popeli- mettre de tout ce qui pouvoit contribuer à infpirer du refpect & de la veneration pour le roi fous lequel elle gouvernoit, elle penfa à le faire facrer. Le jour pris pour cette cérémonie fut celui de la fête de l'Afcenfion qui tomboit dans cette année le quinxiéme de Mai. La cour partit donc de Fontainebleu, & le roi alla à Monceaux maifon de plaifance de la reine mere. De-là ayant paffé à Nanteuil, & pris avec lui le duc de Guife, il arriva à Reims. Là les princes de Guife difputerent fur le nombre des pairs & fur l'or dre qu'ils devoient obferver en marchant. Sur quoi l'on difoit que quoiqu'ils ne puffent égaler les princes du fang par le rang & par la grandeur; ils ne laiffoient pas d'avoir intention de leur porter préjudice autant qu'ils le pourroient faire, & d'augmenter peu à peu leur dignité, en diminuant celle des autres. Le duc de Guife obtint qu'il feroit affis après le roi de Navarre devant le duc de Montpenfier, fur cette raifon que depuis peu fous François II. il avoit occupé la même place, & qu'auparavant son pere l'avoit eué au facre d'Henri II. mais la reine voulut qu'Alexandre fon fils qui fut depuis roi fous le nom de Henri III. eut la prémiere place avant le roi de Navarre. Ce qui n'avoit pas été obfervé au facre de François II. Le cardinal de Lorraine qui étoit archevêque de Reims, fit la cérémonie du facre de Charles IX. & elle fut un prétexte de differer les états qu'on avoit convoquez à Pon

AN. 1561.
LXXXVI. ›
Divifions

bello civil.

toise pour le même mois de Mai. Comme la religion caufort une mauvaise in telligence à la cour entre les grands, elle formoit auffi beaucoup de diffenfions dans les provinces par la liberté qu'on fe donnoit de parler caufées impunément. On n'entendoit de part & d'autre pour la reque les noms de papiftes & d'huguenots, com- differentes ligion en me des noms injurieux & de faction. Les pré- villes. dicateurs animoient les peuples de tous côtez, pour De Thou, empêcher les Colignis d'établir dans les provin- hift. 1. 28. ces la profeffion publique de la nouvelle doctri- Davila de ne, comme ils fe promettoient d'en venir à 1. 2. p. 89. bout: & l'on en vint jufqu'à des féditions dans & seq. Amiens & dans Pontoife. Le cardinal de Châtillon frere de l'amiral de Coligni, & qui étoit évêque de Beauvais & Calvinifte, étant allé paffer les fêtes de Pâques dans fon diocefe, au lieu de faire l'office dans fa cathedrale le jour de Pâques, fit célebrer la cene à la Calviniste, dans la chapelle de fon palais épiscopal avec ceux de fa maifon, & ce qu'il y avoit d'heretiques dans la ville. Le bruit s'en étant répandu au-dehors, le peuple en fut fi irrité, que plufieurs coururent comme des furieux dans les rues, & fe jetterent dans quelques maifons. Le cardinal fut investi dans fon évêché, & courut beaucoup de danger. Les feditieux prirent entr'autres un maître d'éco le qui enfeignoit aux enfans le catechisme de Geneve, & le firent brûler, fans aucune formalité. Et l'évêque ne put les appaifer qu'en paroiffant aux fenêtres rêvétu de la pourpre & en habit de cardinal

Le roi averti de ce défordre, y envoya Fran LXXXVII. çois de Montmorency gouverneur de l'Ile de La fédition France, & avec lui les juges royaux de Senlis. de Beauvais Après qu'on eut informé contre les auteurs de la occafionne fedition l'on en punit feulement deux; & voyant qu'on avoit befoin d'un remede prompt &

D 6

pré

un édit. De Thon,

ibid. 28.

Spond. hoo

préfent, l'on envoya une déclaration à tous les AN. 1561. gouverneurs de provinces, & aux cours fouveen. n. 12. raines, par laquelle il étoit défendu d'appeller papiftes les catholiques, comme on défendoit aux catholiques d'appeller les autres huguenots. Il étoit ordonné par la même déclaration, que tous ceux qui avoient été mis en prifon pour le fait de la religion avant le premier édit qui avoit été rendu pour leur liberté, fuffent promptement délivrez: Que tous ceux qui étoient fortis du royaume depuis le regne de François I. pourroient revenir & jouir de leurs biens avec une entiere liberté de leurs perfonnes, pourvû qu'ils vécuffent en catholiques & fans offenfer perfonne. Que ceux qui ne le voudroient pas, auroient la faculté de vendre leurs biens, & de fe retirer ailleurs. Cette déclaration ne fut point vérifiée; le parlemeut en empêcha la publication à Paris, & en fit des remontrances au roi, tant parce que contre la coutume, on ne la lui avoit pas envoyée, mais aux gouverneurs de provinces, que parce qu'elle donnoit à chacun la liberté de profeffer telle religion qu'il voudroit, contre ce qui s'étoit pratiqué dans le royaume depuis le regne du grand Clovis.

LXXXVIII.

trances du

cardinal de Lorraine contre cet édit

Cette déclaration fans être publiée dans les Remon- formes, fortifia beaucoup le parti des heretiques, & leurs affemblées devinrent plus frequenres. Ce qui obligea le cardinal de Lorraine, le roi étant encore à Reims, de fe plaindre à la regente, que le mal empiroit, qué plufieurs abufoient des édits du prince, & faifoient paffer juf qu'à la licence la liberté qu'ils accordoient: Que les campagnes, les villages & les villes n'étoient remplies que d'affemblées défendues: Qu'on y accouroit en foule pour entendre les prêches, que la plupart fe moquoient des anciennes céremonies, & qu'un grand nombre abandonnoit tous

De Thou, 7. 28.

les

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