Imágenes de páginas
PDF
EPUB

dans la Differtation fur l'exil d'Ovide, par M. R. D. R. imprimée en 1742. à Moulins, in-8°. L'Auteur, qui m'a fait l'honneur de m'envoyer fon ouvrage, mais lorsqu'il n'étoit plus tems que j'en fiffe mention dans le mien, eft M. Ribaud de Rochefort, qui fait fa réfidence à Gannat en Bourbonnois, où il cultive avec beaucoup de fuccès la Philofophie, l'Hiftoire & les belles Lettres. Il fe propofe d'examiner quatre chofes dans fa differtation, l'année, la cause, le lieu & la durée de l'exil d'Ovide, & il ne tire fes preuves & fes conjectures que des écrits même. du Poëte. C'eft en fe fondant fur eux qu'il montre, qu'Ovide avoit cinquante & un ans commencés lorfqu'il fut envoyé en exil fur la fin de l'an 761. & qu'il arriva à Tomes à la fin de l'hyver de 762. Qu'il faut diftinguer la cause vraie de fa difgrace de la cause apparente. Que celle-ci fut d'avoir compofé l'art d'aimer : on fuppofoit que ce poëme trop libre avoit corrompu la jeuneffe Romaine. Il eft fi vrai, dit l'Auteur, que ce poëme ne fut qu'un prétexte qu'Augufte faifit pour fe difpenfer de rendre compte des vrais motifs qui l'engageoient à reléguer Ovide;

qu'il y avoit eu un long intervale entre l'année où ce poëme avoir paru, & celle où l'Auteur fut exilé. Quelle est donc la vraie caufe? Ovide dit clairement, que ce fut d'avoir commis quelque action qui avoit offenfé directement l'Empereur. Mais quelle étoit cette action? La plupart des Ecrivains difent qu'Ovide devint fufpect à Augufte, parce qu'on crut qu'il avoit aimé Julie fous le nom de Corinne, & que ce fut la caufe de fon exil. M. de Rochefort prétend, & le prouve, que les loix de la critique ne permettent pas d'adopter ce fentiment. Il réfute pareillement le fyftême de ceux qui fe font figurés que le Poëte avoit encouru l'indignation d'Augufte, parce qu'il avoit été témoin de l'incefte de ce Prince avec fa fille Julie. Quelle caufe affigne-t'il donc lui-même à la difgrace d'Ovide? Il conjecture que ce Poëte fe l'attira par fes liaifons criminelles non avec Julie fille d'Augufte & de Scribonie, mais avec Julie fille de la premiere & de Vipfannius Agrippa, & femme de L. Einilius Paullus fils du Cenfeur en forte que le Poëte s'étoit rendu coupable d'adultere, & qu'on lui fit grace en ne le condamnant point

à la mort. Je ne dois point ôter le plaifir de voir les conjectures de l'Auteur fur ce point dans fon écrit où il les développe avec beaucoup de fagacité. Il ajoute que le Poëte eut toute la province de Pont pour exil, & que fa difgrace ne finit qu'avec fa vie, après avoir paffé fept ans moins quelques mois dans le lieu où il avoit été envoyé. M. de Rochefort terinine fa differtation par quelques anecdotes fur les deux Julies, qui méritent la curiofité du lecteur.

La même raifon qui m'a empêché de parler de cette differtation dans les deux derniers volumes, m'a moins permis encore de rendre compte de la vie de Tibulle tirée de fes écrits, qui n'a été publiée qu'en 1743. à Paris en deux volumes in-12. C'est le fruit du commerce de M. Gillet de Moyvre, Avocat, avec les Mufes. La Littérature & le Barreau ne font point ennemis; & M. Gillet n'eft pas le feul de fa profeffion qui ait cherché à tempérer par les agrémens de la poëfie, la fécherelle inféparable de l'application aux affaires civiles. Ce qui eft beaucoup plus rare, c'eft de trouver un Auteur affez indifférent pour les productions

pour ne les laiffer voir que plus de trente ans après leur naiffance, principale. ment quand ces écrits ne refpirent que l'amour profane. Si la paffion dicte ceux-ci dans un âge qui n'en eft que trop fufceptible, & dans lequel il eft fi rare qu'elle ne foit point écoutée, on voit tous les jours les Auteurs de ces ouvrages les défavoüer dans un âge mûr, & appréhender d'en être reconnus pour les peres. M. Gillet a cru qu'il pouvoit penfer & agir différemment. Sa traduction en vers de la vie & des amours de Tibulle étoit achevée dès 1713. & ce n'eft qu'en 1743. qu'il rompt les liens qui la retenoient depuis fi longtems captive. Au reste il affure que le feul amour du vrai l'a guidé dans fon entreprile, & lui en a fait furmonter les difficultés. Fâché de voir que M. de la Chapelle avoit fait un Ronian dangereux des amours de Tibulle & de Catulle, il a voulu montrer que fans recourir à des fictions étrangeres, on pouvoit donner l'hiftoire réelle de ces Poëtes par leurs feules poëfies. I l'a tenté à l'égard de Tibulle & de Properce, & nous aurions celui-ci comme il vient de nous donner l'autre, fi quelque obftacle qui

n'a pû encore être vaincu, ne retenoit toujours ce dernier dans l'obscurité où il est auffi depuis 1713.

сс

Voici la méthode qu'il a fuivie. Pour effayer de faire connoître en notre langue les beautés des poëfies de Tibulle, pour peindre au naturel le caractere du Poëte, il s'eft appliqué à développer toutes les conjonctures où il s'est trouvé, autant qu'il eft poffible de le faire. « Mais je n'ai pas traduit <<< fervilement, dit-il, je me fuis imaginé qu'il m'étoit permis de fupprimer, de tranfpofer, de changer quelques vers, même d'augmenter, & enfin «<< d'ajouter à la penfée de Tibulle. » Et il faut avouer qu'il a fi fouvent ufé de ces priviléges, qu'il ne m'a pas toujours été facile de reconnoître Tibulle dans la verfion. Je fouhaite que d'autres foient plus clair-voyans.

כל

[ocr errors]

ec

Quoique M. Gillet s'étende beaucoup dans fa préface fur les difficultés de la traduction, il me femble que la plûpart de ces difficultés s'évanouiffent, quand on fe rend, comme lui, tellement le maître de fon Auteur que l'on en retranche ce que l'on veut, que l'on ajoute à fes idées, que l'on étend fes penfées jufqu'à employer fouvent dix

« AnteriorContinuar »