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ecclésiastique, entra comme pensionnaire dans la congrégation de l'Oratoire, et commença dès-lors son poème de la Grace.

Cette production qu'il fit lire à plusieurs personnes, avant que de la publier, donna une idée assez avantageuse de son talent pour qu'on lui conseillât de s'appliquer à la tragédie. «Peut-être, ditil, me serais-je laissé séduire et aurai-je eu la té«< mérité de m'approcher du théâtre, si des amis plus sincères ne m'en eussent détourné, en me représentant les grandes difficultés du poème dra<< matique. >>

K

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En se retirant dans la solitude, Racine semblait avoir eu dessein de s'y fixer: les chagrins que son père avait essuyés à la cour n'étaient pas propres à le réconcilier avec le monde; mais le chancelier d'Aguesseau, pendant son exil à Fresnes, parvint à l'attirer auprès de lui, et changea ses résolutions. Il revint à Paris avec son illustre protecteur, fut reçu, en 1719, de l'Académie des Inscriptions, et partit pour Marseille, en 1722, avec le titre d'inspecteurgénéral des fermes en Provence. Cet emploi qui convenait mieux à sa fortune qu'à ses goûts, ne l'empêcha point cependant de continuer à cultiver les lettres; chaque année, il payait son tribut à l'Académie des Inscriptions, par quelques Mémoires qu'il venait y lire, et qui sont insérés dans le Recueil de cette société savante, tom. VII-XV.

Racine passa successivement à Salins, à Moulins, à Lyon, se maria dans cette dernière ville, et fut ensuite envoyé à Soissons, où il demeura quinze

ans, et où il se fit recevoir à la table de martre, maître particulier des eaux-et-forêts du duché de Valois. Ce fut au milieu de ces divers emplois qu'îì composa presque tous ses ouvrages. Sa retraite, qu'il demanda au bout de vingt-quatre ans, lui laissa enfin la liberté de se consacrer entièrement aux lettres. Il revint à Paris, donna de nouvelles éditions de ses œuvres, qui accrurent encore sa réputation. Il venait de terminer la traduction du Paradis perdu de Milton, lorsqu'il reçut l'affreuse nouvelle de la mort de son fils unique, jeune homme qui donnait les plus grandes espérances, et qui périt malheureusement dans le tremblement de terre et l'inondation qui ravagèrent Cadix en 1755.

que

Ce coup terrible plongea Racine dans un tel désespoir que peu s'en fallut qu'il n'y succombât. Renonçant dès-lors à ses occupations favorites, il vendit sa bibliothèque, ne conserva que des livres de piété, et ne se permit plus d'autres distractions, celle de la culture des fleurs dans un petit jardin qu'il avait loué au faubourg Saint-Denis. Il y recevait de temps en temps quelques anciens amis dont la conversation avait encore le pouvoir de suspendre un moment ses douleurs. C'est là que Delille alla le chercher lorsqu'il voulut lui soumettre sa traduction des Georgiques : « Je le trouvai, dit-il, dans un

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cabinet, au fond du jardin, seul avec son chien, qu'il paraissait aimer extrêmement. Il me répéta plusieurs fois combien mon entreprise lui sem<< blait audacieuse. Je lis, avec une grande timidité, << une trentaine de vers; il m'arrête et me dit: »

«

Non-seulement je ne vous détourne pas de votre projet, mais je vous exhorte à le poursuivre. « J'ai < senti peu de plaisirs aussi vifs dans ma vie. Cette << entrevue, cette retraite modeste, ce cabinet, où ma jeune imagination croyait voir rassemblées la piété <«< tendre, la poésie chaste et religieuse, la philosophie sans faste, la paternité malheureuse, mais résignée, enfin le reste vénérable d'une illustre « famille prête à s'éteindre faute d'héritiers, mais «< dont le nom ne mourra jamais, m'ont laissé une impression forte et durable. »

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Résigné à son malheur, Racine n'en sentait pas moins que les regrets dont il ne regrets dont il ne pouvait se défendre, le conduisaient lentement au tombeau. Il se préparait en vrai chrétien, et la mort le frappa sans le surprendre le 29 janvier 1763.

Ce poète s'est montré aussi digne de son illustre origine, par ses vertus que par ses talents; bon époux, père tendre, ami fidèle, la candeur régnait dans son caractère, et la modestie dans ses discours. Il s'était fait peindre les œuvres de son père à la main, et le regard fixé sur ce vers de Phèdre :

Et moi, fils inconnu d'un si glorieux père,

Il était membre des académies de Lyon, de Marseille, d'Angers et de Toulouse.

On a de lui La Grace, poème, 1722, in-12, qui a été traduit en allemand par Schaeffer, et en vers latins par M. Revers, Avignon, 1768, in-12; La Religion, poème qui a eu un très grand nombre d'éditions, et qui a été traduit en vers anglais, en vers

allemands, deux fois en vers italiens, et plusieurs fois en vers latins, notamment par Étienne Bréard, et par l'abbé Revers; des Odes tirées des livres saints; des Épitres sur l'homme, adressées au chevalier de Ramsay; sur l'âme des bétes, etc.; et des poésies diverses, parmi lesquelles on distingue l'Ode sur l'Har monie. Il a encore donné des Réflexions sur la Poésie, 2 vol. in-12; des Mémoires sur la vie de J. Racine, avec ses Lettres et celles de Boileau, 2 vol. in-12. (C'est un monument de la piété filiale, et un morceau de biographie du plus grand intérêt, mais qui manque souvent d'exactitude); des Remarques sur les tragédies de Racine, avec un Traité de la Poésie dramatique ancienne et moderne, Paris, 1752,3 vol. in-12, précédées d'une lettre de Le Franc de Pompignan à l'auteur, pour l'engager à publier cet ouvrage; le Paradis perdu de Milton, traduit en français, avec les notes et remarques d'Addison, et un Discours sur le poème épique, ibid, 1755, 3 vol. in-12. On a publié, en 1784, sous le nom de Louis Racine, des Pièces fugitives, que sa veuve et ses amis ont désavouées hautement. Les OEuvres de cet auteur ont été recueillies en 1747, et en 1752,6 vol., petit in-12; M. Lenormant en a publié une nouvelle édition, Paris, 1808, 6 vol. in-8°, précédée de l'Éloge de l'auteur, par Le Beau.

JUGEMENTS.

I.

On parle des Réflexions de Louis Racine sur la poésie avec indifférence, comme d'un livre raison

nable que chacun se rappelle avoir une fois lu; mais, à mon gré, ce même livre est un trésor de bons préceptes, et le code véritable de la poésie française. Les plus importantes matières y sont traitées avec justesse, netteté, précision : le style bien châtié ne monte et ne descend jamais plus qu'il ne faut : l'élégance n'y sert à Louis Racine qu'à faire briller le fond du sujet. Il soumet avec une sage réserve les opinions qui restent en doute, et ce qu'il déduit des principes de l'art ne tend qu'à en faciliter l'application. Les exemples qu'il choisit éclaircissent parfaitement ses définitions, et partout il se montre riche d'un savoir puisé dans la langue attique et dans la bonne latinité. Ce n'est point un pédant qui vous répète ses leçons de collège, ni un homme superficiel qui s'efforce à disserter sur des auteurs évalués sur parole, et à couvrir ainsi son débit vague d'un dehors de gravité : c'est un littérateur vraiment instruit ; tout coule de source et abondamment sous sa plume.

:

LEMERCIER, Cours analytique de Littérature.

II.

Le plan du poème de la Religion, est sage, mais triste la diction en est souvent élégante, et, dans sa faiblesse même, elle conserve de la douceur et de la pureté. Si Racine fils mérite beaucoup d'éloges comme versificateur, il manque aussi des qualités qui font le grand poète, la verve et l'imagination; il n'a point aperçu toutes les ressources de son sujet, qui, malgré sa sévérité, pouvait lui four

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