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Origines de Caen. Rouën 1702. 1706.

Differtations fur diverfes ma. tiéres de Religion, & de Philologie. Paris, 1712.

Hiftoire du Commerce & de la Navigation des Anciens. Paris, 1716.

Commentarius de rebus ad eum pertinentibus. Amfterdam, 1718. Huetiana. Paris, 1722.

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Décadence des Lettres.

UAND je fuis entré dans le pays des Lettres, elles étoient' encore floriffantes,& plufieurs grands perfonnages en foûte

noient la gloire. J'ai vu les Lettres décliner & tomber enfin dans une décadence prefque entiere; car je ne connois prefque perfonne aujourd'hui que l'on puiffe appeller véritablement favant.

Ce qu'il y a de pis, c'eft que non-feulement le goût, l'amour, & l'eftime des Lettres s'éteignent de jour en jour, & que l'ignorance reprend le deffus, & étouffe les reftes de l'érudition, comme les chardons & les ronces étouffent les bonnes herbes dans un champ mal cultivé mais que cela le fait à deffein, &

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qu'il se forme une cabale d'Apédeutes, de gens ignares & non lettrez, qui fentant leur incapacité, & ne pouvant le réfoudre à une étude affiduë de plufieurs années, parce qu'elle les obligeroit à fortir de leur craffe, à quitter leur vie molle, les douceurs de leur fainéantife, le verbiage & les fadaises de leurs Caffez ont cherché un chemin plus court pour réparer leur défaut, & fe mettre audeffus de ceux aufquels ils fe reconnoif. fent fi inferieurs, & dont la comparaison les rendoit méprifables. Ils ont entrepris de fe faire un mérite de leur incapacité, de ridiculifer l'érudition, & de traiter la fcience de pédanterie. Ils fe font conftituez arbitres du génie, du bon goût & du véritable favoir. Pour décrier l'étude de l'antiquité, ils ont décrié le mérite des anciens qu'ils ne connoissent point, & lui ont préféré celui des modernes, c'eft-à-dire le leur. Ainfi ne fe contentant pas de jouïr aujourd'hui tranquillement du fruit de l'étude de tant d'efprits fupérieurs, & de tant de fiecles éclairez; de toutes ces belles connoiffances, & de toutes ces belles découvertes, qui ont façonné, poli, & enrichi la vie des hommes; ils veulent encore priver

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les auteurs de tant de biens', de l'honneur qui leur eft dû, & de la reconnoiffance que tous les fiecles fuivans jufqu'au nôtre leur avoient renduë. Mais quoiqu'il foit vrai que chaque fiecle a fon mérite, & qu'on ne difconvienne pas que le nôtre n'ait le fien, on ne convient pas pour cela qu'il foit renfermé dans les cabarets du Pont-neuf;ni que l'ignorance, de laquelle font profeffion ceux dont l'Hippocréne eft le Caffé, foit un titre légitime pour bien connoître ce mérite, & lui donner fon jufte prix. Je puis donc dire que j'ai vû fleurir & mourir les Lettres, & que je leur ai furvêcu.

11.

Mon amour pour les Letts.

Je cede volontiers à beaucoup de gens ftudieux la gloire du fuccès de leurs études; mais pour l'amour des Lettres, je ne le cede à perfonne du monde. J'ai apporté cette paffion en naiffant. A peine avois-je quitté la mamelle, que je portois envie à ceux que je voyois lire. Je me figurois mille plaifirs, du moment que jo faurois lire comme eux. Quand on me mit à l'étude, je m'y portois avec une

ardeur,qui me faifoit quiter tous les autres plaifirs de mon âge. Je volois de fcience en science, & je croyois n'avoir rien appris, quand je voyois qu'il me reftoir encore quelque chofe à apprendre. Si tôt que je fus maître de moi, je voulus connoître tous les princes de la Litérature qui vivoient alors, & je recherchai leur amitié par mes vifites ou par vifites ou par mes lettres. Je fus connu d'eux, je fus aimé de plu fieurs, & je crus avoir part à l'eftime de quelques-uns. A l'âge de vingt ans je me vis en commerce avec les Sirmonds, les Petaux, les Dupuys, les Bocharts, les Blondels, les Labbes, les Bouillauds les Naudez, les Saumaises, les Heinfius, les Voffius, les Seldens, les Defcartes les Gaffendis, & les Ménages. Nile feu de la jeuneffe, ni l'embarras des affaires, ni la diverfité des emplois, ni la focieté de mes égaux, la plupart d'inclinations fort differentes, ni le tracas du monde, n'ont pu modérer cet amour indomptatle de l'érudition, qui m'a toûjours poffe, dé: & dans l'âge avancé où je fuis, je la fens auffi vive qu'au plus fort de mes études,

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