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vius, dont j'ai parlé dans l'article pré-cedent, avoit peut-être un efprit de ce: genre. Sa longue perfeverance dans l'é-tude des Mathematiques, fa meditation affidue & continue lui en avoit ac-quis une profonde intelligence. Mais j'appelle un grand efprit, celui, qui,quelque matiere qu'il entreprenne, fe fent avoir l'aptitude & la capacité néceffaire pour la comprendre, & ne la trouve point au-deffus de fa portée. Cela ne peut venir que d'une vafte étendue, d'une grande élevation, d'une force infurmon-table aux difficultez, & d'une vivacité infatigable. Quand un efprit de cette trempe fe renferme dans les bornes d'une feule fcience, il va bien plus loin que l'au-tre, & illa pénétre jufqu'à une bien plus grande profondeur. Je juge par la maniere dont Archimede a traité les Mathematiques, & par les chofes qu'il a in-ventées & executées, qu'il y avoit ap-porté un efprit fuperieur, & capable des autres fciences. Mais il eft rare qu'un efprit de cette volée fe puiffe contenir dans les bornes étroites d'une même fcience. Il en entamera plufieurs, & pourra réiiffir dans quelques-unes. Mais étant partagé en tant d'objets, fon

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plication à chacune fera moindre, & ne fera pas fuivie d'un grand fuccès..

CXXV.

D'où vient que chacun eft content de fon efprit.

Martial, lib. 8. Epigr. 18. a dit : Qui® velit ingenio cedere, rarus erit. Pour mɔi je dirois plûtôt, nullus erit. Si quelqu'un a tenu un autre langage, & a cedé en apparence à un autre la gloire de l'efprit, fa confcience défavoüoit ses paroles, & il fouhaittoit interieurement de n'être pas cru, & on lui eût fait plaifir de le contredire. Ce fentiment nous eft: effentiel, & il a fa cause dans la nature de: l'efprit. Nous ne connoiffons l'efprit que par l'efprit; & nous ne connoiffons fon étenduë fon étenduë. La grandeur de notre bras eft proportionnée à la grandeur de notre corps. Un grand homme embraffera un gros arbre, qu'un pe tit homme ne fauroit embraffer. On fçait avec quelle fubtilité Pythagore dé-couvrit de quelle taille avoit été Hercu-le car ayant mefuré le Stade de Pife,. que l'on parcouroit aux jeux Olympi-ques, & qu'Hercule avoit déterminé à

que par

la mefute de fix cents de fes pieds: & Payant comparé avec le Stade commande -la Grece, que les autres Grecs avoient déterminé à la longueur de fix cents de leurs pieds; il trouva celui-ci plus court que celui de Pife de quelque quantité. Delà Pythagore conclur, que la même difference de grandeur qui fe trouvoit entre -le Stade Olympique, & le Stade commun, avoir du fe trouver entre le pied d'Hercule & le pied des autres hommes. Et cette difference de la grandeur des pieds lui étant connue, il decou vrit auffi-tôt par une conféquence néceffaire celle des corps entiers, qui eft d'ordinaire proportionnée à celle des pieds. Si la mesure des efprits, & de leurs mou vemens tomboit fous les fens comme cel -les des corps, on pourroit en détermi→ ner les proportions & les comparer mais on connoît par leurs operations, qui leur font proportionnées, quelle eft leur gran deur, leur étendue, & leur force. Cela s'obferve dans les animaux, qui agif fent felon leur instinct, & font paroître par la diverfité de leurs actions, les divers degrez de leur intelligence, dans Fétendue defquels chaque efpece fe con tient, fans aller guere au-delà. On con

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noît par les actions du chien, par fa do cilité, par la fidelité, par fon difcernement, une grande fuperiorité d'intelligence au-deffus du boeuf & du cheval & de ceux-ci au-deffus des infectés, & des huftres. On reconnoît dans l'inftruction des enfans, le progrez de leur efprit, fuivant le progrez de leur âge, par leur avancement fucceffif, & la capacité qu'ils acquierent par les preceptes & l'inftitution. On reconnoît par la vivacité & l'impetuofité de la jeuneffe, & par la conftance & la fermeté de l'âge viril, l'abondance exceffive des efprits de l'une, & la fecondité jufte & reglée de l'autre. Et on reconnoît enfin le relâchement & l'affoibliffement de l'efprit des vieillards par la pefanteur & la fenreur de leurs conceptions, & la langueur de leurs raifonnemens. Il tefulte de-là, que la connoiffance & l'operation de l'efprit étant proportionnée à l'efprit, s'il eft grand, il peut avoir de grandes connoiffances, & connoître ce qui eft grand; & s'il eft petit, il ne peut rien connoître au-delà de ce qui eft proportionné à fa petiteffe. Et par conféquent lorfque l'efprit devient l'objet de luimême, & qu'il fe veut connoître ; s'il

eft grand, fa compréhenfion fera grande; & il pourra connoître fon objet, quelque grand qu'il foit, par une connoiffance qui lui fera proportionnée & s'il eft petit, il pourra fe connoître, & rien au-delà; & fa capacité étant petite, elle fera totalement remplie de fon petit objet. D'où il s'enfuit que laconnoiffance que l'efprit a de lui-même, foit qu'il foit grand, foit qu'il foit petit, eft grand ou petit à proportion ; & que fa capacité & fa continence, quelle qu'elle foit, en fera toute remplie ; & ne connoiffant, & ne cherchant rien au delà, che en fera fatisfaite. Chacun eft donc content de fon efprit, parce qu'il ne fe connoît en efprit, qu'à proportion, de ce qu'il a d'efprit.

CXXVI.

Crainte du tonnerre:

La peur que les hommes ont du ton nerre femble être affez juftifiée par celle des animaux :

Fugere fera, & mortalia corda

Per gentes humilis ftravit pavor.
Georg. I. 330.

Héfiode, de qui Virgile a pris cette re

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