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XVI.

Conciliation des diverfes Religions qui partagent les Chrétiens.

Les differends de la Religion, qui troublent depuis fi long-tems la paix des Chrétiens, ne font point inaccommodables. Si les parties y procédoient fincérement, fans opiniâtreté & fans interêt, ils auroient bien-tôt trouvé des voyes de réconciliation. Mais il s'en trouve de part & d'autre, de fi acharnez, qu'ils ne cenfurent pas avec moins de rigueur ceux de leur parti même, qui recherchent l'accommodement, que leurs adverfaires. Avec quelle dureté préfomptueufe, & pedantefque le Miniftre River ne traita-t-il pas Grotius, pour avoir propofé des moyens de paix? Grotius par une réponse modefte rabattit fon faste, fans le nommer mais le défignant plaifamment par ce titre pris de Catulle, Adverfus quemdam, opaca quem facit bonum barba. Une barbe épaiffe & noire s'étoit fi abfolument emparée du gros vifage de Rivet, qu'on n'en reconnoiffoit point la couleur. A la faveur de cette phyfionomic velue & hériffée, il

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avoit acquis de la créance dans fon parti. Il employa toute fon autorité pour rendre fufpects les Conciliateurs, com. me gens chancelans dans leur Religion, & il y réiiffit fi-bien que depuis Grotius, fort peu ont ofé tenter les voyes de réunion. Ainfi ils ont rejetté & refufé avec beaucoup de hauteur celles qui ont été propofées par les Catholiques, com. me l'ont éprouvé les Evêques de Belley & de Meaux. Je ne puis taire en cette occafion, les invitations qui m'ont été faites par M. Puffendorf, Secretaire de la Reine de Suéde, bien plus recom mandable par fon favoir, & par fes écrits, que par fa dignité. Son frère qui a été long-tems Réfident en France lui ayant envoyé ma Démonftration évangelique; le Secretaire pria M. le Marquis de Feuquieres Ambaffadeur de France en Suéde, de me faire tenir une lettre pleine d'érudition & de bon fens, par laquelle il m'exhortoit à employer la même méthode à la réunion des Proteftans avec l'Eglife Catholique, dont je me fuis fervi pour rappeller à notre Religion les ennemis du nom Chrétien; fe rendant garant du fuccès par la dif. position favorable où étoient les cœurs

& les efprits dans les lieux d'où il écri. voit. M. de Meaux qui avoit eu com. munication de cette Lettre, y joignit fes exhortations. Avant que de m'engager dans une telle carriere, je fondai les fentimens des Miniftres Huguenots de Paris, que je trouvai entierement oppofez à ce pieux deffein, prévoyant la prochaine extinction de leur parti en France, dans l'acheminement que l'on prenoit à la révocation de l'Édit de Nantes. Ainfi je fus contraint d'abandonner une entreprife, à laquelle j'aurois facrifié avec plaifir tout ce qui me reftoit de vie.

XVII.

Titre du livre De Imitatione Chrifti.

Le livre de Imitatione Chrifti, n'a pas été ainfi intitulé par fon Auteur. Ce titre n'eft que le titre du premier chapitre du premier livre. Les Copistes l'ayant trouvé à la tête de tout l'ouvrage, ont cru qu'il appartenoit à tout l'ouvrage, qui n'a paru depuis que fous

ce titre.

XVIII.

Varillas.

Je fuis bien éloigné du jugement que le public a fait des Hiftoires de Varillas. Non pas que j'approuve la liberté qu'il s'eft donnée de propofer fes idées pour des faits conftants. Ce n'eft pas écrire ni rapporter l'Hiftoire, c'eft la compofer & l'inventer. La loi de l'Hiftoire lui permettoit de proposer ses foupçons comme des foupçons, mais non comme des véritez certaines. Le public fe récria avec indignation, & avec juftice, contre une telle licence, & on ne tarda pas à l'en faire repentir, en lui mettant devant les yeux les er reurs groffiéres où la témérité de fes conjectures l'avoit fait tombet. Il fe corrigea de fa hardieffe dans les ouvrages fuivans, & n'avança rien fans donner de bons garants. Mais après tout, de tous ceux qui fe font mêlez d'écrire no. tre Hiftoire, aucun ne l'a pas creusée que lui. La diligence & la conftance qu'il a apportée à cette étude u'eft pas croyable. Il ne s'eft pas contenté de lite avec application toutes les Hiftoires,

C

Il

tous les Mémoires, toutes les Relations que l'impreffion a rendues publiques. II à feuilleté tous les anciens documens, dont il a pû avoir la communication. Il a porté fa curiofité dans les Histoires des peuples & des tems voif ns de ceux qu'il vouloit illuftrer. Auffi n'y a-t-il point d'Hiftorien de notre nation, où il y ait tant à apprendre que dans celui-là. D'ailleurs il eft furprenant qu'un homme de cette forte, qui a paffe fa vie dans les galetas, & dans la plus épaiffe craffe de l'Univerfité, ait pû acquerir tant de connoiffance des pratiques de la guerre, des ufages de la Cour, du ftile des négotiations, & de la conduite des affaires publiques. Quoique fon langage ne foit pas dans une exacte pureté, fon stile eft noble, élevé & vraiment hiftorique ; fi vous le purgez feulement de quelques tours qui lui font familiers, & dont la répetition trop fréquente laffe le Lecteur. Il a embraffé tant de matiére, que faute de mémoire, ou peut-être d'exactitude, il est tombé dans quelques contradictions. Mais on eft amplement dédommagé de ces pertes, par l'abondance des nouveautez qu'il préfente à fon

,

Lecteur.

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