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ΦΡΑΣ ΣΥΝΚΟΙΤΟΣ

ΡΩΝ

ΑΤΤΙΚΟΣ

ΤΟΥΣ ΛΑΜΠΑ
ΔΙΣΤΑΣ

RECUEIL D'ANTIQUITÉS

EGYPTIENNES, E'TRUSQUES, GRECQUES ET ROMAINES.

TROISIEME PARTIE

DES GRECS.

L n'y a aucune Nation en qui l'on n'ait remarqué un défaut dominant & général qui lui a été propre, & comme la marque diftinctive à laquelle on a dans tous les temps reconnu fon génie. L'amour de la gloire, qui a produit tant de belles actions, & fait éclore ou briller un fi grand nombre de talens, dégénéra parmi les Grecs en une vanité si pleine d'ingratitude, qu'ils tâchoient d'oublier ce qu'ils devoient aux

Pauf. Voyage de Corinthe, c. IV. Voyage de l'Attiq. c. XLI.

Voyage de Co

rinthe, c. IX.

Ch. XIX.

Egyptiens, & de perfuader au refte de l'Univers que la
Gréce avoit inventé elle-même les Arts où elle s'eft exercée
avec les plus heureux fuccès. Cependant ils n'en ont pas
impofé à la Postérité. Plufieurs célébres Auteurs Grecs,
entraînés par la force de la vérité, ou ne fe prêtant point
aux idées de la multitude, ont laiffé des témoignages
contraires. Ils ont fait mention de l'ancien commerce des
Grecs avec les Egyptiens ; & il paroît par leurs écrits que
ceux-ci ont fourni à leur Nation les premiéres idées de
Religion; qu'elle en a emprunté la connoiffance des Arts,
& la forme du Gouvernement. Paufanias dit qu'il y avoit
dans plufieurs villes de la Gréce des temples dédiés à Ifis,
à Sérapis, & à d'autres Divinités Egyptiennes. Il affûre
encore que la ftatue de Jupiter Melichius & de Diane
Patroa étoient fort groffiéres que la premiére étoit en
:
forme de pyramide, & l'autre taillée comme une colomne.
Ce qui prouve d'un côté que la Sculpture étoit encore
bien imparfaite, & de l'autre qu'elle étoit venue d'Egypte,
où il femble qu'elle avoit pris naiffance. Mais Paufanias
envisageant peut-être avec peine une barbarie qu'il ne
pouvoit accorder avec les idées que les Grecs avoient
d'eux-mêmes, & dont cet Auteur paroît avoir été prévenu,
dit dans le même Voyage qu'il croit que toutes les
anciennes ftatues celles d'Egypte comme les autres,
étoient de bois. Il n'eft pas douteux que cette matiére n'ait
été la premiére mise en œuvre, parce qu'elle eft la plus
facile; mais les Grecs ne l'ont employée que pour imiter,
dans les temps de leur ignorance, ce qu'ils avoient vû faire
avec d'autres matiéres. Au refte, il faudroit remonter bien
haut
pour trouver en Egypte des veftiges de cette barbarie.
Si l'on veut donc juftifier Paufanias fur les reproches qu'on
pourroit lui faire, il faut dire que, pour ménager les deux
peuples, il a eû deffein de rendre au moins la chofe égale
entre les Egyptiens & les Grecs; & l'on ajoûtera encore,
fi on le juge à propos, à plufieurs exemples rapportés par

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les Hiftoriens, celui de la Diane d'Ephèse, dont la premiére idée absolument Egyptienne, n'a point été déguisée les Grecs, malgré les augmentations d'ornemens & d'emblêmes, dont ils l'ont décorée en différens temps.

par

Quoique les Grecs se foient propofé les Egyptiens pour modéles, ils ne les ont pas imité en tout. Les Egyptiens montroient dans ce qui fortoit de leurs mains une telle nobleffe & une fi grande élévation, qu'ils étoient moins sensibles aux détails, ne s'occupant que des maffes, de la folidité, & des grands effets. J'ai fait voir ci-deffus que les Etrufques ont fuivi leurs traces, mais en s'écartant un peu de leur noble fimplicité, & qu'ils ont néanmoins donné plus de mouvement à leur compofition générale & particuliére. Les Grecs fe font écartés du goût pour le grand & le prodigieux, dont les Egyptiens leur avoient donné l'exemple. Ils ont diminué les maffes, pour ajoûter de l'élégance & de l'agrément dans les détails. Ils ont joint à ces belles parties de l'art les graces & les licences fçavantes auxquelles on ne peut arriver que par un dégré de fupériorité que la nature accorde rarement, mais qui fe rencontroit affez communément dans la Gréce pendant la durée de quelques fiécles. Enfin, les Grecs ont conduit à leur perfection les Arts dont l'objet eft de plaire par l'imitation de la nature. Leurs ouvrages réuniffent tant de parties où ils ont excellé, que leur étude marche, pour ainfi dire, de pair avec celle de la nature. Elle eft également recommandée, puifque c'est par l'examen attentif & réfléchi des belles ftatues Grecques qu'on apprend à étudier & à connoître cette maîtreffe de tous les Arts, & qu'on la voit dans ce qu'elle a de plus élevé, de plus élégant & de plus beau.

Ces vérités conftantes ne fervent qu'à augmenter nos regrets, & nous rendent plus fenfibles à la perte d'une infinité de bons ouvrages antiques, dont les injures du temps & la barbarie nous ont privés. Les morceaux du

grand Grec, ainfi nommé par excellence & d'une voix unanime, font rares dans tous les cabinets, & femblent n'être faits que pour l'ornement du Palais des Princes, fur-tout quand ils font d'une certaine étendue. Les foins, les recherches & les dépenfes procurent à peine aux Particuliers quelques monumens peu confidérables : encore doivent-ils s'eftimer heureux de les pofféder, tout mutilés qu'ils fe trouvent. On ne peut même guère efpérer d'en acquérir, parce que l'on exécute avec févérité les ordres de n'en point laiffer fortir de Rome, qui en eft la fource la plus intariffable. Loin de blâmer les Italiens, nous devons encore leur fçavoir gré de veiller à la confervation de ces précieux monumens. Si depuis deux fiécles l'on eût pris de femblables précautions, un fi grand nombre de belles chofes n'auroient point été détruites, ou perdues une feconde fois dans l'Europe depuis le renouvellement des lettres. Il y a dix-huit fiécles que l'Italie eft dans l'usage de veiller à la confervation des reftes précieux de l'Antiquité, & l'Europe lui doit la meilleure partie de ce qui fait l'objet continuel de fon étude en ce genre. Les Papes fur-tout y ont apporté tous leurs foins ; & Benoît XIV. qui remplit aujourd'hui le S. Siége, a pouffé le zéle encore plus loin que fon Prédéceffeur, à qui nous devons les commencemens du plus fuperbe, comme du plus utile établissement. Ainfi le Capitole qui faifoit autrefois trembler la terre par toutes les horreurs de Mars, eft devenu l'afyle de la paix, & renferme un tréfor ineftimable, d'où l'on tire les plus grands fecours pour le progrès & la perfection des Arts.

Les Particuliers, à qui il eft impoffible de faire une ample collection de monumens Grecs du premier mérite, parviennent néanmoins affez fouvent à fe donner quelque fatisfaction en un certain genre d'antiquités, & à raffembler des morceaux qui, moins leur nombre que par par qualité, le difputent quelquefois aux cabinets des Princes;

leur

je

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