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d'oppofer au premier de nouveaux monumens, & au second de nouvelles expériences. Mais au lieu que le Physicien ayant toûjours, pour ainfi dire, la nature à fes ordres, & ses inftrumens sous la main, peut à chaque instant vérifier & multiplier fes expériences, l'Antiquaire au contraire eft fouvent obligé d'aller chercher au loin les morceaux de comparaison dont il a besoin; & nous devons. avouer que, malgré nos richesses en ce genre, ce n'est pas en France qu'un Antiquaire trouveroit le plus à s'inftruire. C'est en Egypte, où les différens peuples qui s'y font fucceffivement établis, ont laiffé des traces de la variété de leur goût; c'eft dans la Gréce, où, fi les Turcs permettoient de fouiller, on trouveroit encore fous les ruines éparfes de plusieurs villes célébres quelques reftes de ces chefs-d'œuvres qui faifoient autrefois fa beauté & fon ornement; c'eft en Italie furtout, où la puislance des Romains a porté les dépouilles de l'Univers, où chaque pas

conduit à un objet d'étude, où la terre, pour ainfi dire, docile aux vœux de l'Antiquaire, lui reftitue en détail & fans interruption les tréfors qu'elle femble n'avoir cachés dans fon fein que pour les fauver de la fureur des Barbares.

Heureusement pour les pays qui n'offrent pas les mêmes avantages, ces richesses ne périffent pas toûjours entre les mains de ceux qui les poffédent; la gravûre les rend communes à tous les peuples qui cultivent les Lettres : les copies multipliées, quoique deftituées de cette vie & de cette ame qu'on admire dans les originaux, ne laissent pas de répandre au loin le goût de l'antique ; & en se réuniffant de différens côtés dans les cabinets des Curieux, elles y forment en quelque façon un corps de lumiére dont toutes les parties s'éclairent mutuellement.

On ne fçauroit donc trop exhorter ceux qui rassemblent des monumens, à les communiquer au Public; quelque peu nombreuse

que

foit leur collection, elle peut offrir des fingularités que l'on ne trouve pas dans les plus amples cabinets : l'éclairciffement d'une difficulté historique dépend peut-être d'un fragment d'antiquité qu'ils ont entre leurs

mains.

Ce motif m'a engagé à publier ce Recueil d'Antiquités, & à mettre au cabinet du Roi une partie des morceaux qu'il renferme; bien moins parce qu'ils me paroiffent dignes d'y occuper une place, que pour les conferver & les mettre à l'abri des accidens que ces fortes de collections effuient à la mort des Particuliers.

Lorfque j'ai commencé à faire graver cette fuite, j'ai eu d'abord en vûe l'homme de Lettres, qui ne cherche dans les monumens que les rapports qu'ils ont avec les témoignages des Anciens. J'ai faifi ces rapports quand ils fe font préfentés naturellement, & qu'ils m'ont paru clairs & fenfibles; mais n'étant ni affez sçavant, ni affez patient pour

employer toûjours cette méthode, je lui en ai souvent préféré une autre qui intéressera peut-être ceux qui aiment les Arts : elle confifte à étudier fidélement l'efprit & la main. de l'Artiste, à se pénétrer de ses vûes, à le fuivre dans l'exécution, en un mot, à regarder ces monumens comme la preuve & l'expreffion du goût qui regnoit dans un fiécle & dans un pays.

Le culte d'un peuple se reconnoît aux fymboles qui caractérisent ses Divinités; fon goût eft indiqué par la maniére dont il habille fes figures. Mais toutes ces connoiffances feroient peu folides, fi l'on n'employoit la voie du deffein, jointe à l'habitude de voir & de comparer. Le deffein fournit les principes, la comparaifon donne le moyen de les appliquer, & cette habitude imprime de telle forte dans l'efprit le goût d'une nation, que fi en faisant fouiller on découvroit un monument étranger au pays où l'on eft, on pourroit conclure,fans craindre de fe tromper,

qu'il eft forti des mains d'un Artiste, qui luimême étoit étranger; & ce jugement doit fuivre l'étendue & la qualité de ce même morceau, pour avancer qu'il a été apporté, ou que l'Artiste l'est venu travailler. Le goût d'un pays étant une fois établi, on n'a plus qu'à le fuivre dans fes progrès, ou dans ses altérations; c'est le moyen de connoître, du moins en partie, celui de chaque fiécle. Il est vrai que cette seconde opération est plus difficile que la premiére. Le goût d'un peuple diffère de celui d'un autre peuple prefqu'aussi sensiblement que les couleurs primitives diffèrent entr'elles; au lieu que les variétés du goût national en différens fiécles peuvent être regardées comme des nuances très-fines d'une même couleur. D'ailleurs, comme il n'y a point d'Empire qui ait éprouvé autant de révolutions que celui des Arts, il eft quelquefois impoffible de fixer la date d'un monument. On doit dire cependant qu'en général, des yeux éclairés par le

deffein,

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