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pied, fans qu'une cause connue ait occafionné leur mal, ont recours à mille fuppofitions, quoiqu'ils fachent bien intérieurement à quoi s'en tenir fur leurs fouffrances. Vous ne vous p'aignez maintenant que d'un pied; mais lorsque vous ferez pris auffi par l'autre, vous gémirez, vous verferez des larmes. Je n'ai qu'une chofe à vous dire, c'eft que votre mal eft tel que je le conjecture; convenez-en, ou n'en convenez pas; oui, c'est précifément ce que j'imagine.

OCYPE. Et quel mal? quel eft-il donc? quel nom lui donnez-vous? L'INST. Son nom eft compofé d'un double mal.

OCYPE. Hélas!... Mais quel eft-il donc? dites-le moi, je vous en conjure, mon cher Maître.

L'INST. Le nom du membre dont vous fouffrez, fait la premiere moitié de celui-là.

OCYPE. Ce feroit donc le mot Pied?

L'INST. Oui, ajoutez-y celui de la Goutte, & cela fera Podagrie (*).

OCYPE. Eh quoi! vous infultez encore à ma douleur !

L'INST. Ce mal eft cruel, car il n'épargne perfonne.

LE MED. Laiffez-moi un peu rêver, par égard pour vous.

OCYPE. Encore une fois, quel eft donc ce mal, & d'où m'est-il furvenu?

LE MÉD. C'est une horrible douleur qui fe fait fentir au pied, & qu'on ne peut extirper.

OCYPE. Il faudra donc me voir, boiteux, & fouffrir avec patience?

LE MED. Ah! fi vous n'étiez que boifeux, ce ne feroit rien. Ce n'est pas là ce que vous avez le plus à craindre. OCYPE. Eh, que peut-il m'arriver 'de pis?

(*) Ce mot n'eft pas françois, mais il pourroit l'être; au refte, nous ne l'avons hafardé ici que pour conferver le jeu de mots de l'original

LE MÉD. D'être impotent des deux

pieds.

OCYPE.Dieux ! je me fens déjà cruellement tourmenté par une nouvelle torture qui me déchire l'autre pied! Malheureux ! je me vois cloué fur le grabat quand je voudrois me relever! Je tremble quand il me faut remuer une jambe, & je fuis auffi fot qu'un enfant à qui l'on fait une peur imprévue. Mais, au nom des Dieux, mon cher Docteur, je vous en conjure, fi votre Art peut quelque chofe, mettezy tout votre favoir, & guériffez-moi, ou bien terminez mon déplorable fort. Je fouffre des douleurs fecretes, & mes pieds font percés par des fleches aiguës.

LE MÉD. Je laiffe là tout le bavar dage impofteur des Médecins, qui ne favent que donner de belles paroles, & ne guérissent jamais, pour vous dire en deux mots ce qu'il y a d'important à favoir pour vous. Croyez d'abord

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que vous fouffrez un mal inévitable. Vous n'êtes pas feulement enferré dans des chauffes-trapes, qu'on feme pour prendre les gens mal-intentionnés; vous fubiffez un fupplice cruel caché dans vos membres, & tel que la nature humaine n'en peut fupporter la rigueur.

OCYPE. Dieux ! quel horrible état! Hélas! que devenir! quel mal affreux me broyoit le pied! prenez-moi par les mains avant que je fuccombe, comme les Satires foutiennent Bacchus fur leurs bras.

L'INST. Eh bien, quoique vieux, je vous fuis bon à quelque chofe, & malgré mon grand âge, je foutiens votre jeuneffe.

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L'AMOUR FUGITIF.

VENUS cherchoit fon fils, il avoit fui loin d'elle;
Inquiete, agitée, elle court, elle appelle.
Enfin, laffe d'errer dans les champs, dans les bois,
Du haut d'une colline el'e éleve la voix :
Si Cupidon, dit-elle, aux yeux de tout le monde,
N'a pas fu dérober fa courfe vagabonde,
Oui, qui m'enfeignera les traces de mon fils,
Aura pour récompense un baiser de Cypris ;
Et fi captif on l'amene à fa mere,
D'autres faveurs en feront le falaire;
Avec plaifir je les prodiguerai.

Mais à l'aspect du fripon égaré,
Des yeux mortels fe méprendroient peut-êtrea
Voici les traits qui le font reconnoître.
Nulle blancheur ne paroît fur fon teint;
De vermillon tout fon corps eft empreint;
De fes yeux pétillans partent des traits de
flamme;

A fes difcours jamais on ne connoît fon ame. Si les fons de fa voix ont la douceur du miel, Il recele en fon cœur l'amertume du fiel.

Quand le courroux l'anime, il devient indomp table;

'Alors il s'afferyit le cœur le moins traitable,

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