Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Si deux éclufes de huit pieds de chûte n'étoient éloignées, par exemple, que de vingt-cinq toifes, l'eau que l'on tireroit du bief qui eft entre ces éclufes pour faire monter un bateau, le feroit baiffer de près de deux pieds, & il n'y en refteroit pas affez pour tenir à flot le bateau; il faudroit donc, pour le faire naviger, tirer près d'une éclufée du bief fupérieur, il en faudroit encore tirer une feconde pour le faire monter, tandis qu'il n'en auroit fallu qu'une, fi les éclufes euffent été éloignées.

L'on voit par cet exemple feul, l'inconvénient de placer des éclufes trop proches les unes des autres; l'on verra bientôt que cet inconvénient eft encore plus grand, lorsque les éclufes font contigues.

Il arrive affez fouvent que plufieurs bateaux fe trouvent ensemble dans un même bief, fur-tout dans les endroits où les Mariniers s'arrêtent pour coucher: alors, pour qu'il n'y ait point d'eau perdue inutilement, il faut que le bief où les bateaux s'arrêtent, foit très-long, ou s'il ne peut pas l'être, il faut lui donner une grande largeur, afin que les éclufées que les bateaux montans tirent de ce bief, ne faffent pas baiffer l'eau affez confidérablement pour empêcher qu'ils ne foient à flot, ou que les bateaux defcendans n'en faffent pas entrer affez pour qu'elle paffe pardeffus les portes. Si le bief n'a que la largeur ordinaire de quarante-cinq pieds, il faudroit qu'il eût mille toifes de longueur,

[ocr errors]

pour qu'il pût s'y arrêter dix bateaux montans fi dans le même temps il n'en defcendoit aucun; autrement l'on feroit obligé de tirer des biefs fupérieurs, une partie d'eau pour le tenir à flot. Il eft vrai que s'il fe trouvoit dans ces biefs autant de bateaux defcendans que de bateaux montans, il ne feroit pas néceffaire que ces biefs fuffent très-grands; mais comme cette circonftance peut ne pas fe rencontrer fréquemment, cette obfervation fait voir qu'en faifant le projet d'un canal, il faut y avoir égard pour former des ports, c'est-à dire, des baffins, ou des parties de canal plus larges dans les endroits où il doit s'arrêter des bateaux pendant quelque temps.

Puifqu'il y a peu de canaux à point de partage où l'on ne foit dans le cas de ménager l'eau pendant quelques mois de l'année, il feroit à propos que les Eclufiers euffent attention, pendant le temps de difette d'eau, d'empêcher que plufieurs bateaux ne s'arrêtaffent alors dans les biefs de peu d'étendue.

S. II. Quantité d'eau que dépenfent les bateaux en traverfant un canal.

L'on voit par les lettres de M. Thomaffin fur les canaux de Bourgogne, que M. Gabriël & M. Abeille penfoient que le trajet d'une barque dans toute l'étendue d'un canal, coûtoit toujours le double de la quantité d'eau néceffaire pour remplir une éclufe. M. Belidor

a penfé de même, & c'est encore l'opinion commune. M. Thomaffin avoit cependant foutenu que ce fentiment étoit une erreur : il convenoit bien que lorfqu'un bateau paffe par une éclufe immédiatement après un autre bateau, ce fecond bateau ne dépense effectivement que deux éclufées pour tout le trajet; mais lorsque les bateaux paffent alternativement, l'un venant d'un côté, & l'antre de l'autre, il en coûte, dit-il, autant d'éclufées que chaque bateau traverse d'éclufes en montant:il appuie cette affertion par deux lettres, l'une de M. de Caligny, & l'autre de M. de Regemorte, qui font de cet avis. L'un des deux affure même, ainfi que M. Thomaffin, que la dépenfe d'eau eft la même, foit que les éclufes foient contigues, foit qu'elles foient féparées mais c'eft dans cette distinction, qui fans doute n'a pas été approfondie, où fe trouve une feconde erreur; ce qu'il y a de certain, c'eft que lorfque les éclufes font contigues, elles dépensent fouvent beaucoup plus de deux éclufées; & ce que l'on n'avoit pas remarqué, c'eft que lorfque les éclufes font éloignées à plus de cent toifes, elles n'en dépensent le plus fouvent qu'une feule pour toute la traverfée d'un bateau.

Pour établir ces propofitions, il faut diftinguer quatre cas principaux.

Le premier, eft celui où les éclufes étant éloignées les unes des autres, les bateaux paffent alternativement, l'un venant d'un côté, & l'autre du côté oppofe; alors il arrive que le bateau

qui paffe après le premier, trouve en montant toutes les éclufes vuides, & que pour les remplir, il faut tirer une éclufée de chaque bief, & une du point de partage.

En defcendant, comme il trouve les éclufes pleines, il n'en tirera aucune de ce point de partage, par conféquent il ne dépensera qu'une Jeule éclufée dans toute fa traversée; il en fera de même de tous les bateaux qui pafferont alternativement & qui viendront enfuite.

Secondement, lorfque les éclufes étant éloignées les unes des autres, les bateaux fe fuivent: alors le fecond bateau traverfe toutes les éclufes pleines du côté de la montée, & pour le faire monter lui-même, il faudra commencer par les vuider toutes, les remplir fucceffivement avec l'eau prife dans les biefs, & la plus élevée avec celle prise dans le point de partage.

A la defcente le bateau traverse toute les éclufes vuides, & l'on fera encore obligé de remplir avec l'eau du point de partage, la premiere éclufe qui fervira à remplir toutes les autres, de forte que ce bateau aura dépensé deux éclufées dans la traversée.

Troifiémement, lorfque les éclufes font affez proches les unes des autres, pour que l'eau d'une éclufée prife dans le bief qui eft entre deux éclufes, diminue affez la profondeur du bief pour empêcher ou gêner la navigation, ou lorfque les éclufes font contigues, & que les bateaux paffent alternativement; alors le fecond bateau trouve en montant toutes

les éclufes vuides; & comme l'on ne peut point tirer l'eau des biefs intermédiaires, puifque les éclufes font fuppofées très-proches les unes des autres, ou même contigues, l'on eft obligé de les remplir toutes avec l'eau du point de partage.

En defcendant, le bateau trouvant toutes ces éclufes pleines, n'a pas befoin de tirer aucune partie de l'eau du point de partage, par conféquent il dépenfera dans toute fa traversée, autant d'éclufées qu'ily aura d'éclufes contigues de fuite en montant.

Quatrièmement enfin, lorfque les éclufes font proches ou contigues, & que les bateaux paffent à la fuite les uns des autres, le fecond trouve en montant toutes les éclufes pleines; il faut, pour le faire entrer dans le fas de la premiere éclufe, la vuider dans le bief inférieur, & la remplir enfuite avec l'eau de la feconde éclufe, & fucceffivement des unes aux autres jufqu'à la derniere, que l'on remplit avec l'eau prife dans le point de partage.

En defcendant on tire encore une éclufée de ce point de partage; de forte que dans ce cas, comme lorfque les éclufes ne font pas contigues, on tire deux éclufées du point de partage.

Quoique les quatre cas précédens renferment toute la théorie du paffage des éclufes, on peut cependant encore remarquer, 1o. que fi deux bateaux s'étant rencontrés au point de partage, les deux fuivans fe rencontrent

« AnteriorContinuar »