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MÉMOIRES

DE ..

L'ACADÉMIE DE DIJON,

ANNÉE 1782.

SECOND SEMESTRE.

MÉMOIRE

SUR les moyens de faturer les eaux-meres du nitre, fans perte de l'alkali, & pour éviter le mélange du muriate de potaffe ou fel de fylvius avec le falpêtre.

A

PAR M. DE MORVEAU.

PRÈS avoir retiré tous les fels cryftallifables dans le travail du falpêtre, on jetoit anciennement l'eau-mere, c'est-à-dire, la portion de liqueur qui fe refufoit à toute cryftallisation; maintenant que l'on fait

qu'elle tient en quantité de l'acide nitreux tout formé, à qui il ne manque qu'une bafe alkaline pour donner encore des cryftaux de falpêtre, on la recueille avec foin pour la décompofer, & obtenir par ce moyen tout le fel qu'elle peut fournir. Mais quoique cette opération foit connue de tous les Chymiftes, & même déjà réduite en pratique dans un grand nombre d'atteliers, elle n'eft pas à beaucoup près portée à fa perfection, ainsi que l'ont annoncé MM. les Régiffeurs, dans l'inftruction publiée par ordre du Roi en 1777, fur l'établiffement des nitrieres, & particuliérement dans leurs obfervations fur le travail des eaux-meres, où ils difent (p. 9): il feroit à defirer que l'on pût trouver un moyen de Séparer dans l'eau-mere le falpêtre à base terreufe, du fel marin à bafe calcaire, puifqu'on éviteroit partie de la dépense qu'on eft obligé de faire en potaffe pour changer la bafe de ces deux fels, dont l'un abfolument inutile, eft même nuifible dans les travaux du falpêtre.

Les favans Auteurs de ces obfervations n'ont pas défefpéré de la folution de ce problême, & j'ai cru que pour y parvenir, il fuffifoit d'indiquer des moyens fimples & peu difpendieux de juger d'avance la compofition d'une eau-mere, pour déterminer enfuite fûrement la quantite d'alkali que l'on doit y ajouter, à l'effet de faifir feulement l'acide nitreux, fans décomposer le muriate calcaire; c'eft ce que je développerai dans ce Mémoire, après avoir rappellé quelques principes.

L'eau-mere eft compofée,pour la plus grande partie, de fels terreux déliquefcents, & tient quelquefois un peu de vitriol calcaire ou féfénite, & même des fels neutres, tels que le vitriol de potaffe ou tartre vitriolé, le fel commun & le falpêtre, dont la crystallisation eft empêchée, foit par les fels déliquefcents, foit par une portion de matiere graffe qui fe trouve communément dans ces eaux, & qui leur donne une couleur jaune. Je ne crois pas que l'on y ait jamais trouvé d'acide libre ou furabondant, tel que celui qui arrête la cryftallifation de l'alun.

Le vitriol calcaire ne mérite aucune attention, il feroit facile de s'affurer de fon exiftence en verfant dans l'eau-mere une goutte de diffolution de muriate barotique ou fel marin à base de terre pefante, que le célèbre Bergman nous a fait connoître comme le réactif le plus puiffant & le plus fidele pour découvrir l'acide vitriolique, & le précipiter fous forme de fpat pefant infoluble, à quelque bafe qu'il foit uni. Mais, 1o. il est reconnu qu'il faut cinq cents parties d'eau à une chaleur moyenne pour tenir en diffolution une partie de vitriol calcaire; ainfi dans un quintal d'eau-mere, il ne peut s'en trouver tout au plus que trois onces & quelques grains, qui ne prendroient guere pour leur décompofition que quatre onces de potaffe, ce qui n'eft pas un objet. 2°. Il ne ferviroit de rien de faire cette épreuve, puifque dans la pratique on n'auroit aucun moyen affez peu difpendieux

de féparer ce fel, ni par conféquent d'épargner la petite quantité de potaffe néceffaire à fa décompofition.

Il n'eft pas moins inutile de chercher a s'affurer de l'existence des fels neutres, parce qu'ils ne peuvent occafionner aucune perte d'alkali dont ils font déjà pourvus (1); que d'autre part il ne feroit il ne feroit pas facile de les féparer autrement que par cryftallisation; enfin, parce que les fels terreux une fois décompofés, il n'y aura plus d'obstacle a la cryftallisation des fels neutres.

A l'égard de la matiere graffe, qui n'eft qu'une portion huileufe ou phlogistique, produite fans doute par la décompofition des matieres animales ou végétales, & que les fels rendent actuellement foluble dans l'eau, en la mettant dans un état favonneux; il n'y a jufqu'à préfent d'autres moyens connus d'en

(1) Il eft vrai qu'ils n'ont pas tous pour bafe la potaffe, & que l'alkali végétal déplace la foude, fuivant l'obfervation de M. Bergman, à raifon d'une affinité fupérieure; mais ce ne font pas proprement ces fels qui conftituent l'état d'eau- mere, puifqu'ils font par euxmêmes difpofés à cryftallifer. D'ailleurs, un des Membres de cette Académie lui a déjà annoncé qu'il étoit parvenu à tirer parti de cette affinité; & d'après ce qu'il m'a communiqué de fon procédé, qu'il fe réferve de développer après de nouvelles expériences, je ne crains pas de dire qu'au moyen de cette découverte, l'exiftence de ces fels fera encore moins un obftacle au traitement des eaux-meres, puifqu'elle deviendra elle-même une fource de produit. Note ajoutée.

débarraffer les fels, que la répétition des cryftallifations, ou la deffication pouffée jufqu'à calcination. Le premier de ces moyens eft réservé aux rafineries, il fe pratique fur le fel même & non fur les eaux-meres : le fecond doubleroit infailliblement la dépenfe, & le produit ne feroit pas en proportion. Au furplus, cette matiere inflammable n'est ici que le moindre des obftacles à vaincre. Quelques Chymiftes ayant obfervé que les eauxmeres de certains fels perdoient une grande partie de ce principe par leur expofition à l'air pendant un très-long-temps, on peut effayer ce moyen, qui ne coûtera rien qu'une forme de vaiffeaux appropriés, une fois faits.

Restent donc les fels terreux déliquefcents qui doivent être le pincipal objet de l'opération; ces fels font le nitre calcaire, le nitre magnéfien, le muriate calcaire, le muriate magnéfien; peut-être en quelques endroits, des fels nitreux & muriatique alumineux (1). J'ai trouvé de ces derniers dans plufieurs eauxmeres, & je n'en ai pas été furpris, ayant eu plufieurs fois l'occafion de me convaincre que la pierre calcaire ordinaire, & même le

(1) Quelques-uns de ces fels font fufceptibles de fe cryftallifer feuls, comme l'a fait voir M. Quatremère Dijonval, & finguliérement par rapport au nitre magnéfien, & au muriate magnétien: (Journal phyfique, tome XVII, pag. 388 ). Mais il n'eft que trop confirmé, par l'expérience, qu'ils ne fe cryftallifent pas lorfqu'ils font mêlés avec des fels déliquefcents.

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